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FOCUS SUR LA SÉNÉGALAISE QUI S’EST LANCÉE À LA CONQUÊTE DES ÉTOILES

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Ce 11 février marque la journée mondiale des femmes et filles de science. Nous avons saisi l’occasion pour aller à la rencontre de Salma Sylla Mbaye, première astrophysicienne du Sénégal. Elle nous relate son inspirant parcours et sa volonté d’influencer d’autres femmes à s’intéresser à l’astronomie.

Il nous arrive presque tous de lever la tête et d’admirer la beauté du ciel auréolé d’étoiles plus lumineuses les unes que les autres. Alors que pour la plupart d’entre nous cette vision évoque émerveillement ou mélancholie, chez d’autres comme Salma, ce beau spectacle est aussi l’occasion de se poser des questions. D’où viennent ces étoiles ? De quoi sont-elles faites ? Combien y en a-t-il ? Quelle est leur utilité ? En quoi sont-elles différentes des planètes ? Justement parlant des planètes, que sont-elles réellement ? L’astronomie, la science qui permet d’apporter des réponses à ces questions, est la grande passion de Salma Sylla Mbaye.

C’est à Kaffrine chez sa grand-mère qu’elle découvre sa fascination pour le ciel. Kaffrine étant en ce temps-là une ville peu affectée par la pollution lumineuse, les étoiles bien plus visibles se révèlent dans toute leur splendeur. Elle ne le sait pas encore mais le destin fera d’elle la première astrophysicienne de son pays. Cette consécration, elle la doit à ses aptitudes en science à l’encouragement de ses parents et à sa détermination. En effet, inspirée par un Professeur de Mathématiques enthousiaste et pédagogue, elle s’investit particulièrement dans les matières scientifiques. Aussi, bien que n’étant pas scientifiques eux-mêmes, ses parents convaincus de son potentiel l’encouragent dans cette voie. “Mes parents m’ont mis dans de bonnes conditions et mon père insistait toujours sur le fait que les matières scientifiques offrent davantage d’opportunités”, se souvient-elle.

Une science encore peu développée au Sénégal
Après l’obtention d’un baccalauréat scientifique, elle ne peut s’engager dans une carrière d’astrophysicienne car la discipline n’est pas enseignée au Sénégal. Elle opte pour des études universitaires en physique et chimie et se spécialise en physique atomique et nucléaire pour son troisième cycle. Après ses études, elle travaille en tant qu’ingénieur en informatique. Durant tout ce temps, sa passion pour l’astronomie ne la quitte pas. Elle suit des formations en ligne et assiste à des conférences. L’une d’elles, organisée par l’Association pour la Promotion de l’Astronomie au Sénégal, va s’avérer déterminante.

En 2016, soit six ans après avoir fini ses études, elle apprend qu’il existe une possibilité de faire un doctorat en astrophysique dans le cadre d’un partenariat entre le Sénégal, la Belgique, le Maroc et la France. Avec le soutien de son encadreur local Ababacar Sadikhe Ndao, elle est sélectionnée et reprend ses études en 2017. Elle bénéficie des plusieurs bourses dont l’une émanant de l’Organisation pour les femmes en sciences pour le monde en développement (OWSD). C’est le début d’une aventure qui va l’amener à explorer le système solaire et à s’intéresser particulièrement aux impacts météoriques sur Jupiter. “Ces recherches nous permettront de faire une estimation plus précise de l’âge du système solaire extérieur”, explique-t-elle. Le Sénégal ne disposant pas encore d’observatoire astronomique pour pouvoir réaliser des observations du ciel ou de documentations adaptées à la recherche en astronomie, elle voyage beaucoup dans des pays qui offrent cette possibilité. Si ces voyages suscitent en elle l’enthousiasme de faire avancer ses recherches et de faire des rencontres enrichissantes, elles attisent aussi la tristesse de se séparer de ses jeunes enfants pour un temps. Ce fardeau est allégé par le soutien inconditionnel de son époux et de ses parents qui gardent les enfants en son absence. Aujourd’hui, alors qu’elle finit de rédiger ses résultats de recherche, elle ne peut s’empêcher d’être fière du chemin parcouru et de la reconnaissance de ses pairs qui fait. qu’elle est associée à beaucoup d’événements consacrés à l’astronomie, notamment le projet Lucy de la NASA. En 2020, cet événement a permis à un groupe de chercheurs internationaux d’observer, à partir du Sénégal, Deux astéroïdes lointains nommés POLYMELE et ORUS dans le cadre d’un projet préparatoire au lancement d’une mission de la NASA.

Projets de sensibilisation et vulgarisation
Soucieuse de passer le flambeau à une jeunesse sénégalaise dont elle est convaincue du potentiel, Salma s’active dans la sensibilisation. Avec 3 autres jeunes sénégalais, elle a lancé le projet Orion Astrolab qui s’active dans la vulgarisation scientifique et dispense une formation en astronomie et leadership à des leaders de club d’astronomie dans différents lycées du Sénégal. Salma fait aussi partie du Chapitre National Sénégalais OWSD (https://owsd.net/) et du Bureau du Réseau des Femmes Astronomes Africaines (https://afnwa.org/). Tous ces réseaux de femmes ont pour objectifs de motiver les jeunes filles à s’intéresser aux filières STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) afin d’avoir une représentativité importante des filles et des femmes dans ces domaines qui sont des moteurs de développement. Dans le futur, Salma rêve d’enseigner l’astronomie en Afrique, d’avoir un laboratoire de recherche et de participer à des efforts de vulgarisation scientifiques concernant l’astronomie.

Il n’est pas nécessaire pour le public non désireux de faire carrière en astronomie de maitriser ce sujet. Toutefois, il peut être utile d’avoir des connaissances de base. Salma, il est de bien faire la distinction entre l’astronomie et l’astrologie. La première est une branche de la science qui étudie l’espace et les astres (étoiles, planètes, satellites, galaxies, comètes, astéroïdes, etc.). La seconde est une pseudo science qui prétend que la position des étoiles a une influence sur l’humeur et la destinée des gens. A la première, on doit une meilleure connaissance de l’Univers tandis que la seconde nous offre des prédictions vagues qui ne tombent justes que par l’effet de la probabilité (soit vague et ce que tu dis sera vrai pour au moins une tranche de la population).

La première des sciences
L’astronomie est la première des sciences, celle à laquelle nos ancêtres se sont livrés depuis la nuit des temps en levant la tête au ciel et en se posant des questions : Que représentent la lune et les étoiles, Quelle position occupe la Terre dans l’Univers, Quelle est la forme de la Terre ? Autant de questions auxquelles ils ne pouvaient trouver de réponses qu’avec des observations à l’œil nu. Aujourd’hui, l’humanité dispose de télescopes ultraperformants pouvant permettre d’observer au-delà du système solaire des millions d’étoiles et de galaxies. On apprend que l’Univers est immensément vaste, si vaste que seule une partie appelée “Univers observable” nous est accessible en dépit de l’avancée de notre technologie. L’Univers observable ne constitue qu’une portion de l’Univers global et pourtant son immensité dépasse l’entendement. Notre étoile, le Soleil, ne constitue qu’une étoile parmi les centaines de milliards d’autres que compte notre galaxy, la voie Lactée. Notre galaxy elle-même est une parmi des centaines de milliards d’autres qui composent l’univers. On sait donc que l’univers est immense mais à quoi servent les éléments qui la composent ? Aujourd’hui grâce à la Science, on sait que loin d’être un simple ornement, la lune exerce sur notre planète une attraction qui permet de la maintenir dans son orbite à une position suffisamment éloignée et proche du soleil pour que la vie sur Terre soit possible. C’est aussi à la lune qu’on doit les phénomènes de marées.

On sait aussi que les étoiles sont les usines où sont fabriqués tous les éléments naturels moins denses que le fer. Cela implique le carbone, l’azote, l’oxygène, etc. Après avoir fabriqué du fer qui est le dernier élément qu’il a les moyens de fabriquer, l’étoile explose dans une supernova au cours de laquelle d’autres éléments plus lourds sont fabriqués. En bref, tout ce qui compose notre planète a été fabriqué dans les étoiles. L’astronomie nous permet également de mieux étudier et connaitre la composition, la taille et les mouvements de nos plus proches voisins cosmiques : les autres planètes du système solaire au nombre de 7 depuis que Pluton a été jugé trop petit pour mériter le statut de planète.

Aujourd’hui, nous devons beaucoup d’avancées en Astronomie à l’Europe et à l’Amérique du nord. Cependant, il est à noter que le plus vieil observatoire astronomique au monde se trouve en Afrique précisément en Égypte où il a été érigé il y a 7000 ans pour essayer de percer les mystères de l’Univers. L’astronomie égyptienne va par la suite influencer les Grecs et les romains. A l’arrivée de l’islam et suite à l’exhortation du Prophète Muhammad (PSL) de sanctifier la recherche de connaissances, l’empire islamique va sauver de l’oubli les savoirs astronomiques des Grecques et les renforcer par de nouvelles recherches et découvertes qui vont parvenir à l’Europe durant la Renaissance. On voit donc que la science est une constante collaboration humaine qui transcende l’espace et le temps. En matière d’astronomie, les africains ont été des précurseurs tandis que la civilisation islamique a servi de restaurateurs de connaissances. Aucun peuple n’ayant le monopole de la Science, les pays africains ont donc, s’ils s’en donnent les moyens, une partition à jouer. Et cela commence par une meilleure implication des femmes dont on s’est, trop souvent au cours de l’histoire, privé de la contribution dans les Sciences.

Marlyatou DIALLO

11 février 2023


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