image

ATMOSPHÈRE IRRESPIRABLE À CAYAR

image

Alors que le délibéré du Tribunal de Thiès est attendu le 3 novembre prochain dans l’affaire Taxawu Cayar et l’usine Barna Sénégal, accusée de destruction de l’environnement, Bés bi est allé dans cette commune pour constater l’ambiance. Et les populations sont au bout des nerfs.

À peine que le véhicule de transport en commun dépasse Bayakh pour Cayar, l’on est étourdi au fur et à mesure du trajet par une odeur nauséabonde de déchets de poissons, de ce lieu de fabrication de Guedj. Pour faire simple, c’est un parfum de poisson pourri qui se propage à grande échelle dans l’atmosphère, dans ce lieu de production de guedj. Malgré le cri de cœur des villageois, les appels incessants sans succès au gouvernement, des années vaines passées à alerter, la pollution de l’air a atteint des proportions inquiétantes. À Cayar, le visiteur suffoque à des kilomètres de l’usine, les autochtones inhalent sans broncher. C’est des narines qui chauffent, agressés par des effluves toxiques, enivrantes et dévorantes émanant de « Barna ». À Keur Abdou Ndoye, Ndiokhob Guedj ou Mbawane, 3 quartiers à l’entrée de la commune de Cayar, les habitants sont réduits à supporter le fracas des vrombissements des puissants matériels de l’usine, traduite en justice par le Collectif Taxawu Cayar pour « catastrophe environnementale » et le procès, ouvert hier au Tribunal départemental de Thiès, est mis en délibéré pour le 3 novembre.

L’organisation dirigée par Mor Mbengue ne compte plus cohabiter avec cette entreprise. Car sur le sable fin de cette commune de Thiès et située à 58 km au Nord de Dakar, trône un bâtiment blanc surplombé par des puissantes machines qui carburent à grande vitesse. Tout est fermé. Les deux portails bleus aussi. Lorsqu’on frappe à la porte, un vigile, l’air méfiant, ouvre un peu d’espace pour demander l’objet de la visite. Il n’est pas question de livrer des détails. « Il faut s’adresser à Diallo, le directeur », décline-t-il fermement avant de refermer le vestibule. Recouverte par une végétation qui perd de sa verdure, l’usine est implantée dans un site bien aménagé par la mairie et dont une parcelle de 150 m2 coûterait 3 millions de francs. A part les taxis clandos, personne ou presque ne fréquente cet endroit où même un masque anti-Covi-19 ne rend pas limpide la respiration. A Cayar, commune de 30 000 âmes, dans les zones des Niayes et un des 3 ports de pêche les plus importants du Sénégal, les populations n’en peuvent plus.

« A 3 km, je sens l’odeur nauséabonde de l’usine »
La cohabitation avec l’usine installée en 2018, ne peut plus durer. Masque couvrant presque tout le visage, Mamadou Ba qui est à quelques centaines de mètres de l’usine, a le cœur meurtri. « Lors de l’hivernage, la mauvaise odeur s’oriente vers Cayar, Keur Abdou Ndoye ou à Mbawane. Nous subissons la même situation à Niodkhob », regrette ce gérant de quincaillerie et habitant à Ndiokhob Guedj. Chapeau façon Amilcar Cabral, Samba Ka, les années de labeur tatouées sur le visage, a perdu ses champs à cause de l’usine. « Le défunt maire Ndiassé Ka nous a pris nos terres pour, disait-il, des aménagements de parcelles. Mais c’était juste pour implanter cette usine qui nous tue à petit feu. Notre cadre de vie est dégradé. C’est le désastre à Cayar », s’indigne-t-il observant l’usine avec amertume.

Pour le collectif Taxawu Cayar, l’heure est venue de fermer Barna Sénégal. « Quand je suis allé à la mosquée ce matin, j’avais des problèmes de respiration à cause de la mauvaise odeur. A 3 km, je sens l’odeur nauséabonde de l’usine », dit Mor Mbengue, coordonnateur du Collectif Taxawu Cayar, assis sur sa pirogue accostée sur le littoral. Plus loin, sur le site sans activité des femmes transformatrices, Maty Ndao et ses collègues décrient la concurrence de Barna Sénégal. « Maintenant, nous ne pouvons plus avoir de poissons. Barna prend tout car elle double nos prix. Déjà, avant sa venue, on peinait à trouver la sardinelle. Avec Barna, notre métier est en voie d’extinction ». En attendant, il faut vivre avec la pollution de l’air. Au moins jusqu’au 3 novembre…

Babacar Guèye DIOP

9 octobre 2022


------------------------------------

Vous pouvez réagir à cet article