Natif du Sénégal, Philippe Franchois co-propriétaire a toujours rêvé d’un projet professionnel pour le pays de la Teranga. Ce rêve est en train de se réaliser à travers un vaste champ dénommé « Clos des Baobabs ». Dans ce domaine agricole, situé en pleine forêt, dans la commune de Nguékhokh, Philippe et son associé François y développent une culture de la vigne. Le vignoble s’étend sur plus d’un hectare.
(Suite et fin de l’Enquête)
Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en place ce projet ?
Approché pendant 30 ans par les viticulteurs de Bourgogne et enthousiasmé au début des années 2000 par le vignoble impossible de Tahiti mon challenge était tout trouvé : faire du vin en zone sahélienne, seule région d’Afrique où les raisins de cuve (et de table) ne poussent pas (les grands pays viticoles africains sont au Nord, le Maroc et la Tunisie (Algérie autrefois), au Sud l’Afrique du Sud, à l’Est l’Éthiopie et un peu l’Égypte. Si le domaine du « Clos des Baobabs » est copié par d’autres dans 10 ans, le Sénégal pourrait figurer dans le cercle des pays viticoles émergents.
Est-ce que ce projet n’était pas un pari risqué ?
C’était un pari risqué pour une raison : aucune recherche agronomique sur le sujet de la fructification des cépages de la vigne, sous climat sahélien. Dans le cadre de notre expérimentation agricole, nous avons pu faire fructifier durablement le cépage (grenache) sur les 12 testés. À partir de cette validation les autres risques devenaient gérables (termites, eau, singes, maladies…). Nous avons donc lancé la culture du grenache tout en cherchant depuis 9 ans à obtenir un second cépage fructifère.
Après la culture vignoble à Nguékhoh, quelle est la seconde étape ?
Le sujet est binaire. C’est viticulture et viniculture. La viticulture c’est l’agriculture de la vigne. La viniculture c’est la transformation du raisin en vin. Notre challenge est de faire du fruit. À partir de ces raisins faire du vin est une autre étape moins challengée que nous réalisons avec des process bien connus sur la Planète Vins et des conditions d’installations modernes.
Où se passe la fermentation ?
La transformation ou fermentation des raisins en vin se fait sur la zone de Saly. Il n’est ni question de transformer en Europe ou inversement d’importer des raisins. Nous tenons à faire émerger un produit 100% du terroir du Sénégal. A contrario le « Vin du Sahel », appellation commerciale mensongère qu’on trouve en boutique (aéroport pour les touristes et ailleurs) est issu de vins ordinaires importés sans aucune indication géographique.
Comparé au vin qui se produit en Europe ou ailleurs, est-ce que le vin sénégalais est de bonne qualité ?
Le vin est de qualité prouvée par des dégustations expertes. Vin fidèle au cépage grenache avec des caractéristiques propres. Notre vin est présent à la Cité mondiale du vin à Bordeaux.
Comment les autorités locales, la mairie, ont accueilli le projet ?
L’intérêt des autorités de façon générale est, à ce jour, très faible. Au niveau national, aucune visite spontanée d’un ministère quelconque. Dossier déposé à l’Apix, nous avons un soutien toutefois. Au niveau local, à la mairie, pas de soutien, mais un questionnement absurde de nature à penser que la culture du raisin (qui produit au final un produit alcoolique) pourrait être une culture interdite. Au niveau religieux communal, la vigne est une culture non souhaitée. Il faut parier pour les autorités sur une agriculture à forte valeur ajoutée et sur un oeno-tourisme en découlant, comme le démontre le Maroc voisin.
Propos recueillis par Babacar FALL
25 avril 2022