«Il n’y a pire eau que l’eau qui dort». La réplique de Mme Pernelle dans le Tartuffe colle à l’actualité de la majorité. Chronique d’une investiture annoncée. La désignation de Amadou Bâ était devenue une évidence tant il s’est échiné à passer pour l’élève le plus sage de la classe. Parmi la dizaine de profils aussi pléthoriques qu’antinomiques, le Premier ministre était finalement celui dont le choix était le moins scandaleux mais le plus rationnel. Visage avenant presque séraphique, il a visiblement le physique de l’emploi. Avec le préjugé favorable de la sympathie, il est aussi un des moins sectaires parmi les impétrants. Des zélateurs grossissent même le trait en le faisant passer pour un bourreau du travail sans fainéantise. Une fourmi pour qui la journée de vingt-quatre heures serait assez courte pour travailler ses dossiers.
Une farouche opposition vient défier le fait du prince
Son adoubement sème pourtant le doute et la zizanie sur fond de soupçons de parachutage. Une farouche opposition vient ainsi défier le fait du prince. C’est fratricide. Si des frères de même camp ne veulent même pas se voir en photo, c’est qu’on n’est pas en présence d’anges uniquement. La nouvelle donne a décomposé bien des visages. La grimace aurait dû d’ailleurs s’exprimer bien plus tôt avec cette trouvaille si désuète et si autocratique de la carte blanche. Une primaire démocratique fast track où par exemple les élus choisiraient eut été une expérience plus originale. Mais rien que ça aurait mis le chaos dans les rangs tellement l’organisation et la discipline font défaut. Pour avoir accepté les règles initiales du jeu, il faut en assumer le résultat final. Sinon, on est un mauvais perdant. C’est d’une fumée blanche qu’on espère de la carte blanche. Si aujourd’hui, on se renfrogne, c’est qu’on est inconséquents.
La démission à chaud de Aly Ngouille a beau être spontanée, elle traduit un manque de méthode. Même s’il faille lui reconnaître son intrépidité pour n’avoir pas tergiversé. L’échappée solitaire de Mame Boye Diao paraît aussi aventureuse. Sa candidature est un objet non identifié. Il a toutefois le mérite de s’identifier par son culot. Quant à ADD et Boun Dionne, ils procrastinent encore. Daouda Diallo édifiera ceux qui doivent l’être de la rancœur tenace supposée qu’il a pour Amadou Bâ. À propos de Dionne, personne ne comprend ce qu’il est venu faire dans cette galère où les quiproquos sont rois.
Le chasseur qui guette ne tousse pas
Au royaume des aveugles, les borgnes sont aussi rois. Amadou Bâ a beau être baba cool, il ne survole pas les débats. Et ce n’est pas de sa seule faute. La sphère politique est de moins en moins truffée de génies au sens de ceux qui donnent tout à la pro- chaine génération. Les politiciens professionnels n’en font rien. Ils en sont presque devenus des misanthro- pes. Depuis l’indépendance, la kleptocratie les a dénaturés et a créé une tripotée de zombies en leur sein. Amadou a tout l’air d’un homme doux mais reste absolument indéchiffrable. Est-il de taille ? A-t-il les épaules assez larges ? Nul ne doit s’ériger en juge des élégances si ce n’est le peuple, seul juge de paix. Le PM a coiffé sur le poteau le reste du groupe parce qu’il a tôt compris que le chasseur qui guette ne tousse pas.