La Journée mondiale de la liberté de la presse est célébrée le 3 mai de chaque année. Malgré les difficultés que rencontre la profession, notamment la précarité et la baisse du niveau, de nombreux jeunes aspirent à la pratiquer. Le constat a été fait ce mercredi 3 mai 2023 au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti). Un Institut de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), qui va porter, à la suite d’une décision prise par le chef de l’Etat, Macky Sall, le nom du regretté Mame Less Camara. Une figure majeure de la presse décédée samedi 29 avril.
L’amphithéâtre Eugénie Rokhaya Aw, en hommage à l’ancienne directrice de l’Institut universitaire, dépassé, un groupe d’étudiants est trouvé en pleines discussions, à l’entrée du bâtiment principal. Parmi eux, Paul Dacosta, étudiant en 3e année de Licence en Journalisme. Interrogé sur son choix, il explique : “Je dirai que c’est la prise de conscience d’honorer cette mission de service public, je dirai même d’intérêt général. Je pense qu’avant d’être journaliste, on est d’abord citoyen. En apportant notre pierre à l’édifice, en donnant une information avec toute la rigueur qui sied, on pourra permettre au public, dans toutes ses composantes, de répondre à ses aspirations que ce soit politique, social, économique, etc.”
Il ajoute : “C’est cette mission noble qui m’anime en tant que jeune aspirant journaliste.” Poursuivant, il insiste, toutefois, sur un “autre aspect, “celui de la qualité informationnelle.”
Pour lui, “c’est un défi pour nous autres jeunes. Car on sait l’importance que l’information a pour le débat public. On se doit de rehausser le niveau du débat. Il est tellement pollué par des créateurs de contenus qui ne sont pas des journalistes et qui font très mal le boulot. On se doit, nous qui sommes formés à bonne école, de relever ce défi-là.”
Sur ce volet, insiste-t-il, “c’est une question de volonté, il faut que les journalistes ne soient pas dans ce mutisme-là. Parce qu’ils ne parlent plus. Il faut s’asseoir et discuter des problèmes du métier. C’est un métier qui bouge. Il y a de nouvelles influences.” À ce niveau, le jeune journaliste pose “la question de l’intelligence artificielle.” Avant de s’interroger : “Qu’est-ce qu’on en fait ? Est-ce que les gens posent le débat ? La précarité ? Est-ce que les gens posent le débat pour réfléchir sur la profession ? Cette posture éthique-là n’est pas prise en compte par les journalistes eux-mêmes. Les journalistes devraient impliquer les politiques dedans. Parce que pour assainir la presse, il faut régler la question de l’accès à l’information au Sénégal. Il y a beaucoup de choses que les gens ne connaissent pas. Les journalistes ne peuvent pas accéder à ces informations-là. Les journalistes n’en parlent pas” alors qu’ils “doivent s’approprier ces questions-là et les disséquer.”
Pour son camarade de promotion, Djibril Diallo, le journalisme est l’un des métiers les plus stratégiques. Parce qu’il vous met au centre du jeu. Le journaliste est aujourd’hui entre les populations elles-mêmes mais également entre les populations et les autorités. Choisir le métier, c’est choisir de servir dignement ses concitoyens parce que vous êtes un relais d’information. Sans information, le pays est en proie à la désinformation. Je pense que ce ne sont pas des choses à encourager. La plus grande erreur qui puisse exister, c’est de penser que tous les jeunes doivent s’engager en politique. Il nous faut aujourd’hui de bons jeunes qui s’engagent dans le journalisme, de bons jeunes économistes, ingénieurs, et je pense que c’est en regroupant tout cela que nous allons construire ensemble notre pays.”
Au moment où d’autres investissent le milieu après avoir échoué ailleurs, le journalisme est une vocation donc pour Diallo. “Parce qu’avant de venir au Cesti, nous avons été formés dans d’autres domaines. Après avoir obtenu notre diplôme, nous avons tout laissé tomber pour venir faire le Concours du Cesti. Cela montre à quel point, nous sommes déterminés à servir notre pays par le biais du journalisme. Avant d’intégrer ce métier, il faut avoir de la passion et c’est comme ça qu’on va servir dignement ce métier. Ce qui fonde la pratique du métier, c’est l’éthique et la déontologie.”
Leur camarade Mahmoud Pam va plus loin : “C’est aussi un métier qui est crucial pour un pays qui se veut démocratique. C’est un maillon de la chaîne démocratique. Nous sommes le 3e sinon le 4e pouvoir.” Ainsi, à la question de savoir est-ce qu’on exerce pleinement ce rôle ? “C’est très difficile de le dire dans une époque où il y a ce foisonnement de réseaux sociaux numériques, avoue-t-il. Il y a des influenceurs, des manipulateurs, des affabulateurs mêmes. Le rôle du journaliste est encore plus primordial dans l’espace médiatique. Ce rôle doit être de donner des informations vraies, des informations vérifiées.”
Par conséquent, préconise-t-il, “le défi est au fack-checking. C’est-à-dire “de vérifier les faits.” Pam, qui se félicite d’avoir été formée à bonne école, soutient, abordant les défis à relever, que le journaliste doit “être incontournable, un homme de son temps, (qui) épouse le numérique.”
Au sein de la direction, on assure avoir anticipé sur ces écueils. “Le journaliste est un métier qui n’est pas statique. Il est évolutif. De nos jours, on parle de plus en plus des Technologies de l’information et de la communication (Tic), qui sont venues assaillir le secteur des médias, reconnaît le Directeur des études, Mouminy Camara. Au Cesti, on s’adapte à la nouvelle situation, en intégrant dans les curricula d’enseignement de nouveaux modules, qui prennent en compte cette nouvelle situation. De la 1ère à la 3e année, il y a de nouveaux modules. Au Cesti, la plus-value, c’est qu’on forme nos produits en Jri (journaliste reporter d’images). A l’issue de l’obtention de leur diplôme en tant que journaliste, tant bien même qu’ils se spécialisent en radio, télévision ou presse écrite, ils sont capables de nager entre les différents dispositifs. Au-delà de cette formation intégrale en Jri, on s’adapte au contexte contemporain. Il y a un module en lien avec le développement personnel. C’est-à-dire qu’on prépare plus ou moins l’étudiant à son insertion professionnelle. Si par malchance, ils n’ont pas pu intégrer un organe médiatique, ils peuvent eux-mêmes entreprendre et créer leur propre entreprise. On a un exemple patent au Cesti. Un étudiant, qui a fait sa formation au Cesti, a créé son organe de presse, en l’occurrence la maison des reporters de Moussa Ngom”. D’ailleurs, soutient-il, un plan stratégique permet de réfléchir sur les perspectives de l’exercice du métier.
Dié BA (texte)
Abdoulaye Sylla (photos)