“La mathématicienne sénégalaise Mariéme Ngom distinguée aux Etats-Unis”. C’est en substance l’information relayée par les médias sénégalais en mars 2021 pour saluer la consécration d’un pur produit de l’École Sénégalaise. A l’occasion de la journée des femmes en Mathématiques célébrée ce 12 mai, Emedia part à la rencontre de cette femme d’exception discrète dont l’histoire méconnue est une source d’inspiration.
Par Marly DIALLO
Performances et distinctions jalonnent le parcours de Mariéme Ngom agée d’une trentaine d’années. Elle est Docteure en Mathématiques de l’Université de l’Illinois et Ingénieure en informatique. Elle a été nominée par l’Institut Mathematically Gifted and Black parmi 28 mathématiciens noirs d’exception et a été identifiée comme une étoile montante de l’informatique et des sciences de données.
Pourtant, lorsqu’on lui demande de quelle réalisation elle est le plus fière, elle répond ainsi : “C’est du chemin parcouru pour être là où je suis que je suis le plus fière. Donc, il m’est difficile de choisir une réalisation en particulier”. En effet, le parcours de cette championne des Mathématiques vaut le détour. Mariéme Ngom grandit à Mboro (Thiès) au sein d’une famille soudée et studieuse. Son père passionné de mathématiques donne à ses enfants des problèmes mathématiques amusants à résoudre dont le calcul de racines carrées sans utiliser une calculatrice. Sa mère, chimiste, leur inculqua le sens du détail, de la méthode et la rigueur scientifique.
Autant d’efforts qui engendrent de bons résultats scolaires. Ainsi, elle est sélectionnée parmi les 10 meilleurs élèves de la région de Thiès à l’entrée en 6ème. Avec sa grande sœur, l’écrivaine et mathématicienne Sissi Ngom elle entretient une relation de complicité teintée de compétition bienveillante. “Nous avions un prof. de physique/chimie en commun qui disait « Si vous voulez que Marieme résolve un exo, dites-lui que sa sœur l’avait fait avant elle, Par A ou par B, elle vous sortira une solution », se souvient-elle.
Outre, l’enseignement scolaire, Marième est aussi initiée à l’apprentissage du Coran dès la maternelle : “On a mémorisé le Coran en réécrivant les sourates et en les lisant/répétant/traduisant”. Cette enfance studieuse et heureuse lui a servi de base solide pour exceller dans le domaine qui la passionne. Une ferveur pour les Maths qu’elle exprime en ces termes : “Je trouve les maths fascinantes, j’éprouve un réel plaisir à émettre des hypothèses et à construire (ou déconstruire) une théorie. Je suis passionnée par mon travail”.
Des obstacles à surmonter
Toutefois, elle a aussi dû persévérer pour se frayer un chemin dans un monde beaucoup moins protecteur et bienveillant que le cocon familial. Elle a par exemple dû composer avec la misogynie. Elle fut confrontée au sexisme d’un enseignant qui lui avait dit qu’elle n’aura pas d’époux si elle continue à être aussi performante. Elle a aussi dû batailler contre elle-même pour acquérir de la discipline et une éthique du travail. “Au lycée, un de mes profs de physique M. Ndiaye m’appelait la présidente des PME (Partisans du Moindre Effort) parce-que je me reposais beaucoup sur mes lauriers”, raconte-t-elle.
Alors que fournir peu d’efforts était suffisant au Lycée, elle réalise après le Bac à quel point il est essentiel d’être discipliné, organisé et travailleur pour rester compétitif en classe et dans le monde de la recherche. Depuis, elle s’applique une éthique du travail qui ne tolère aucune excuse pour justifier le laissez aller.
Concilier recherche et vie de famille
Agée d’une trentaine d’années, Mariéme Ngom est une mathématicienne accomplie qui poursuit ses recherches. Elle est également une jeune mère de famille fière d’avoir pu concilier ses études doctorales avec la responsabilité d’élever de jeunes enfants. Outre ses efforts et sa détermination, c’est à sa famille qu’elle attribue ce succès. “Mes parents nous ont toujours soutenus et poussés à donner le meilleur de nous-mêmes en toutes circonstances. Ils nous ont mis dans les conditions adéquates pour que l’on puisse se développer et se concentrer sur nos études”, témoigne-t-elle.
L’apprentissage du Coran lui a également été très bénéfique : “Je pense cela m’a beaucoup aidée à développer ma mémoire visuelle. Du coup jusqu’en prépa au moins, je n’avais pas vraiment besoin de revoir mes cours pour m’en rappeler”, nous explique-t-elle. Dans le court à moyen terme, elle projette de rentrer au Sénégal afin de s’investir dans l’enseignement ou l’entreprenariat. Aux jeunes filles, elle conseille de “croire en elles, de se concentrer sur les études, de se fixer des objectifs et de travailler dur pour les atteindre”. Elle leur conseille aussi d’essayer de trouver des mentors qui évoluent déjà dans les domaines qui les intéressent et qui pourraient les conseiller et les guider.
Emediasn
13 mai 2023