Amnesty international alerte sur la situation humanitaire au Burkina Faso. Son rapport intitulé : « La mort nous guettait : vivre sous siège au Burkina Faso », documente les attaques des groupes armés et leurs conséquences sur la situation humanitaire. Le document a été rendu public, lors d’une conférence de presse animée ce jeudi 2 novembre par Samira Daoud, Directrice régionale (Afrique de l’Ouest et du Centre) d’Amnesty international, entouré d’Ousmane Diallo, chercheur Afrique de l’Ouest et du Centre et Habibatou Gologo, Directrice adjointe en charge des campagnes.
L’impact sur les droits humains
Selon les estimations d’Amnesty international, fondées sur des informations collectées auprès de plusieurs organisations humanitaires, au moins 46 localités étaient sous une forme particulière de siège imposée par des groupes armés au Burkina Faso, à compter de juillet 2023. Ces villes et villages sont répartis sur tout le territoire national, de Tin-Akoff dans l’extrême nord à Pama (est) et Mangodara (sud-ouest), et de Nouna à l’ouest à Diapaga à l’est.
L’Organisation non gouvernementale (Ong) internationale définit un village ou ville assiégé par des groupes armés comme étant une localité où l’armée et/ou les VDP sont présents, et où des groupes armés, postés principalement autour du village ou de la ville, interdisent ou limitent l’accès des personnes, des biens et services au moyen de postes de contrôle au niveau de l’accès principal; mais aussi d’engins explosifs improvisés sur la route principale pour limiter le trafic, et d’attaques occasionnelles contre les personnes, les militaires et les convois de ravitaillement qui tentent d’arriver jusqu’à ces localités assiégées.
« En ce moment, tous les jours une nouvelle ville ou un nouveau village se retrouve assiégé. Arbinda est en état de siège depuis 2019. La situation est comparable à Gorgadji, Sollé, Mansila et Titao, et les dangers sont réels pour la population. C’est dur d’y échapper car il y a de vrais risques pour les habitants. L’accès au niveau provincial devient de plus en plus difficile ; c’est le cas de Gourcy et de Tougan où l’accès a été restreint en 2023 », alerte l’organisation. Laquelle ajoute que les femmes qui vivent dans des localités assiégées sont particulièrement exposées à des violences commises par des groupes armés. La preuve, insiste-t-elle : « Le 12 janvier 2023, 66 femmes, filles et nouveau-nés ont été enlevés par des membres présumés d’Ansaroul Islam près du village de Liki (commune d’Arbinda, province du Soum), alors qu’elles ramassaient du bois et des fruits sauvages, en raison du siège en cours à Arbinda. Le ravitaillement du village a pris du retard en raison du siège et des opérations militaires en cours dans la province de Yagha, et, tiraillées par la faim, les femmes avaient dû s’éloigner de près de 15 km pour trouver à manger et collecter du bois. Ces femmes ont été libérées le 16 janvier à Tougouri (province de Namentenga, région du Centre-Nord), lors d’une patrouille de routine par les forces de sécurité. »
A Djibo et dans plusieurs autres localités, des groupes armés ont interdit à la population de cultiver leurs terres ou de faire paître leur bétail et volent le bétail pour maintenir l’état de siège. Une personne déplacée de 52 ans, en a témoigné auprès de l’organisation : « Ils nous traitent de mécréants. Je n’ai pas pu cultiver cette saison des pluies, ils nous ont dit à Djibo que personne n’était autorisé à aller dans les champs. Ils sont venus nous intimer cet ordre. Ils viennent prendre nos animaux comme ils veulent. Quiconque se hasarde à les défier, court le risque d’être tué. »
Pour ne rien arranger, l’imposition des escortes par le gouvernement burkinabé a entraîné « une réduction significative » des convois humanitaires destinés aux populations dans le besoin dans les régions en état de siège.
« Alors que la situation humanitaire continue de se détériorer » et que « la méfiance régit toujours les relations entre le gouvernement et les organisations humanitaires », Amnesty international exige le respect du droit international humanitaire notamment « en mettant fin immédiatement aux attaques contre les civils ou les moyens de survie de la population civile, comme les points d’eau, des mesures de soutien aux services de santé dans les chefs lieux de provinces et régions qui accueillent des personnes déplacées.
Il est aussi recommandé de « permettre un accès rapide et sans entrave aux organisations qui soutiennent les civils dans le besoin », en plus de « faire en sorte que les militaires soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou d’autres graves atteintes aux droits humains fassent l’objet d’une enquête et soient poursuivis lorsque les éléments de preuve sont suffisants. »
Amnesty international encourage aussi la poursuite du travail avec les organes de l’Onu au Burkina Faso et d’autres organisations humanitaires nationales et internationales, pour faciliter la mise en place de couloirs humanitaires et trouver d’autres solutions que les escortes militaires, ceci permettant à ces organisations d’évaluer en continu les besoins des civils touchés par le conflit et leur prêter assistance.
Dié BA et Abdoulaye SYLLA (Photo)