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CHAUFFEURS, APPRENTIS ET PASSAGERS PARLENT DES ROUTES DE LA MORT

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D’après le bilan du gouvernement sénégalais sur l’accident de Sikilo, 40 personnes sont décédées et plusieurs blessés dénombrés. Les principales causes des accidents de la route sont les excès de vitesse, l’usage du téléphone au volant, la fatigue ou la conduite sans permis. Pour tous ces accidents, les causes ont été identifiées et tous auraient probablement pu être évités en adoptant un autre comportement sur la route. C’est sur ces entrefaites que nous avons fait un tour au niveau de certains garages pour rencontrer chauffeurs, apprentis et passagers.

Au garage de Bignona sis à Grand Yoff l’ambiance est restée la même. Les klaxons des bus se mêlent aux voix des différentes personnes présentent sur les lieux. À l’entrée de la gare routière, les coxeurs accueillent les clients pour les orienter vers les bus. À l’intérieur, les apprentis chargent les bagages et les passagers attendent tranquillement soit sous les tentes érigées non loin du bassin de la zone de captage soit aux côtés des vendeuses de fruits ou d’autres articles. L’accident de Sikilo ne fait pas l’objet de débat ici. Mais lorsqu’on a abordé le sujet tous les regards se sont dirigés vers nous. Ainsi, Malick, chauffeur de son état, plus connu sous le sobriquet de Classe, s’est-il rapproché de nous pour en parler. Naturellement, il a déploré ce qui s’est passé. « Un accident est toujours terrible surtout lorsqu’on note des pertes en vies humaines. Cependant, je dois dire que les chauffeurs en quittant les garages leur souhait c’est de rentrer vivant et de conduire à destination tous les clients. Et ce, dans les meilleures conditions. Pour ce qui concerne l’accident de Sikilo, je dis que c’est la volonté divine et nous devons l’accepter ».

Par ailleurs, Malick a demandé au gouvernement d’élargir les routes. « Nos routes sont très étroites et la preuve quand deux véhicules se croisent l’un est obligé de descendre pour permettre à l’autre de passer. Outre les routes, les chauffeurs doivent avoir un bon comportement. On ne doit pas jouer avec la vie humaine. Certes, je suis un chauffeur, mais je n’approuve pas certains comportements. Parfois, on voit des chauffeurs indisciplinés », a-t-il dénoncé.

Il sera confirmé par Assane Diallo. Apprenti de son état, il va au-delà en indexant aussi le comportement des apprentis. « Les apprentis et les chauffeurs doivent revoir leurs comportements. Nous transportons des personnes donc, on doit agir avec beaucoup de responsabilité. Ce, en respectant le code de la route et les mesures prises par l’Etat. Ce n’est pas parce qu’on est un apprenti qu’on doit avoir un mauvais comportement », a déclaré Assane Diallo. Interpellé sur les mesures que l’Etat doit prendre au terme du conseil interministériel, il a soutenu que : « nous sommes dans un Etat organisé. Si le gouvernement prend des décisions on doit les respecter. Ces mesures, c’est pour nous. Mais les apprentis et les chauffeurs sont têtus ».

De l’autre côté, nous avons rencontré des passagers qui se rendent au sud du pays entre Kédougou, Tambacounda ou Ziguinchor. Assis en face du bus qui doit l’amener en Casamance, Ousmane Cissé, garde encore en tête l’accident de Sikilo. Sac sur le dos, il explique que c’est très difficile pour eux qui ont quitté leurs villages pour venir travailler ici à Dakar. « Je pars souvent en Casamance et je prends les bus. Les voyages nocturnes comportent beaucoup de risques, mais on n’a pas vraiment le choix. L’accident de Sikilo a fait que les gens ne veulent plus voyager. Ou bien quand tu voyages tu es animé par la peur. Tes proches t’appellent et tout le monde veut savoir si tu es bien arrivé », a-t-il dit. Avant d’enchaîner : « je devais voyager le dimanche matin mais lorsque j’ai vu l’accident, j’ai tout simplement renoncé. Ce n’est même plus sûr que je voyage ».

L’exemple à suivre...


Après le garage Bignona sis à Grand Yoff, nous nous sommes rendus vers les coups de 17 heures à un garage qui se trouve sur le parking du stade Léopold Sedar Senghor. Ici, il n’y a pas beaucoup de personnes. Mais, Alassane Keita et ses apprentis sont en train de ranger les bagages des voyageurs qui doivent rallier Tamba. Interrogé sur l’accident de Sikilo, il a répondu : « nous avons vu n’importe quel accident mais ce qui s’est passé à Sikilo c’est tout simplement inimaginable. Certes c’est la volonté divine, mais nous devons changer nos comportements ». Il a également déploré le fait que les propriétaires des bus apportent des modifications pour gagner beaucoup plus d’argent.

« Si les bus ont des porte-bagages, c’est parce que l’Etat à laisser faire de même que les chaises appelées « versailles ». Moi je n’ai pas augmenté de chaises. J’ai un bus de 49 places. Nous n’avons apporté aucune modification. Nous quittons Dakar à 18 heures à chaque voyage », martèle Keita. Selon lui, le président Macky Sall a fait énormément en matière de route. « Mais, nous lui demandons d’élargir les routes. Aux forces de l’ordre, nous leur demandons de faire correctement leur travail en contrôlant les véhicules », a-t-il conclu.
En définitive, pour atteindre l’objectif de la décennie mondiale d’actions des nations unies de réduire de 50% les décès et blessés graves liés aux accidents de la route sur la période 2021 – 2030, aucun acteur, aucun potentiel ne doit être laissé de côté.

Cheikh Moussa SARR
Papae Doudou DIALLO (Photos)

11 janvier 2023


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