La fiscalité au Sénégal a été l’un des sujets de discussion pendant l’émission Jury du Dimanche sur les ondes de la 90.3 Iradio. Maleine Amadou Niang, expert en politiques publiques, directeur pays IBP (International Budget Partnership) qui en était l’invité a commencé par expliquer que : « vous savez, la fiscalité, c’est une question technique. Mais c’est également une question de dialogue social. C’est une question de contrat social. Qu’est-ce qui fonde la fiscalité ? C’est le fait que les citoyens contribuent à couvrir les charges publiques. Et donc, en retour, s’attendent à avoir des services de qualité, des services disponibles, des services en quantité. Aujourd’hui, quand vous regardez le contexte fiscal dans lequel nous nous trouvons, il y a effectivement un problème d’élargissement de l’assiette fiscale. Un nombre restreint de Sénégalais contribue aujourd’hui à la fiscalité. D’abord, il faut voir la structure des impôts. Nous avons une structure fiscale largement marquée par les impôts indirects, notamment la TVA. Ce qui, dans le principe, dénote une certaine régressivité du système. Mais également, une fiscalité qui est assise essentiellement sur les entreprises, les droits d’importation et les salaires ». Qu’est-ce que cela veut-il dire ? Pour répondre à cette question, il a soutenu : « il y a une grande partie de l’activité économique qui échappe au secteur fiscal. D’abord, vous avez le phénomène des dépenses financières. Les dépenses fiscales étant des renonciations d’impôts temporaires et cognitifs qui sont faites par l’État, dans l’objectif de stimuler un comportement économique ou social. On le substitue à la dépense directe. L’évaluation des dépenses fiscales qui est faite annuellement, bien que n’évoluant pas réellement l’impact économique des mesures, montre les pertes de recettes que nous avons. Elles sont considérables. Certaines sont d’ordre social. Vous verrez la tranche sociale pour ce qui est de l’électricité ou de l’eau. Ou encore les suspensions d’impôts à l’importation qui ont été faites récemment pour maintenir accessibles les denrées de première nécessité ».
Par ailleurs, l’invité du Jury du Dimanche a relevé d’autres problèmes. « Et je pense que c’est là où la stratégie de mobilisation de recettes à moyen terme de l’État insiste et doit insister. C’est d’une part la fiscalisation du foncier. Et d’autre part, aujourd’hui, la digitalisation du secteur fiscal. Donc des pertes de recettes existent. Il y a une certaine population fiscale qui ressent davantage la pression fiscale. Parce que comme dirait l’autre, on tape sur eux à chaque fois qu’on a besoin de plus d’impôts. Et aujourd’hui, l’enjeu, notamment dans un contexte de rétrécissement des conditions d’accès à l’emploi, mais également dans un contexte d’augmentation de la dette publique, pour rééquilibrer les comptes publics, il va être important que cet effort d’élargissement de l’assiette fiscale, soit davantage marqué, mais que les organisations non gouvernementales, que les organisations professionnelles, que les organisations citoyennes, soient mises à profit dans ce dialogue d’information des citoyens sur le rôle de l’impôt. Mais également que les gouvernants aient un mécanisme de remontée permanent sur les services publics, pour voir la satisfaction des citoyens ». Et de conclure : « aujourd’hui, quelqu’un qui paie des impôts qui n’a pas accès à l’éducation, celui qui paie des impôts qui n’a pas accès à la santé, ou quelqu’un qui paie une taxe sur une facture et qui n’a pas accès à l’assainissement, eh bien se considérera en droit de ne pas payer l’impôt. Donc il faut réinterroger, à mon avis, le dialogue qu’il y a entre les citoyens et l’administration fiscale sur les questions fiscales. Et il est important que les différents acteurs qui peuvent y contribuer soient mis à disposition ».
Cheikh Moussa SARR et Pape Doudou DIALLO (Photo)