La polyarthrite rhumatoïde est très difficile à prendre en charge au Sénégal. Dans cet entretien accordé à Bès Bi le jour, Dr Coumba Diouf Goumballa, cheffe du service de rhumatologie à l’hôpital régional de Fatick explique que les malades font face à l’équation de la cherté des médicaments. Il y a aussi le problème de la disponibilité des spécialistes parce que pour les malades qui ne sont pas à Dakar et à Fatick, ils devront voyager pour bénéficier de soins. En réalité, le pays ne dispose que de 16 rhumatologues.
Qu’est-ce que la polyarthrite rhumatoïde ?
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune. Il s’agit d’une pathologie inflammatoire sévère qui touche les articulations. Elle fait partie de ce que l’on appelle les maladies auto-immunes, maladies où l’immunité agresse le propre corps de la personne atteinte. C’est aussi une maladie de système, n’atteignant pas toujours uniquement les articulations, mais aussi parfois d’autres zones du corps.
Quelles sont les causes ou facteurs de risque liés à la maladie ?
Il n’y a pas de causes exactes. Mais il y a des facteurs écologiques qui ont été décrits et des facteurs environnementaux. Donc ces deux facteurs, de concert, peuvent provoquer la survenue de cette maladie-là.
Comment se manifeste la maladie chez la personne atteinte ?
Il y a plusieurs manifestations, mais les plus fréquentes, c’est au niveau des articulations. C’est des déformations articulaires, des enflements et cela peut aller jusqu’à l’articulose. C’est pourquoi la personne perd le sens de ses articulations.
Est-ce qu’il existe un traitement curable pour cette maladie ?
Curable non. Parce que quand vous dites curable, vous parler d’un traitement qui permettra de guérir définitivement de la maladie. Et là je vous dirai non. Mais il y a des médicaments qui permettent de mettre en rémission la maladie et d’éviter que cela évolue vers des complications. Et ces médicaments ne permettent pas de guérir définitivement la maladie, comme si on traitait une infection bactérienne ou parasitaire.
Comment gérer la douleur et les déformations liées à la maladie ?
Il y a deux types de traitement. Il y a le traitement antalgique pour réduire l’inflammation, il y a l’autre traitement avec les corticoïdes qui sont souvent utilisés, car ils sont efficaces à faibles doses. Ils sont toutefois prescrits avec plusieurs précautions (surveillance du régime, de la pression artérielle, du métabolisme, de l’os). Une injection articulaire de corticoïde peut également être réalisée en cas d’atteinte tenace. Dans quelques cas, des perfusions de corticoïdes (bolus) sont nécessaires.
Existe-t-il assez de rhumatologues pour prendre en charge les malades souffrant de cette pathologie ?
Il n’y a pas assez de rhumatologues. Parce que la majorité est concentrée à Dakar. Jusqu’à l’année dernière, il y avait que 16 rhumatologues et les 15 sont à Dakar et il n’y a qu’une (Ndlr : elle-même) qui se trouve à l’hôpital de Fatick. Donc les malades sont obligés de venir à Dakar ou d’aller à Fatick.
Existe-t-il des données pour évaluer la maladie ?
Non. Je ne pense pas qu’il ait des données. Parce qu’il n’y a pas assez de rhumatologues, la formation a démarré il n’y a pas longtemps. C’est pourquoi on n’a pas encore calculé la prévalence au Sénégal. Peut-être que cela se fera les années à venir s’il y a assez de rhumatologues.
Les malades estiment que la prise en charge est onéreuse. Partagez-vous cet avis ?
Oui. Mais c’est parce que les médicaments ne sont pas disponibles. Le traitement de fond, lorsqu’on le prescrit à des malades, ils peinent à avoir ces médicaments. Ils font le tour des pharmacies pour les avoir. Ce qui pose le problème thérapeutique. On doit agir sur l’efficacité de la prise en charge, parce que c’est non seulement cher, mais indisponible.
Quelles sont les structures de prise en charge ?
Il y a l’hôpital Dalal Diam où il y a des rhumatologues, il y a aussi l’hôpital Principal de Dakar où il y a un rhumatologue. A Le Dantec il y a en aussi, de même qu’à l’hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff et à l’hôpital de Fatick. Il y a aussi ceux qui sont au Point E, à Dakar.
Peut-on prévenir la polyarthrite rhumatoïde ?
Prévenir, c’est compliqué. Parce qu’on nait avec le gène malade. C’est une maladie génétique mais pas héréditaire. Parce que quand vous dites que c’est une maladie héréditaire, cela veut dire que s’il a le gène malade, forcément cette personne sera malade. Alors que dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, on peut avoir le gène malade, sans pour autant être malade. Maintenant la prévention sera un peu compliquée. Parce que la prévention primaire se fera avant le mariage et on n’a pas l’habitude ici au Sénégal de faire ces tests avant mariage.
Suzanne SY
8 mai 2022