Petit, mince. Mais Samba Sy est grand dans la politique. Et balèze dans l’esprit. Sa sortie à Diamniadio, lundi, entonnée d’une vérité crue, rare chez les politiques a semblé surprendre. Il est bien de ses hommes qui connaissent la solidarité gouvernementale par cœur. Mais le philosophe, même égaré un temps, revient sur sa nature : la raison. Le raisonnement. Et son refus de principe, celui de son parti, le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) d’accepter une élection après le 2, n’est même pas une surprise. En réalité, c’était déjà la ligne adoptée par la Confédération pour la démocratie et le socialiste (Cds), un conglomérat de partis de gauche affiliés à la mouvance présidentielle à la veille du report annoncé par le chef de l’Etat le 3 février dernier. C’est aussi le cas pour son opposition à l’amnistie. Le secrétaire général du Pit, parti de feu Amath Dansokho, a choisi le moment, alors qu’il n’était même pas attendu sur l’estrade. L’on peut bien mettre un bémol à cet engagement et cette logique philosophique de rester donc dans un gouvernement qui a fait des choix contraires à ses convictions. Cela nécessite bien une démonstration ! Donc, la solidarité gouvernementale n’a pas d’importance à ses yeux lorsqu’il s’agit de débattre de la vie de la nation. Homme réputé calme, serein, ouvert… Des qualificatifs qui lui valent sa longévité relative entre le ministère des organisations professionnelles ou du travail et des relations avec les institutions !
Le philosophe et le politique
Le Rufisquois est aussi un artiste de la parole. Devant un président de la
République décidé à valider son dialogue, cherchant appui dans son propre camp, faute d’avoir eu des adversaires, l’ancien porte-parole du Pit lâche : «Mon parti ne peut entendre, supporter, accepter, que l’université a été brûlée en chantant. Mon parti ne saurait oublier que deux jeunes filles ont été consumées dans un bus. Mon parti ne comprend pas qu’on puisse s’attaquer, sous le manteau de la politique, à des instruments de fournitures d’eau et d’électricité. Mon parti ne pense pas qu’il soit faisable de s’en prendre à une caserne de gendarmerie.» C’est le conflit entre le philosophe et le politique. Mais il choisit la raison contre l’émotion : «Je ne dis pas que nous ne devons pas nous réconcilier mais n’oublions pas que demain les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.» Des paroles qui ont jeté une douche froide dans l’assistance parce que venant d’un allié et de surcroit, un ministre de la République. Qui n’en a cure de la leçon chevènementiste : «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne.»
«Je serais déçu de le voir renoncer à toutes ses convictions»
Mais l’homme est inimitable et a des disciples comme Socrate et autres en avait. Un de ses élèves, qui s’identifie à Professeur Moustapha Mbengue, a partagé un témoignage hier, intitulé «Samba Sy m’a encore appris !» Il dit : «Je serais donc déçu de le voir renoncer à toutes ses convictions et valeurs qu’il a su nous transmettre, même si je sais qu’il ne cherchait pas à avoir raison hier, mais peut-être à convaincre et sans doute, à se faire entendre pour que nul n’en ignore.» Et M. Mbengue, admiratif, d’ajouter : «L’homme que j’ai vu hier (lundi) dans sa posture, sa sculpture et son discours, me ramène à la salle 16 du Lycée Abdoulaye Sadji. Si je devais alors écrire sur lui, l’ouvrage s’intitulerait ‘’À l’école du maitre’’.»
L’autre coco de Khar yalla
Cette posture du marxiste ne doit pas étonner. Son discours de Diamniadio ressemble à celui de Feu Amath Dansokho qui n’avait pas hésité une seule fois de ramer à contre-courant des décisions impopulaires des présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. «Les cocos de Khar yalla (surnom donné aux communistes dont ceux du Pit) ont été de tous les combats. Ils sont toujours aux côtés du peuple», martèle Cheikh Diop, un militant de cette formation politique née des flancs du Parti africain de l’indépendance (Pai). Même si, pour d’autres combats, ça n’a pas toujours été le cas. Samba Sy est l’autre Sémou Pathé Guèye, Magatte Thiam, Ibrahima Sène, qui ont du mal à se départir de la liberté. Lui est un esprit libre. À 65 ans, humble, comme le définissent ses collaborateurs, Samba Sy n’a pas hésité à reprendre la craie pour partager son savoir avec des élèves de Terminale de Rufisque comme il l’avait déjà fait en 1985 lorsqu’il enseignait un certain Amadou Mame Diop, devenu président de l’Assemblée nationale.
Malick SY