Les actes de violence prolifèrent. Ils embrasent nos quartiers et nos cadres de vie. Les gens étouffent mais se taisent. Se complaisent-ils par faiblesses ou par lâcheté ? Ce silence, lourd et pesant, ne signifie pas pour autant indifférence. Toutefois, la peur s’empare de la ville. Ses contours sont encore flous.
Parce qu’ils gagnent en intensité et en profondeur, les abus de forces ou les menaces traumatisent les populations dans les rues, dans les transports, sur les lieux de travail, dans les domiciles et dans les espaces publics. Autant dire partout.
Le mal s’aggrave et devient un malaise qui se généralise à une vaste échelle. Les désordres s’observent à divers endroits de la région de Dakar, dans la chaîne ininterrompue d’agglomérations qui s ‘étendent à perte de vue et aux abords de la nouvelle ville de Diamniadio.
Ce qui se passe sur l’autoroute à péage en offre une parfaite illustration. L’infrastructure relie la capitale à l’aéroport Blaise Diagne en traversant une kyrielle de banlieues envahies de nuisances. Le péage sert d’exutoire des passions aveugles et décousues.
Derrière les hauts murs se cachent des vies précaires, pourries ou gangrenées. De ces zones sortent des gamins armés qui prennent d’assaut le péage où, en un temps record, ils sévissent, accomplissent leur forfait, s’emparent de butins furtivement arrachés et disparaissent dans la nature. Ni vus, ni connus…
La rapidité d’exécution et la synchronisation des gestes renseignent sur le degré d’orchestration de ces comparses aux funestes intentions. Bien évidemment l’autoroute bouchonne fréquemment. En plus il est mal éclairé. Et l’absence de jalonnement policier favorise les incursions intempestives de bandits encapuchonnés ou encagoulés.
Ce week-end encore, un prêtre tombé en panne sur le péage a vécu un enfer avec une nuée de malfaiteurs qui l’ont rageusement violenté au point de le blesser gravement avant de le dépouiller de tous ses biens.
Membre du clergé catholique, le curé revenait de mission, le devoir accompli et s’apprêtait à retourner à ses fonctions. Il ne dut son salut qu’à la chance, au demeurant mince puisqu’il a perdu beaucoup de sang et ses précieux documents de culte ont disparu.
On aurait tort de ne voir dans la mésaventure du religieux qu’un fait isolé, anecdotique et de peu d’effet. Élargissons la base de compréhension de ce phénomène qui a surgi au milieu d’un chaos social sans nom, sans visage et qui n’offre aucune autre perspective que la flambée de violence.
L’autoroute à péage améliore certes les dessertes et pondère la fluidité dans la circulation. Mais son érection dévoile tout le long de sa trajectoire, une affligeante promiscuité, un entassement de pauvretés et une permanence des litiges résultant de frustrations accumulées. Les troubles et les convulsions y sont monnaie courante. La délinquance s’installe-t-elle pour une longue durée ?
Parfois ces agitations prennent une certaine ampleur et débordent dans la rue en se greffant à des facteurs sociaux ponctuels : harcèlement, addictions, santé mentale, pénuries, manques, discrimination, entre autres…
Devant autant de déficits, on le devine, difficile d‘échapper à l’esprit maléfique qui peut, en de telles circonstances, étendre son emprise jusqu’à secréter un embryon de pratique (ou de système) mafieux.
Les ingrédients s’accumulent pour l’essor d’un marché de trafics (ou de deals) de toutes sortes sur ce vaste espace en pleine restructuration. Ici ou là dans ces zones chaotiques, naissent par affinité des bandes (avec un chef charismatique) qui, chemin faisant grossissent et, avec le succès retentissant, se transforment en gangs qui se livrent sans merci à d’âpres combats de conquête et de contrôle. Ils délimitent des territoires « inviolables » et, avec des marqueurs codés, envoient des signaux aux bandes rivales.
La ville de Kolda a récemment fait l’actualité avec ces crispations sectaires. Les jeunes adeptes de ces pratiques répréhensibles règlent leurs comptes à coups d’armes blanches. La multiplication des « petits différends » pousse les protagonistes à en découdre par des moyens peu orthodoxes, et très peu conventionnels.
Les écoles ne sont pas épargnées. Notamment les lycées où prospèrent ces bandes entre élèves qui auraient pu privilégier des joutes de savoir, de connaissance, de talent et de virtuosité sous l’égide des corps professoraux. Ce serait là des promesses de réussite pour endiguer les violences résiduelles.
Leur emprise pourrit la vie des parents et des habitants voire des voisins qui se barricadent dès le coucher du soleil dans de nombreux quartiers sensibles des grandes villes. Il est à craindre que ces poches d’instabilité ne profitent à d’autres « gladiateurs » plus prompts à faire régner des ordres que la morale et la société réprouvent.
Personne n’est à l’abri. Pas même ceux qui semblent vivre en vase clos dans des « ilots de prospérité ». Ils se croient mieux protégés. Rien n’est moins évident dans ce contexte de carences. Ne se plaignent-ils pas assez souvent des cambriolages dont ils sont victimes dans leurs maisons bunkérisées ! D’autant que leur option de vie tue la mixité sociale. Hélas, elle s’estompe progressivement.
D’aucuns disent que ces signes extérieurs d’opulence suscitent des envies et aiguisent des appétits impossibles à assouvir. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre les dissonances et les dissensions au sein d’une société travaillée par des clivages invisibles mais bien réels.
D’une façon ou d’une autre la prolifération des malfrats souligne une déliquescence accentuée des mœurs et des règles de bienséance de plus en plus fragilisées par les irruptions de violence.
Dans tout ce mélimélo, où est la police ? Son intégration dans les Forces de défense et de sécurité dilue quelque peu ses responsabilités. Elle est certes présente sur le terrain mais moins que par le passé. Or la police, par essence, constitue une force de proximité.
Elle perd sa puissance de dissuasion à mesure qu’elle s’éloigne de son champ opérationnel. Ses effectifs faiblissent alors qu’ils devraient croître en proportion de la population en hausse constante. A cela s’ajoute l’afflux de ressortissants des pays voisins où l’insécurité et l’instabilité mettent sur les routes de l’exode ceux-ci en quête de « havre de paix » sous des cieux plus cléments.
Le Sénégal est du lot comme ultime destination. Dans le flot des migrants qui arrivent s’infiltrent des combattants aguerris de causes perdues ailleurs. Ils se replient et se dissimulent. Se reconvertissent-ils pour autant dans des activités civiles propres ?
La police doit retrouver son rôle premier et mettre en relief ses compétences pour contenir toutes les violences. La solution n’est pas que policière : elle est politique, sociale et… judiciaire aussi !
Justement, les Assises de la Justice s’ouvrent ce matin au Triangle des Bermudes sénégalais, à Diamniadio.
Par Mamadou NDIAYE
Bonjour,
Si vous permettez.
Dans votre éditorial du jour, il manque le ( d) pour » dans DE nombreux quartiers . Paragraphe 16.
Aussi « VOIRE MÊME » est un pléonasme fautif.
On peut remplacer voire par même .
C’est dans lHe même Paragraphe.
Bonne journée.