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PANSER NOS PLAIES

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Mon intime conviction, ce jour, épouse un spot français de sensibilisation à la sécurité routière lancé il y a tout juste onze ans. La voix off sur des images glaçantes assène : « Tant qu’il y aura trop d’alcool dans le sang d’un conducteur, il y aura du sang sur les routes. Tant qu’un conducteur ratera un virage parce qu’il n’a pas voulu rater un appel, on appellera une ambulance. Tant qu’un véhicule de trois tonnes ignorera un scooter de cent kilos, il y aura des tonnes de dégâts. Tant qu’on tournera sans faire attention à l’angle mort, il y aura des morts dans l’angle mort. Tant que la vitesse inscrite sur les compteurs dépassera celle inscrite sur les panneaux, les accidents ne ralentiront pas. Tant qu’on continuera à penser que ce sont les autres qui conduisent mal, sans penser que les autres, c’est nous tous. Tant qu’on ne comprendra pas que le code de la route n’est pas là pour nous faire perdre des points de permis, mais pour nous faire gagner des années de vie. Tant qu’il y aura des morts, il nous faudra agir pour une route plus sûre ».

Ces mots ont longtemps résonné dans ma tête : lorsque, le soir, je croise un véhicule dont le conducteur semble en avoir perdu le contrôle ; quand un chauffeur de taxi appuie sur le champignon sans faire attention aux panneaux de signalisation ou un camionneur colle un téléphone à son oreille en pleine circulation. Puis ils ont fini par s’estomper alors que mon cerveau s’était accoutumé aux violations du code de la route tel que nous l’avons appris mais bien différent de la loi du plus indiscipliné ici érigée en règle.

Croyons en notre capacité de changer
Dans ce deuil qui frappe notre nation, il n’y a pourtant pas de place pour l’ostentation, ni pour la récupération politique. Croque-morts, passez donc votre route ! Nous pleurons nos défunts. Dans la dignité. Il y avait quelque chose de lugubre, ce dimanche matin… Les rescapés s’indignent comme pour se mettre du baume au cœur. Mais la douleur, après l’annonce du nombre de victimes de l’accident nous ébranle. Le choc ressuscite la souffrance qui avait suivi la tragédie du naufrage du bateau Le Joola. Il nous faut panser nos plaies. Et voilà que le Premier ministre nous vient avec ses 22 commandements. Ils montrent en filigrane le laxisme qui règne dans le transport public aux mains de privés beaucoup plus soucieux de rentabiliser leurs investissements que d’assurer la sécurité ou le confort des usagers. Par le passé, des mesures ont été prises pour freiner les accidents de la route. Seulement, elles ont fait long feu, faute de suivi. Est-ce là matière à douter du succès des nouvelles décisions communiquées ? Croyons en nous, en notre capacité de changer : « La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas » (Hébreux 11 :1).

Ce malheur a causé des réactions épidermiques et de sincères regrets. Il pourrait toutefois être un tournant : une occasion de relancer et de redéployer le chemin de fer dans les régions ; une opportunité de moderniser les gares routières et réorganiser le transport interurbain ; une nouvelle chance de faire notre introspection et d’opérer enfin des mutations notables pour devenir des citoyens modèles. Qui sait ? Peut-être que Youssou Ndour reprendra à la sauce Mbalax « We shall overcome » de la chanteuse américaine de folk Joan Baez pour nous donner foi en un avenir moins brouillon…

Courani DIARRA

12 janvier 2023


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