Devenu le département le plus populeux de la banlieue dakaroise, la ville de Keur Massar pouponne. Avec un boum démographique, couplé à une occupation anarchique, cette ville se clochardise davantage. La preuve par l’espace public aménagé sous l’autopont qui est devenu un souk. Marchands ambulants et conducteurs de motos Jakarta et sans-abris se disputent l’espace dans une insécurité qui inquiète les riverains.
À l’entrée de la ville, tous les axes sont bloqués. Des files de véhicules à perte de vue occupent le tapis goudronné de la ville. Des sacs d’ordures sont exposés tout le long de la chaussée. Sur l’autopont, des fils d’embouteillage se dessinent. A la station de Keur Massar, le temps semble suspendu. Ici, personne ne bouge. Même pas les motos qui ont souvent la malice de se faufiler entre les véhicules. Sur l’axe Keur Massar- Tivaouane Peul, le décor est le même. Le désordre est le maître-mot. Même les passages piétons sont occupés.
Il est 12h à Keur Massar, un ciel ensoleillé couvre la ville. La place publique aménagée sous l’autopont est prise d’assaut par les tabliers, les conducteurs de motos Jakarta et les marchands ambulants. Les riverains, impuissants, en pâtissent. Une situation que déplore Ramatoulaye Dièye. Debout dans sa tenue traditionnelle, les nu-pieds très stylés avec des languettes. Une pierre rouge minutieusement taillée est juste placée sur le nœud de la chaussure. La dame a le visage trempé de sueur. Le maquillage s’effondre sous l’effet de la chaleur. «Vous trouvez ça normal ? Que la petite place aménagée sous l’autopont soit occupée par des commerçants et des conducteurs de moto. C’est du n’importe quoi», s’étrangle-t-elle de colère. Ce sentiment de désolation est largement partagé par les usagers. «Il est temps que les autorités prennent à bras le corps la situation chaotique de Keur Massar. Ce n’est pas possible ! Les commerçants, après avoir occupé les chaussées, veulent aussi occuper la place publique réservée aux populations», déplore Moussa Sène étudiant à l’université Cheikh Anta Diop qui attend désespérément un bus.
Les sans-abris ont dénaturé l’espace sous l’autopont
Il est 1h du matin. Des sans-abris campent le décor. Ils ont étalé à même le sol des cartons sur lesquels ils passent la nuit. Fourré dans un blouson sombre, Fallou Diop, jeune clochard de 22 ans, a déposé un sachet plastique rempli d’habits juste à côté. «Bro, j’ai ma famille à Malika montagne. Dans ma maison familiale, il n’y a que deux chambres. J’ai trois petites sœurs donc je ne peux pas partager la chambre avec eux», raconte le jeune homme au visage cicatrisé. De l’autre côté du pont, vers la voie qui mène à la grande surface de la ville. Un autre Sdf est en train d’aménager sa petite surface. Le jeune ne parle ni la langue wolof ni le français. «Je travaille dans une société de la place mais je n’ai pas de quoi louer une chambre. Il y a moins de deux mois que j’ai commencé à travailler. Mais tu sais avec cette histoire de caution de trois mois c’est vraiment difficile pour moi. Je suis originaire d’un village dans la région de Tambacounda», retrace S. Camara. Le jeune homme n’ignore pourtant pas l’insécurité dans le 46e département. «J’étais victime de vol et depuis lors, je mets mon argent dans mes parties intimes. On m’avait volé mes 5000 francs. Ce n’est qu’à mon réveil que je me suis rendu compte que l’on m’a volé mon argent», raconte-t-il.
L’insécurité sous l’autopont et l’appel aux autorités
Des groupes de jeunes commerçants arpentent les couloirs du rond-point de la station de Keur Massar. Ils occupent l’espace aménagé sous l’autopont. Un véritable marché noir. Ils vendent toutes sortes de produits. Des portables, des chaussures, des bijoux et autres matériels électroniques. Certains ont étalé leurs marchandises à même le sol. D’autres ont fabriqué des tables sur lesquelles sont exposés les produits. Sur les lieux, une jeune dame, accompagnée de sa petite fille, attend quelqu’un. Elle s’indigne du décor : «Comment les autorités peuvent-elles laisser ces commerçants transformer Keur Massar en un marché noir. Nous n’avons plus un espace de vie !» Dans la foulée, un passager raconte une histoire qui a failli tourner au drame : «Dans la semaine, un jeune homme a été poignardé au couteau pour une banale histoire de portable. Si les autorités ne réagissent pas à temps, j’ai peur que l’irréparable se produise parce que l’insécurité est palpable.»
Maxime DIASSY