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« EN AFRIQUE, ENVIRON UNE PERSONNE SUR CINQ SOUFFRE ENCORE DE SOUS-ALIMENTATION CHRONIQUE », (AKADEMIYA2063)

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Malgré les progrès remarquables réalisés au cours des deux dernières décennies en termes de réduction de la faim extrême en Afrique, environ une personne sur cinq souffre encore de sous-alimentation chronique. Le Sénégal, qui a mis un accent particulier sur les programmes et les investissements en matière de nutrition, a considérablement amélioré ses résultats nutritionnels au cours des deux dernières décennies. Des défis considérables subsistent néanmoins, notamment celui de la faim cachée. En effet, on note des carences importantes en micronutriments, désormais reconnues comme un problème de santé publique important malgré les données limitées sur leur étendue et leur distribution. Ces carences, dans les zones urbaines et rurales, concernent en particulier le calcium, le fer, la riboflavine et le zinc. Le Plan stratégique multisectoriel de la nutrition 2017-2021 (PSMN)2 du Sénégal prévoit des mesures pour réduire certaines carences, notamment en fer, en acide folique, en iode, en zinc et en vitamine A.

Des résultats issus des recherches effectuées par Akademiya2063 qui sont à la base de l’organisation d’un séminaire, en partenariat avec le Conseil national du développement de la nutrition (Cndn) du Sénégal, sur le thème : “Mieux comprendre le statut nutritionnel et la vulnérabilité au niveau communautaire pour améliorer les capacités de préparation et de réponse aux crises”.

Le séminaire a regroupé des décideurs politiques, organisations de recherches, partenaires au développement, groupes de réflexion et représentants de la société civile, à Dakar. Lançant les travaux au nom du ministre de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, Papa Malick Ndao, par ailleurs Secrétaire général dudit département, a indiqué que la réunion permettra d’échanger sur les données et les indices nécessaires à l’élaboration de programmes et d’instruments de réponses aux chocs plus aptes à assurer la protection des groupes les plus vulnérables.

Introduite par Dr Terri Sarch, membre du conseil d’administration d’Akademiya2063, qui a modéré l’ouverture des débats, Aminata Ndoye, Secrétaire exécutif du Conseil national de développement de la Nutrition (Cndn) a déploré “un réel problème par rapport à la disponibilité de données sur la nutrition et sur l’impact des interventions de manière régulière. Par exemple, sur le statut nutritionnel, depuis 2019, on n’a pas de données. Le Sénégal ne peut pas vous dire, de manière globale, l’impact des crises que ce soit la Covid-19, la guerre en Ukraine, sur la nutrition des populations. C’est un défi majeur que nous avons. L’autre défi, c’est que nous avons engagé beaucoup de recherches et d’études pour mieux comprendre. Le Sénégal a engagé la fortification des aliments plus de dix ans maintenant. Mais, aujourd’hui, nous avons engagé des études pour voir l’impact de cette stratégie. Parce qu’on enrichit la farine et l’anémie augmente chaque année. Nous sommes en train de faire des études avec l’université sur les déterminants majeurs. Au niveau de chaque commune du Sénégal, vous pouvez savoir à travers les données communautaires du système de santé, comment la situation se passe. Au niveau des marchés, nous avons le commissariat à la sécurité alimentaire qui fait la remontée hebdomadaire des informations en termes de produits. Ce qu’on peut améliorer, je pense que c’est deux choses : renforcer le financement interne. C’est-à-dire que le Sénégal puisse financer les enquêtes et qu’on ne dépende plus des partenaires pour mesurer les efforts. Parce que le gouvernement du Sénégal fait beaucoup d’efforts pour améliorer la situation. Il faut aussi avoir un suivi-système qui serait automatisé et accessible à toutes les parties prenantes, que ce soit les ministères, les partenaires, pour arriver aux résultats escomptés.”

Dans la région du Sahel, estime le Programme d’alimentation mondiale (Pam), organisme d’aide alimentaire de l’ONU et de la FAO, une étude a révélé qu’au moins 21% des ménages peuvent accéder à une alimentation de base. Par contre, environ 60% des ménages ont des difficultés à accéder à l’alimentation nutritive”.

Siméon Nanama, conseiller régional en Nutrition, Unicef, Afrique de l’Ouest et Centrale annoncé, à l’occasion, le lancement d’une campagne régionale de plaidoyer pour un changement de comportements focalisé sur l’élimination de l’eau de l’alimentation des nourrissons de zéro à six mois. Avant d’indiquer par rapport à la région concernée, que sur vingt-sept (27) millions d’enfants de six (6) à vingt-trois (23) mois, un quart seulement a accès à une alimentation saine. “On s’est rendu compte que 42% des enfants, il leur manque un ou deux groupes d’aliments pour avoir les cinq groupes nécessaires. Une analyse qualitative a montré que les aliments qui sont le plus fréquemment absents des aliments de ces enfants, ce sont les produits animaux, les fruits et légumes. Avec ces informations, nous envisageons d’avoir une communication focalisée sur ces trois groupes d’aliments.”

Selon lui, il convient d’impliquer le secteur privé dans la transformation du système alimentaire. “Parce que nous sommes dans un environnement où il y a une saisonnalité marquée, et la transformation peut permettre de rendre les produits disponibles de manière continue”, a-t-il justifié, martelant “que c’est un peu paradoxal qu’on ait autant de pertes en produits agricoles et animaux dans une région où on a beaucoup de malnutrition. Le secteur privé a un rôle à jouer dans la transformation.”

Dr Nafissatou Bâ Lô, conseillère en nutrition, ne dira pas le contraire. “Pour le maraichage, les producteurs doivent être accompagnés pour une diversification des cultures”, a-t-elle préconisé, soulignant qu’il s’agit d’éviter que “tous les produits semblables se retrouvent au même moment sur le marché.” “Aujourd’hui, dit-elle, il y a beaucoup de pertes parce que tout le monde fait en même temps la carotte, le chou, (etc.). Je pense qu’on doit, avec le ministère de l’Agriculture et tous les départements concernés, mieux encadrer ces producteurs pour une diversification des cultures”.

Les équipes d’Akademiya2063 ont travaillé sur une approche à deux volets pour générer les connaissances nécessaires à la réduction de la vulnérabilité et au renforcement des capacités de réponse aux crises en Afrique. Le premier volet concerne le développement d’un indicateur composite de vulnérabilité permettant de classer les communautés en fonction de leur degré de vulnérabilité face aux chocs en se basant sur les conditions préexistantes liées à la pauvreté, à la malnutrition, aux maladies chroniques, à l’accès limité aux services, etc. La revue des modèles et des interrelations entre les différentes dimensions de la vulnérabilité nous permet d’identifier les communautés qui ont particulièrement besoin d’être soutenues car disposant d’une faible capacité d’absorption des chocs. Le deuxième volet est celui de la nutrition. Le statut nutritionnel, déterminé grâce à une série de facteurs, constitue un indicateur clé qui illustre clairement les déficiences au niveau communautaire. Il reflète le niveau de pauvreté et de malnutrition, la prévalence des maladies, ainsi que le niveau de dégradation de l’environnement et des moyens de subsistance de la communauté.

Dié BA
Pape Doudou DIALLO (Photo)

14 mars 2023


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