Considéré comme une légende vivante de la musique sénégalaise, Omar Pène continue son bonhomme de chemin parsemé de «hit» et d’admiration. Le lead vocal du Super Diamono a célébré ce samedi 06 janvier ses 50 ans de carrière. Retour sur le long et glorieux parcours de cette star qui a su transcender les époques et les modes.
Du haut de ses 68 ans, Omar Pène, né à Dakar, vient de loin. Après ses premiers pas à Pikine où son éducation fut assurée par la branche maternelle de sa famille, il rejoindra son père, employé à l’Université de Dakar, vivant à Dieuppeul-Derklé. Rebelle dans l’âme et un peu réfractaire aux brimades de sa marâtre, Pène décide d’investir la rue à l’âge de 13 ans. Cette époque assez difficile de sa vie, il l’a partagée dans une émouvante chanson sortie en 1977 et titrée «Woudiou Yaye». Omar qui est d’une timidité maladive est très tôt attiré par le football. Très doué dans ce sport, il est champion des Navétanes avec son équipe au cours de cette entame de la décennie 70. C’est aux côtés d’un certain Moussa Camara alias Big boy, connu pour avoir marqué les beaux jours du Jaraaf de Dakar, club de cœur de l’artiste. À côté de cet amour pour le football, il s’essayait aussi à la chanson. Il est très vite repéré par le bassiste Baïlo Diagne en 1972. Membre du «Kaad Orchestra» de Cheikh Diagne, Baïlo réussira à convaincre le jeune homme de rejoindre sa formation musicale. Partagé entre sa passion du football et son amour pour la musique, Pène, finit par choisir la chanson au grand bonheur de son mentor.
Diamono, de la naissance à l’apogée
Peu de temps après son insertion au sein du «Kaad Orchestra», une nouvelle page s’ouvre devant le jeune prodige. En 1974, toujours sous la houlette de Baïlo, son orchestre fusionne avec le «Tropical Jazz» du saxophoniste Mady Konaté, père des célèbres musiciens Papis Konaté et Ibou Konaté qui joueront plus tard avec Omar Pène. «C’est alors le lancement du Diamono de Dakar qui deviendra un an plus tard le Super Diamono. Ce groupe surnommé ironi- quement par certains «Orchestre Diagne» à cause du nom de famille de la majorité des membres, à savoir Baïlo Diagne, Bassirou Diagne et Baye Amadou Diagne, etc.», témoigne le journaliste culturel Mouhammed Lô.
Très vite, ce groupe s’illustre par sa particularité à jouer un style musical différent de ce qui se faisait à l’époque. Une touche assez hybride et empreinte de variétés et de pop chantée en wolof. Pène et ses co-équipiers allient instruments modernes et rythmes traditionnels comme le sabar et le tama. Une nouveauté qui va vite accrocher et séduire le grand public qui adopte aussitôt le Super Diamono, devenu orchestre phare par la force du talent de ses membres. Adulée partout, la bande va produire son premier opus «Bita Bane», sorti en 1975 après son enregistrement au Sangomar de Thiès. Éblouis par cette performance, les mélomanes, autrefois habitués à écouter de la salsa et de rythm and blues à la sauce sénégalaise, vont se lancer sur les pas de Pène et sa bande. Commence une ruée vers les scènes de prestation du Super Diamono. «Le jeune chanteur avait à ses côtés Adama Faye pour la guitare, Bassirou Diagne aux chœurs, Baïlo Diagne à la basse, Samba Yigo Dieng à la guitare, Baye Diagne aux chants, Mamadou Mbengue à la batterie, Aziz Seck aux percussions, Pape Mboup aux chants, etc.», se souvient Mouhammed Lô. Puis, des titres comme «Ndiaye Kandiouran», «Dépense», «LamLamo» vont surprendre et ravir le public à la fois.
Pène et Ismaël Lô
C’était le premier groupe sénégalais à faire cohabiter harmonieusement des instruments modernes comme l’orgue, la batterie et la guitare électrique à côté du sabar et du tama. Les qualificatifs assez élogieux n’ont pas manqué pour qualifier ce nouveau genre musical. Certains parlent de «Mbalakh Blues» là où d’autres parlent d’«Afro feeling». Deux ans plus tard, en 1977, le groupe connaît une première grande saignée et change de nom pour devenir le Super Diamono de Dakar. Cette période est mise à profit par Pène, devenu entretemps le lead vocal, pour produire des tubes fétiches comme «Adama Ndiaye». Désireux de s’affranchir des codes musicaux de l’époque, le groupe met le cap sur la Gambie et la Casamance pour faire des recherches. A côté de Adama Faye, Bob Sène, Pape Basse, Séllé Thiam, Tonia Lô, Aziz Seck, le groupe se démarque et réussit à s’imposer sur le landerneau musical sénégalais. C’est au cours de cette époque charnière qu’Ismaël Lô rejoint le groupe. A côté de son aîné Omar Pène, celui que l’on surnommait «l’homme-orchestre» réussit à jouer sa partition de fort belle manière. Il participe à la réalisation d’albums comme «Ndakhemi», «Jigeenu Ndakaru», «Baol» et «Casamance».
Cette période dorée du Super Diamono est marquée par la présence de grands instrumentistes comme Pape Dieng, Lamine Faye, Adama Faye, Bob Séne, Alain Edgar, Moustapha Fall, Ibou Konaté, Lappa Diagne, Abdou Mbacké, etc. Après le départ d’Ismaël Lô en 1984, d’autres chanteurs comme le Gambien Moussa Ngom et Mamadou Lamine Maïga ont admirablement pris le relais.
Création de Afsud
Cette belle réussite se concrétise par une belle reconnaissance au niveau international. Gilles Obringer, le regretté animateur de Rfi, aura joué un grand rôle dans cet essor au niveau mondial. L’album people qui contient le titre «Soweto», sorti en 1987, permet au groupe de tourner dans les plus grands festivals à l’étranger. Super Diamono signe dans la foulée avec Déclic et sort, en 1988, l’album «Cheikh Anta Diop» qui reste à ce jour le produit le plus abouti du groupe avec une parfaite fusion entre différents genres musicaux dont le Mbalax national. Omar Pène et ses acolytes vont susciter un réel engouement auprès des jeunes et des étudiants. Et c’est ainsi que l’Association des fans du Super Diamono (Afsud) est créée en 1989. Omar Péne qui est un touche-à- tout collabore avec Boncana Maiga, Yves Njock et Manu Lima à l’entame des années 1990 suite au départ de Lamine Faye qui crée le Lemzo Diamono en 1991. Il tient la barque malgré les nombreuses secousses. Après les départs de Lamine Faye et de Bob Sène, Super Diamono se constitue en société anonyme. Il continue à développer son Mbalax Blues, se produit sur plusieurs scènes du monde et grave plusieurs albums et cassettes. En 1998, il est sacré «Meilleur musicien africain» célébré en Amérique du nord par la télévision Cftv-Tv (Canada). Puis reçoit, à Sun City au Nord-Ouest de Johannesburg (Afrique du Sud), le «Kora d’or 98» des Kora Awards.
Adama Aïdara KANTÉ