En 2022, une mobilisation des populations avait amené le Gouverneur de Fatick, Seynabou Gueye, à sortir, le 3 novembre dernier, une note adressée au Préfet du département, Papa El Hadji Madické Dramé, pour stopper les activités d’un projet d’installation d’une usine de sel, portant sur 5000 hectares sur les côtes maritimes dans la Sous-préfecture de Fimela (dans les communes de Djilass, Diofior, Fimela). Un projet porté par des Indiens au nom d’une entreprise dénommée Sen Agrocel SA.
“Ce projet officiellement inconnu suscite beaucoup de débats et a occasionné une manifestation de protestation”, avait motivé, entre autres arguments, l’arrêt des travaux. Mais, alertent Mamadou Mignane Diouf et Cie, membres du collectif contre ce projet, “grande a été notre surprise de constater que le même Gouverneur a convoqué ce jeudi 13 avril, un Crd, à Fatick, pour une consultation publique dans le cadre de l’étude d’impact environnemental et social dudit projet.”
"On risque de perdre 5 000 hectares sur le littoral”
Selon eux, cette procédure pourrait “déclencher la déclassification et plus tard le décret d’attribution.” Or, déclarent-ils, “dans la démarche, avant de faire une consultation publique, il faut d’abord disposer d’un titre de délibéré sur les terres et d’un accord avec les populations locales. Tout ceci n’a pas encore été fait. Des conseillers municipaux de Fimela nous disent qu’aucune réunion du Conseil municipal n’a été organisée” dans ce sens.
Par conséquent, ils suspectent un projet “nébuleux” lié à l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz. D’autant plus que soulignent-ils, l’entreprise indienne a le même promoteur que Senegindia, intervenant dans l’immobilier, l’habitat et l’agrobusiness. “Tout le monde sait que le Sénégal va commencer à exploiter le pétrole à Sangomar. Avoir 5000 hectares sur le littoral de Sangomar, cela peut être intéressant pour n’importe quelle société, ou tu peux construire des hôtels, des appartements, des campements ou même pourquoi pas prospecter dans cette zone du gaz ou du pétrole”, préviennent-ils.
Une zone tampon écologique
Dans leur argumentaire, ils ont aussi mis en avant la particularité de la zone, soutenant que “les populations s’étaient mobilisées parce que ces terres constituent historiquement un patrimoine. C’est dans cette partie du Sénégal qu’est né le premier royaume du Sine. Culturellement, cette zone est classée patrimoine mondiale de l’Unesco. Parce que c’est une zone de transition, entre la biosphère des îles (Delta) du Saloum et la partie continentale à partir de Joal, Palmarin”, entre autres.
Avant d’indiquer qu’économiquement et financièrement, “ce projet ne peut pas être aussi rentable que l’aspect touristique et historique de la zone.” D’autant plus qu’ont-ils souligné, évoquant les opportunités du projet, 1800 emplois dont 38 permanents ne valent pas 5000 hectares sur le littoral. D’ailleurs, 800 femmes qui font du sel artisanal sont en danger, en plus des activités liées à l’Agriculture, à la Pêche et à l’Élevage, ont-ils insisté.
En face “d’un processus nébuleux”, Mignane Diouf et Cie prévoient un “plan de mobilisation”. Lequel, détaille le collectif, “commence par ce point de presse, suivi d’une réunion locale samedi prochain, 15 avril, à Mbissel, avec toutes les associations des villages environnants.” L’objectif est “de reprendre la mobilisation qui avait abouti à l’arrêt des travaux.”
Dans sa lutte, le collectif envisage de saisir l’Unesco ainsi que la Convergence africaine contre l’accaparement des terres et des eaux, et n’exclut pas d’interpeller le Président Macky Sall, “qui est aussi un enfant du département concerné”.
Dié BA
13 avril 2023