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« SE GLORIFIER D’ÊTRE 9E DANS UNE CLASSE DE MÉDIOCRES C’EST MANQUER D’AMBITION ! »

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Une partie de la presse a rivalisé d’enthousiasme ce matin à travers les titres pour saluer ce qu’elle appelle les performances du Sénégal en matière de gouvernance. « Le Sénégal dans le peloton de tête » de l’Indice Mo Ibrahim sur la Gouvernance en Afrique ont titré plusieurs journaux.

Je ne remets pas en cause la fiabilité de l’Indice car, en plus de celui de Transparency International, j’utilise souvent les résultats du rapport Mo Ibrahim pour démontrer la relation de causalité entre la bonne gouvernance et le développement économique et social. Le Botswana et le Cap Vert sont toujours bien classés dans cet indice. Ce sont les deux seuls pays africains sortis de la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA) pour se hisser dans le groupe des pays en développement depuis 1971. Deux de leurs anciens présidents, Festus Mogae et Pedro Pires, ont reçu les prix Mo Ibrahim après leur magistère.

Le Sénégal ne devrait nullement se glorifier d’être 9e sur 54 là où il a les moyens d’être 1e, 2e ou 3e en Afrique, des places qu’occupent les Seychelles, l’Ile Maurice et le Cap Vert.

Je dois aussi clarifier que l’Indice Mo Ibrahim évalue la gouvernance dans sa totalité et pas seulement la corruption et la façon dont les finances publiques sont gérées. Si le rapport se limitait à de tels indicateurs le Sénégal serait sans doute moins bien classé encore.

L’Indice Mo Ibrahim évalue 100 indicateurs répartis en quatre grandes thématiques : (1) sécurité et état de droit, (2) participation et droits humains, (3) développement économique durable et enfin (4) développement humain. Concernant la sécurité et l’Etat de droit par exemple, cela regroupe 26 indicateurs tels que l’indépendance de la justice, la corruption, etc. On imagine bien que dans le contexte actuel, si l’évaluation devait concerner seulement la corruption et l’indépendance de la justice, les autorités gouvernementales n’auraient pas de quoi pavoiser : la corruption est systématique, systémique, banalisée et encouragée. Le rapport de la Cour des comptes qui traumatise encore l’opinion publique du fait de l’ampleur du crime et du pillage financier qu’il a révélés en constitue la preuve. Je ne parle même pas des dizaines de rapports qui se sont amoncelés sur la table du procureur de la République et ceux qui dorment sous le coude du Président de la République.

Transparency International révèle que le score du Sénégal a baissé de 2 points entre 2020 et 2021 en matière de lutte contre la corruption.

La stratégie nationale de lutte contre la corruption adoptée dernièrement ne donne aucune perspective claire sur la volonté du gouvernement d’enrayer cette gangrène qu’est la corruption. Ces dernières années, le travail de l’OFNAC a été peu rigoureux, mal conduit et sans résultats. Macky Sall qui a fait de la corruption et l’impunité les deux principales mamelles de sa gouvernance a fini par assumer ses choix en enterrant l’OFNAC et ses rapports gênants. Car pour enterrer une institution, il n’est pas nécessaire de la dissoudre. Il suffit d’en faire une coquille vide, d’ignorer ses rapports ou de nommer à sa tête quelqu’un qui ne croit ni n’aime la lutte contre la corruption. C’est le cas avec la nomination de l’ancien Procureur de la République.

Voilà pourquoi, plutôt que de suivre et répéter sans recul les fanfaronnades du gouvernement sur les conclusions du rapport, la presse devrait faire davantage d’analyse pour mettre à nue la réalité que vivent les Sénégalais.

Cheikh Tidiane DIÈYE

31 janvier 2023


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