C’est l’hécatombe. Un accident de la circulation impliquant deux bus qui sont entrés en collision, à six km de Kaffrine (centre), a fait au moins 40 morts et de nombreux blessés. « Selon les premiers éléments de l’enquête de la police judiciaire, un bus affecté au transport public de voyageurs, à la suite de l’éclatement d’un pneu, a quitté sa trajectoire avant de heurter frontalement un autre bus venant en sens inverse », a précisé le procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Kaolack, Cheikh Dieng, dans une note dont emedia.sn a obtenu copie. Selon l’expert en transport et sécurité routière, Ibrahima Ndongo, il faut une enquête technique pour détecter les véritables causes des « chocs frontaux » devenus fréquents au Sénégal. D’autant plus qu’a-t-il martelé : « Si les indices de vitesse et de charge sont respectés, l’éclatement d’un pneu est très rare. »
Voici son décryptage !
« Ce genre d’accident dit choc frontal est fréquent au Sénégal, et fait le plus de victimes. Parce que ça implique deux poids lourds que sont les bus avec leur chargement et les passagers. Avec le poids et la vitesse au moment du choc, cela ne peut créer qu’une catastrophe de ce genre. On n’est pas du tout surpris. On en a toujours parlé. Les accidents, il y en a trop. Maintenant, personne ne peut vous dire à quoi est dû cet accident même pour les accidents antérieurs. Parce qu’on n’a pas un laboratoire en accidentologie qui étudie les causes réelles des accidents sur le plan technique. Les accidents font l’objet d’un constat au niveau de la police et de la gendarmerie. Mais ces constats-là sont des enquêtes administratives c’est-à-dire on a les nom et prénom du conducteur, du propriétaire du véhicule, des assureurs, des personnes décédées et des conclusions. C’est tout. Mais, il faut aller au-delà. Il faut enquête technique pour savoir qu’est-ce qui est arrivé pour éviter que cela ne se reproduise. C’est ça qu’il faudra vulgariser à travers les séminaires, les renforcements de capacités des conducteurs et d’autres acteurs. De sorte que tout le monde soit au même niveau d’informations.
Si un véhicule, qui est structuré pour transporter des personnes avec des places assises, des soutes à bagages sur les flancs, et si ce véhicule-là arrivé au Sénégal, est transformé avec porte-bagages au-dessus, il devient un cargo. C’est-à-dire plusieurs tonnes de bagages sur le toit et un peu partout, une vitesse extraordinaire. Normalement au-delà de 14 places, la loi dit que ‘’la vitesse maximale, c’est 70 km/h.’’ Si le véhicule roulait à une vitesse régulière, un conducteur correct et en forme qui tient bien son volant, si les indices de vitesse et de charge sont respectés, l’éclatement d’un pneu devient un événement exceptionnel, très rare. Ce n’est qu’en Afrique qu’on voit un accident aussi grave et dire que c’est dû à l’éclatement d’un pneu. De mémoire d’homme, je n’ai jamais entendu un accident d’une gravité pareille. J’ai vu des chocs de trains, de bus aussi mais pas avec autant de morts.
Il y a aussi le contrôle dont la visite technique. Aujourd’hui, c’est à Dakar seulement qu’il y a un banc électronique de contrôle automobile. Dans les régions, c’est le contrôle visuel. Tous les véhicules qui ne sont pas en règle sont immatriculés dans les régions pour aller passer la visite technique visuelle. Que se passe-t-il ? Si la visite technique n’est pas correctement faite, il y aura forcément défaillance mécanique. Aujourd’hui, est-ce que les conducteurs étaient dans un état normal ? On ne le saura pas. Tous les deux sont décédés. Est-ce qu’ils avaient respecté le temps de travail ? On ne le saura jamais.
Dans les gares routières qui génèrent des centaines de millions F CFA de recettes qui sont des cotisations des conducteurs mais vous n’y trouverez pas une chambre dédiée aux chauffeurs en attente de prendre le volant. Quand le conducteur vient du matin jusqu’au soir à la recherche de clients, il ne se repose pas, sa situation sociale est précaire, il prend le volant pour aller à Tamba. La fatigue va peser sur lui. Donc, il va dormir. Je ne dis pas qu’ils ont dormi mais c’est possible ».
Dié BA
8 janvier 2023