Pour ceux qui sont nés en 1970 comme moi et qui ont vu leur conscience citoyenne émerger autour de leur 20 ans, le pays n’a jamais connu autant de dissensions.
Nous n’avons certes pas tous le même niveau d’information ni la même appréciation de la situation mais nous sommes unanimes à considérer que nous vivons une situation anormale et dangereuse.
Dangereuse car nous avons conscience que notre édifice s’est fragilisé par le jeu politique. En ce dernier jour de février, nous ne savons pas vers quoi nous allons car les circonstances et les adversités ne font que renforcer l’ incertitude générale.
Nos lois et institutions laissent une grande marge de manœuvre au facteur humain. C’est ce qui est normal. Malheureusement le facteur humain n’a pas réussi à dissocier le fondamental de l’accessoire.
Existe-t-il encore un espace pour du gagnant-gagnant ? Je veux encore y croire.
Toutefois, si le droit reste ce qu’il est et les humains ceux qu’ils sont, l’impasse nous projettera inéluctablement vers l’inconnu.
Au sujet du droit, il est submergé par une situation pour laquelle il n’a pas de réponse. Le tout juridique serait une fortification de l’impasse car le droit n’a que des interdits et à ce stade de nos contradictions, son application stricte nous projettera dans une situation où il est lui-même inexistant.
Reste le facteur humain. Ce que nous vivons est la conséquence exclusive du facteur humain. Pour nous en sortir, nous devons convoquer collectivement le meilleur de ce que nous avons en nous.
Pour cela, nous devons avoir pour point de départ le jour zéro et vider tout ce qu’il contient pour construire une voie de sortie du brouillard.
Il faut donc avoir une volonté inébranlable assise sur un courage d’acier et nourrie par un esprit de dépassement totalement décomplexé.
Promouvoir l’apaisement, passe inévitablement par un renoncement douloureux ou pas de nos prétentions. Les régents comme les régentés et les prétendants comme leur partisans doivent faire le deuil provisoire de leur ambition.
Si la confiance était de rigueur, le Chef de l’état pouvait à lui tout seul résoudre cette équation dont il n’est nécessaire de lui en imputer la responsabilité pour lui donner la force de procéder à la réparation de l’édifice.
En être humain, il cherchera alors plutôt à se défendre qu à assumer sa mission. Ses derniers discours traduisent une amertume qui ne doit jamais affecter un chef. Il nous appartient de le sortir de cet état d’esprit car il y va de notre intérêt.
Ni les artifices d’un dialogue faible ni une loi d’amnistie n’ont la consistance requise pour nous replacer sur la voie de la normalité.
Il nous reste un mois et deux jours pour retrouver notre chemin.
Y a t-il encore un espace de sortie de crise? Il est très étroit mais il existe.
Je me permets de formuler des propositions aussi surréalistes que ne l’est la crise.
Mon analyse, avec toutes les faiblesses qu’elle comporte, m’autorise à formuler la recommandation consistant à demander au parlement de prendre l’initiative d’ une loi de concorde nationale (ou initier un référendum) dans l’urgence pour casser la sinistrose qui s’installe. Cette loi ou ce référendum d’urgence contiendrait les éléments suivants :
1. Oui pour des élections après le 2 avril ( nous n’avons plus le choix)
2. Maintien du président actuel avec des pouvoirs limités pour gérer la transition sauf son refus.
3. Installation d’une convention (société civile, stndicats, patronnat, partis politiques) pour une révision en profondeur de la constitution.
4. Dissolution du gouvernement et Installation d’un conseil national de transition civil où les 19 prétendants ainsi que tous les partis présents au parlement proposeront la composition pour piloter la révision constitutionnel.
5. Confier la gestion de l’état aux fonctionnaires les plus gradés sans appartenance politique. Pas de ministres, que des secrétaires généraux grand commis de l’Etat.
6. Suspension pendant cette période de toutes les poursuites à l’encontre d’un acteur politique quelqu’en soit le motif s’il est antérieur à l’initiative.
7. Ratification obligatoire pendant cette période de tous les actes réglementaires par le conseil constitutionnel.
8. Instauration d’un conseil des sages composés des obédiences religieuses et coutumières qui deviendrait l’antichambre du parlement dont l’aval est nécessaire préalablement à la promulgation de toute loi.
9. dissolution de toutes les institutions à caractère politique, économique ou sociale et mise d’une Autorité de Gouvernance qui valide toutes les décisions à caractère économiques avant qu’elles ne soient soumises au parlement par les Administrations à travers les secrétaires généraux.
Ce dispositif contredit beaucoup de textes mais nous sommes déjà dans la désacralisation des textes. Il s’agit donc simplement d’aller vers une profanation vertueuse des textes avec le consensus de toutes les forces vives de la nation.
Nous avons certes besoin d’un nouveau président le 3 avril mais que peut faire un nouveau président avec un ancien Sénégal ?
Ce dispositif largement perfectible est une alternative à la situation que nous vivons actuellement et qui s’appelle IMPASSE selon ma modeste appréciation.
Un président fraîchement installé le 03 avril aura beaucoup de mal à porter le manteau et à honnorer en 80 jours ce que son prédécesseur a eu de mal à concrétiser avec beaucoup plus de temps.
Le cas échéant, il faudrait lui donner plus de 80 jours et beaucoup moins de pouvoir. Le parlement est la dernière ligne de légitimité et il ne doit surtout pas se saborder en restant une chambre politique. Il est désormais la dernière possibilité de bâtir un consensus national. Nos parlementaires doivent se serrer les coudes et oublier leur parti d’origine en ne pensant qu’au Sénégal.
Qu Allah bénisse le Sénégal.
Ibrahima nour Eddine DIAGNE