A 10 Km de la cité religieuse, Madina Gounass, des milliers d’hommes se retrouvent chaque année pour perpétuer l’œuvre de Thierno Saïdou Bâ. Nous sommes à Daaka. Ici, les femmes sont interdites d’accès. Les hommes restent entre eux pendant 10 jours pour lire le Coran et invoquer le tout-puissant. Des huttes sont érigées un peu partout et servent de foyers pour ces milliers de personnes venues d’un peu partout à travers le pays, voire même au-delà de nos frontières.
Le fait marquant à Daaka c’est que ce sont les hommes qui font la cuisine. C’est un fait inédit quand on sait que la plupart des hommes sénégalais ne cuisinent, presque, jamais. Retrouvé sous une tente en train de surveiller les marmites, Abou Diallo n’a rien d’un cuisinier. Pourtant avec son équipe, il prépare à manger à plus de 100 personnes. « Nous venons de Bokké Dialoubé et comme vous avez pu le voir, nous avons ici des hommes qui cuisinent. Je peux vous assurer que les hommes cuisinent mieux que les femmes (rires). On ne met pas certains bouillons et c’est très bon », a-t-il soutenu. Avant d’insister : « nous cuisinons pour plus de 100 personnes. En effet, nous sommes une association qui regroupe plus de 30 villages et chaque année on est présent ».
Même tonalité chez Samba Ndiaye venu de Kanel. Entouré par plusieurs personnes, il était en train d’éplucher les légumes. « On dirait que vous êtes impressionnés par ce que vous avez vu ? », a-t-il lancé à nos équipes avec le sourire. Interrogé sur la cuisine, il a rétorqué que : « nous venons chaque année à Daaka. Et comme les femmes sont interdites d’accès, c’est nous mêmes qui prenons en charge la restauration. Vous avez ici des hommes qui cuisinent et ils le font très bien. Cela prouve que les gens sont venus ici uniquement pour Dieu. On n’est pas venu ici pour le confort. C’est une retraite spirituelle et cela demande beaucoup de sacrifices. Par ailleurs, nous sommes des habitués du Daaka et c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de difficultés majeures pour assurer la restauration des fidèles ».
Par ailleurs, certaines associations amènent des cuisiniers professionnels pour s’occuper des hôtes du khalife, Thierno Amadou Tidiane Bâ. C’est le cas du cadre d’échange et d’organisation des disciples de Thierno Aladji Mamadou Saïdou Ba. « C’est vrai que vous avez des cuisines un peu partout. Mais nous, nous avons choisi d’installer notre cuisine à Médina Gounass, une localité située à 10 Km de Daaka. Je dois préciser que c’est une structure qui est créée en 2020 et il vient en appoint à toutes les structures pour l’organisation de l’ensemble des disciples. On a aménagé une tente de 50 m sur 25 pour prendre en charge les fidèles », a dit leur porte-parole, Amadou Barro Bâ.
Il faut rappeler que les cuisines sont souvent à l’origine des incendies. Parce que les hommes qui cuisinent ne sont pas des experts en la matière. La preuve ? Lorsqu’ils mettent de l’huile sur le feu, ils ont tendance à attendre que l’huile soit surchauffée. Et quand ils y mettent de la viande ou de l’oignon, dans cette huile surchauffée, ça a tendance à s’enflammer. Et le Daaka se déroule en brousse où il y’a généralement beaucoup de vent. Aussi, plusieurs concessions sont faites de pailles et cela peut faciliter la propagation très rapide du feu au gré du sens du vent. « On dit souvent que la cuisine est à l’origine des incendies, mais nous avons pris toutes les dispositions. Dieu merci nous n’avons pas encore noté de cas d’incendie. On prie pour qu’il n’y est pas de ça cette année », a conclu Abou Diallo. A deux jours de la fin du Daaka, on note la présence de milliers de disciples qui lisent le Coran et prient pour le Sénégal.
Cheikh Moussa SARR
Abdoulaye SYLLA (photo)