image

UN ÉCOSYSTÈME SOUS LA MENACE DE L’ÉMERGENCE

image

Et si Diamniadio était une ville à la fois émergente et polluante ? L’interrogation ainsi posée peut surprendre plus d’un. Et c’est d’autant plus contradictoire que la localité incarne la vision futuriste du Sénégal : TER, Stade Abdoulaye Wade ou encore Zone industrielle. Mais depuis quelques temps, des acteurs du développement local alertent sur les enjeux écologiques de cette nouvelle ville sortie de terre. Un cri de détresse qu’ils lancent à l’État du Sénégal pour sauver le bassin de Sébi Ponty.

La localité est encore loin, très loin même, de « Dakar ville vivante et vibrante » que décrivit le Général de Gaulle en 1958 face aux porteurs de pancartes. En revanche, avec ses gratte-ciels, sa sphère ministérielle, son complexe international ou encore son stade ultramoderne, Diamniadio incarne le visage du PSE (Plan Sénégal Émergent). Une émergence qui ne fait pas que des heureux. Parmi eux, Moussa Mbengue, un acteur de développement local. Ce dernier a mis sur pied une association pour préserver un écosystème très peu connu des Dakarois : le bassin de Sébi Ponty. Un réservoir d’eau de 20 hectares, entre les entraves de la modernité et le passé glorieux de l’école normale William Ponty de Sebikotane qui formait des élites de l’Afrique Noire Francophone. « Ce bassin a été implanté ici en 1937 avec l’avènement de William Ponty » raconte le président de l’association « AAR SA GOX ». « L’objectif des responsables était d’avoir de l’eau pour arroser les champs maraîchers de l’établissement », explique Moussa Mbengue. De nos jours, le bassin constitue un poumon économique qui permet aux populations de pratiquer l’élevage, l’agriculture et la pisciculture. C’est aussi un moyen d’assainissement. Le bassin est un réceptacle des eaux pluviales de la ville de Diamniadio. Tout un écosystème au profit des communautés qui se retrouve de plus en plus menacé.

Pour faire le constat, Moussa Mbengue, en pantalon et chemise sombre, nous invite à aller à la rencontre des acteurs autour du bassin. Il laisse derrière lui, l’école William Ponty et ses bâtiments aux murs lézardés, sous le poids de l’âge mais qui tiennent encore debout.

Sébi Ponty, écosystème menacé

Quand il débarque sur les lieux, même à l’improviste, c’est toujours un bon signe. À peine arrivé, le militant de l’environnement, est interpellé par Ousmane Sow. L’agriculteur porte sur le dos un pulvérisateur de pesticides avec lequel il protège des insectes son champs de près d’un hectare. « Face aux prédateurs fonciers, je suis obligé de mettre ces bornes », se désole Ousmane Sow. Lui, tout comme Moussa Mbengue, ont les yeux braqués sur les bulldozers. Des engins circulent sur une piste en latérite aux alentours du bassin et des surfaces cultivables. Il s’agit d’une route en construction dans la zone industrielle de Diamniadio. Mais ce qui gêne le plus, les acteurs du bassin, c’est la pollution industrielle. Preuve à l’appui, le président de l’association « Aar Sa Gox » nous montre de l’huile noirâtre déversée près des lieux. « Nous allons faire un prélèvement pour des analyses », martèle Moussa Mbengue d’un ton fermé et le visage assombri. La raison, d’après lui, est qu’il n’est pas rare de voir une entreprise jeter des produits toxiques dans les eaux du bassin. « C’est pourquoi nous constatons de temps à autre des tapis de poissons morts sur place », ajoute le sexagénaire.

Ce dernier précise que le point de départ de tout cela est l’installation dans la zone de l’Agence d’aménagement et de promotion des sites industriels (APROSI) de Diamniadio en 2005. Selon lui, l’APROSI, dans son plan de gestion des impacts environnementaux, s’était engagée à faire le suivi de la qualité des eaux et à effectuer des prélèvements semestriels. Force est de constater que l’agence n’a pas respecté ses engagements accuse l’acteur de développement local.

Au-delà des produits déversés, le plastique est aussi dans le viseur. Aux alentours de champs d’aubergines, des bouteilles usées et sachets en plastique y sont jetés par une entreprise. Un mauvais exemple ! Mais, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Des blocs de pierres sont érigés au pied de la délimitation du bassin de Sébi Ponty. Une présence qui ne présage rien de bon. Moussa Ndiaye redoute « une volonté manifeste de remblayer le bassin ». Malgré sa lutte acharnée contre des « entreprises polluantes », le militant de l’environnement, est loin d’être un farouche opposant de l’industrialisation. Bien au contraire, l’homme croit qu’il est possible, à l’image de certaines villes africaines ou occidentales, d’allier modernité et écologie. Mais le bassin de Sébi Ponty s’éloigne de plus en plus de cette configuration. Sur place, les bulldozers de l’émergence avancent au détriment d’un écosystème en souffrance.

Pape Ibrahima NDIAYE

20 février 2023


------------------------------------

Vous pouvez réagir à cet article