Le ministre sénégalais de la Justice, membre éminent du parti de Macky Sall, a annoncé il y a quelques
mois que M. Ousmane Sonko avait été rayé de la liste des personnes potentiellement éligibles à se
présenter comme candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024, dans un pays où près de 2 000
personnes de tous horizons sont incarcérées en raison de leurs opinions politiques et où la principale
université est fermée.
Par suite d’une requête des avocats de M. Sonko, le juge de Ziguinchor, la ville où M. Sonko est maire et
où il vote, a alors tranché en disant qu’Ousmane Sonko est entièrement éligible pour être candidat à la
prochaine élection présidentielle et qu’on devrait lui remettre les fiches de parrainage qui doivent être
utilisées par chaque candidat pour compléter sa liste de parrains.
La Direction des élections, située au ministère de l’Intérieur, a illégalement refusé de remettre les
documents au représentant de M. Sonko. Le chef de la Commission électorale nationale, contacté par
les avocats de M. Sonko, a écrit à la Direction des élections pour lui intimer l’ordre de remettre les
documents, sinon la Commission électorale prendrait ses responsabilités, les outrepasserait et
remettrait les fiches à l’équipe de M. Sonko.
En réaction à cette missive, le président Macky Sall a sorti un décret limogeant illégalement l’ensemble
de la Commission électorale nationale et nommant une nouvelle commission dirigée par un membre
actif de son parti. Selon la loi, la composition de la commission électorale ne devrait être modifiée que
par tiers et sur une base rotative.
En refusant d’exécuter l’ordonnance du juge, le ministère de l’Intérieur a violé l’État de droit et établi un
nouveau revers pour la démocratie sénégalaise. Le ministère de l’Intérieur est le ministère chargé de
l’organisation des élections. Il est dirigé par un membre actif du parti de Macky Sall. Ceci est contraire à
ce qu’avaient fait les deux présidents prédécesseurs de Macky Sall, Diouf et Wade. Ils avaient tous les
deux nommé une personnalité indépendante pour superviser les élections présidentielles, afin d’assurer
un processus électoral transparent. Le ministère de l’Intérieur sénégalais est en situation de conflit
d’intérêt.
Le gouvernement a fait appel du jugement de Ziguinchor devant la chambre administrative de la Cour
suprême du Sénégal. Dès le début du processus de jugement, le procureur de la Cour suprême a indiqué
que les droits de M. Sonko avaient été violés et qu’il devrait être réintégré dans le processus électoral.
Malgré cela, le Juge de la Cour suprême a rejeté l’option de laisser la Cour suprême prendre elle-même
sa propre décision. Il a ordonné au Tribunal de grande instance de Dakar de rendre un nouveau jugement
sur l’éligibilité de M. Ousmane Sonko.
Le juge du Tribunal de grande instance de Dakar a réexaminé le dossier. Le jugement qu’il a rendu a
pleinement réintégré M. Sonko dans tous ses droits de candidat et a, par ailleurs, renforcé le jugement
de Ziguinchor. Le Juge a ordonné au ministère de l’Intérieur de remettre immédiatement et sans délai à
M. Sonko ses fiches de parrainage en tant que candidat légitime.
La Direction des élections, relevant du ministère de l’Intérieur, a refusé une deuxième fois de respecter
les ordonnances du Juge de Dakar malgré l’engagement affiché de Macky Sall à respecter et faire
respecter toutes les décisions de justice.
Face à cette situation, les avocats de M. Sonko ont déposé son dossier de candidature au Conseil
Constitutionnel avec tous les éléments de preuve soutenus par des constats d’huissier. Ce 5 janvier 2024
est le jour J au cours duquel le Conseil constitutionnel se prononcera solennellement sur la candidature
du président Ousmane Sonko. Le monde entier a les yeux rivés sur ces sept juges.
Nous demandons à tous les Sénégalais, a tous les Africains et citoyens du monde qui croient en la
démocratie, d’exiger du Conseil constitutionnel sénégalais qu’elle suive les décisions des deux juges en
réintégrant M. Sonko sur les listes électorales et en laissant le peuple sénégalais jouir de son droit de
choisir le candidat qu’il souhaite voir présider aux destinées de son pays.
En rétablissant M. Ousmane Sonko dans ses droits, le Conseil constitutionnel prendrait une décision
historique en mettant fin à une longue vendetta politiquement motivée contre le leader de l’opposition
sénégalaise. Le Conseil constitutionnel rétablirait la justice et la paix au Sénégal.
Par Madame Yassine Fall, Économiste,
Spécialiste des relations internationales