Le procès en diffamation opposant le ministre Mame Mbaye Niang au leader de Pastef, Ousmane Sonko a rendu son verdict. Le prévenu a été condamné à 2 mois sursis et 200 millions de dommages et intérêts.
Le palais de justice de Dakar a été quadrillé dès les premières heures de la matinée par les forces de défense et de sécurité. Aucune mobilisation n’a été constatée aux alentours du tribunal si souvent pris d’assaut en de telles occasions. Malgré cela, les entrées étaient filtrées et toutes les autres audiences renvoyées, le procès du jour faisant l’objet d’une audience spéciale.
Le ministre Mame Mbaye Niang a fait son apparition au tribunal à 8 heures 52 minutes. Accompagné de son épouse, il a été escorté par ses avocats. Son accusateur Ousmane Sonko, de son côté, a brillé par son absence. À l’ouverture de l’audience, les avocats du prévenu ont essayé d’obtenir une suspension de 30 minutes.
JUSTICE : L’AVOCAT FRANÇAIS DE SONKO REFOULÉ DÈS SON ARRIVÉE À L’AIBDhttps://t.co/jvzc9IQ0Tl#emedia pic.twitter.com/hlM29eelwT
— emedia Sénégal (@emediasn) March 30, 2023
La raison évoquée est le refoulement de Juan Branco, avocat français de Ousmane Sonko dans cette affaire, sitôt foulé mercredi soir le tarmac de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD). Du côté de la partie civile, l’avocat français Me Pierre-Olivier Sur était bien là pour les besoins de son client, Mame Mbaye Niang.
Ousmne Sonko ne perd pas ses droits civiques selon Me Pierre Olivier Sur avocat de Mame Mbaye Niang. Cependant selon Me El Hadj Diouf autre avocat du ministre du tourisme, la condamnation d'Ousmane Sonko à 2 mois de avec sursis et 200 millions d'amende est une "victoire". pic.twitter.com/mODE1QMWVc
— Elimane Ndao (@NdaoEli) March 30, 2023
L’autre motif des avocats de Sonko est la suspension de leur confrère, Me Ousseynou Fall, par l’ordre des avocats. Cependant, les avocats du ministre et le parquet se sont opposés à cette suspension. C’est sur ces entrefaites que le juge a décidé de retenir le dossier pour jugement. Sur ce, les avocats de Sonko ont voulu prendre la parole pour brandir le certificat médical justifiant l’absence de leur client.
Le juge leur a opposé un niet catégorique et les avocats de la défense ont tenté de bloquer l’audience. « Je suis venu avec un élément nouveau », a dit Me Ciré Clédor Ly. « Veuillez noter dans le plumitif que les avocats de la défense ont tenté d’empêcher le tribunal d’exercer », a dit le juge au greffier. Avant de poursuivre : « Quand j’ai été désigné on a tenu une réunion au cours de laquelle toutes les parties étaient représentées. Même la défense était d’accord pour que l’audience soit retenue ce jeudi 30 mars. Tout ce qui a été dit aujourd’hui a été décidé en amont. Nous sommes des responsables et nous devons poser des actes responsables. Restons des professionnels ». Empêchés de parler donc en l’absence de leur client, Me Ciré Clédor Ly et ses confrères avocats de Sonko ont quitté la salle d’audience.
La partie civile avait réclamé 29 milliards de dommages et intérêts
Le juge a retenu l’affaire avant d’inviter les avocats de la partie civile à formuler leurs demandes. « Sonko a dit clairement que notre client a été épinglé par un rapport de l’IGE avant de revenir nous dire que c’était un lapsus, c’est un rapport de l’inspection générale des finances (IGF). À l’enquête, il a dit qu’il va présenter les preuves devant le tribunal. Aujourd’hui, il a fait faux bond au tribunal parce qu’il sait qu’il n’a pas de preuves dans cette affaire. Le rapport n’existe pas. Il a jeté en pâture Mame M’Baye Niang. Sonko avait une intention manifeste de nuire à notre client », a dit Me El Hadji Diouf. Me Cissé a pris la balle au rebond pour dire que Sonko ne sera jamais en mesure de produire ce "fameux rapport".
Cité à comparaître en tant que Temoin par La Défense, Birahim Seck était présent à la salle d’audience du tribunal ce jeudi 30 mars. #ProcesSonkoMMN pic.twitter.com/Qigwid0yuv
— Ayoba FAYE (@autruicomoi) March 30, 2023
« Pour cette même affaire, des journalistes ont été condamnés. Birahim Seck (présent dans la salle) qui avait écrit un livre est allé voir le père de mon client pour s’excuser. Parce que le rapport n’existe pas », a dit le célèbre avocat. Les avocats du ministre estiment que le rôle du tribunal est leur protéger contre les balles que constituent les accusations verbales. Suffisant pour réclamer la somme de… 29 milliards FCFA à Ousmane Sonko en guise de dommages et intérêts.
Le réquisitoire salé du procureur et le mandat de dépôt
À la suite de la partie civile, le maître des poursuites a pris la parole pour son réquisitoire. Il commence par relever la mauvaise foi de Sonko. « Après la plainte de Mame M’Baye Niang, Sonko avait 10 jours pour présenter des preuves. Puisqu’il ne l’a pas fait, la diffamation est consommée parce que la bonne foi ne peut pas être développée en l’espèce. Quand les enquêteurs ont saisi l’IGF on leur a clairement dit que ce rapport n’existe pas. Malgré cela, il a continué dans ses mensonges. Il a traité Mame M’Baye Niang de menteur ce qui confirme les injures », a dit le représentant du ministère public.
Selon le procureur, le délit de faux en écriture publique est également avéré dans la mesure où Sonko a produit un rapport qui en réalité n’existe pas. Pour la répression, il a requis 2 ans dont 1 an ferme pour diffamation, 2 ans dont 1 an ferme pour faux en écriture publique et 3 mois ferme pour injure. Ce n’est pas tout puisqu’il a demandé à ce qu’un mandat d’arrêt soit décerné à Ousmane Sonko.
« Il passe tout son temps à insulter. Toutes les sorties de Sonko sont ponctuées d’infraction. On pouvait l’arrêter mais on va nous nous taxer de s’acharner sur lui. Pour ce parquet-ci rien ne lui sera pardonné. C’est inacceptable de prendre ce pays en otage depuis un an », a encore dit le procureur. En l’absence des avocats de Sonko, le tribunal s’est concerté avant de rendre une décision. Il a relaxé le mis en cause des faits de faux en écriture publique et d’injure. Mais, il a été déclaré coupable de diffamation. Pour la répression, il a été condamné à 2 mois sursis et 200 millions de dommages et intérêts.
Cheikh Moussa SARR
30 mars 2023