Par Babacar Ndaw FAYE
Seules les montagnes ne se retrouvent pas… Au moment où la question de la pertinence du dialogue politique est soulevée et que les opinions, notamment au sein de l’opposition, sont divisées sur le sujet de l’opportunité d’y prendre part, un nouveau pas et non des moindres, vient d’être posé au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose. En marge de la cérémonie d’ouverture de sixième édition du Forum mondial de l’économie sociale et solidaire, le président de la République, Macky Sall, a rencontré le maire de Dakar, Barthélémy Dias, qui est, jusqu’ici, l’un de ses plus farouches opposants mais également le mentor politique de ce dernier, Khalifa Sall, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle.
Dans les coulisses du forum, Macky Sall a croisé et taillé bavette avec les trois derniers maires de la Capitale, tous du même bord politique : Barthélemy Dias, Sokham El Wardini et Khalifa Sall, en plus de l’ancien ministre Habib Sy, récemment passé… Président de la Conférence des leaders de Yewwi Askin Wi, en remplacement d’ailleurs de Khalifa Sall.
Roubé présidentiel. 🙄
Ca joue ! C'est de bonne guerre.👏🏿 pic.twitter.com/8371sTHLT5— 🇸🇳Ndiaga Yaaram🌟🏆 (@Ndiathiaar) May 4, 2023
Dans son discours, le chef de l’Etat et de l’APR a multiplié les opérations de charme à leur endroit et rappelé des occasions de compagnonnage réussi avec eux. Après avoir félicité le ministre de l’Économie solidaire, et les autres services impliqués, il a aussi tenu “plus spécialement à remercier et féliciter” le maire de Dakar. ‘’Ya ngi doxal’’, l’a-t-il encensé en wolof. “Tu déroules’’.
Il s’est même employé à paraphraser Me Abdoulaye Wade en rappelant la fameuse phrase de l’ancien Président à l’endroit de son fils, lors d’une visite de chantier des travaux de la corniche Ouest par l’ANOCI : « Je dirai à ton papa, qui, lui, est avec moi, que son fils a bien travaillé », a lancé Macky Sall en s’adressant a Barthélemy Dias tout en rappelant que le père de ce dernier, Jean Paul Dias, est dans la mouvance présidentielle.
LE JEU DE MACKY, LES FLEURS À BARTH’, L’APPEL DU PIED À KHALIFA
Sans répondre, Barthélemy s’est contenté de sourire et d’indexer son adversaire politique comme pour dire qu’il comprend sa stratégie et ses appels du pied. Si les différentes parties se sont contentés de jouer la carte républicaine, comme ce fut le cas lors de la présence du maire de Dakar à la célébration de la fête nationale du 4 avril alors que sa coalition politique, Yewwi Askan Wi, avait décidé de la boycotter, il semble que le jeu d’échecs se poursuit entre des hommes politiques rompus à la tâche et dont l’unique horizon est la présidentielle de 2024.
Sinon, il faudrait nécessairement avoir une lecture des curieux mouvements de Khalifa Sall, depuis sa sortie, face au journaliste Pape Alé Niang, dans laquelle il admet que tout ce qui l’importe, c’est de voir sa candidature validée, son absence au conclave du mouvement de l’opposition F24, radical dans sa décision de ne pas répondre favorablement à l’appel au dialogue du pouvoir et enfin sa présence aujourd’hui au Grand Théâtre dans un forum présidé par le chef de l’Etat, même si le prétexte de l’organisation par la mairie de Dakar sur laquelle il garde la main depuis 2009, sera certainement brandi.
REDISTRIBUTION DES CARTES ?
S’il est désormais acquis que le PDS, et probablement accessoirement Rewmi qui s’est séparé du pouvoir en de bons termes, participeront au dialogue pour lequel les invitations de tout genre se multiplient à un rythme suspect, l’on peut déjà présager qu’il en sera de même pour le camp de Khalifa Sall après les actes alignés ces derniers jours. En d’autres termes, Takhawou Sénégal, qui constitue une part importante de la coalition majeure de l’opposition, rejoindrait Wallu Sénégal qui constitue un pan entier de l’inter-coalition qui a fait vaciller le pouvoir lors des dernières élections législatives, et Rewmi qui, en 2019, était arrivé à la 2e position de la dernière élection présidentielle.
Sur un plan arithmétique, il serait hasardeux de tirer toute conclusion de ces jeux de position d’autant que les situations évoluent à une vitesse exponentielle et surtout que dans le camp radicalement opposé, une redistribution des cartes va certainement s’opérer également entre Sonko et son PASTEF, Malick Gakou du Grand Parti et son allié Ahmed Aidara, Dr Abdourahmane Diouf (Awalé), Mimi Touré et autres membres du F24 qui ont indiqué clairement leur rejet de toute idée de dialogue. Mais l’on ne pourrait occulter le fait que sur le plan symbolique et dans l’objectif d’un signal envoyé, le pouvoir est en passe de réussir son coup tout en isolant le camp d’Ousmane Sonko, principal animateur de l’opposition dont il est assurément le point central. Cela suffira-t-il à légitimer les prochaines actions de Macky Sall et son camp ? Rien n’est moins sûr…
BNF
4 mai 2023