Albert Lass Sonko, un acteur de longue date dans le secteur de l’exportation d’anacarde à Ziguinchor, partage ses préoccupations dans cette interview exclusive. Alors que les nouvelles autorités sénégalaises prônent la bonne gouvernance et la transparence sous les principes de Jub, Jubal, Jubanti, M. Sonko dénonce une décision récente des douanes qui bloque les exportations routières au profit d’intérêts privés. Il appelle les dirigeants à rectifier cette situation, soulignant l’importance capitale de l’anacarde pour l’économie locale et nationale.
Bonjour M. Sonko, merci de nous accorder cette interview. Pouvez-vous nous parler de la situation actuelle des exportations d’anacarde à Ziguinchor ?
Bonjour, merci de m’avoir invité. Actuellement, nous sommes confrontés à une situation très préoccupante. Les exportations d’anacarde ont été brusquement arrêtées par une décision du bureau des douanes de ne plus autoriser les déclarations pour les camions transportant le produit par voie routière de Ziguinchor à Dakar. Cette décision semble favoriser l’utilisation d’un navire affrété par la COSAMA, ce qui est beaucoup plus coûteux et inefficace.
Quelles sont les conséquences de cette décision pour les exportateurs comme vous ?
Les conséquences sont énormes. Nous avions déjà provisionné tous les frais nécessaires pour un acheminement efficace de notre produit vers Dakar, afin de répondre à la demande des marchés internationaux. Ce changement de règles en plein match est catastrophique. L’exportation d’anacarde est une source importante de devises pour notre économie et fait vivre toute une région. Bloquer les exportations met en péril de nombreuses entreprises et l’économie locale.
Que pensez-vous des motifs avancés pour justifier ce changement, notamment la préférence pour le transport maritime ?
Il est clair que ces motifs ne tiennent pas compte de la réalité du terrain. Le navire proposé est plus cher et incapable de gérer tout le volume des exportations dans les délais nécessaires. Cela montre que les autorités priorisent les intérêts d’une entreprise privée au détriment de toute une filière. Cela va complètement à l’encontre du nouveau leitmotiv des autorités sénégalaises, qui prônent la bonne gouvernance et la transparence sous les principes de Jub, Jubal, Jubanti.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les intérêts privés qui semblent influencer cette décision ?
Derrière cette décision se trouvent des intérêts particuliers, notamment ceux de la Chambre de Commerce de Ziguinchor, de la COSAMA, et d’une société privée qui gère l’équipement de manutention au port de Ziguinchor. Lors d’un CRD (Comité Régional de Développement) spécial dédié à la commercialisation de l’anacarde, le responsable de cette entreprise privée défendu son investissement de 300 millions de francs CFA dans une machine de manutention. Il a déclaré : « J’ai investi 300 millions dans cette machine que j’aurais pu louer à 1 million par jour au port de Dakar, mais je l’ai laissée à Ziguinchor par amour de la Casamance ». Beaucoup ont perçu cette déclaration comme une justification de la monopolisation du transport maritime au détriment du transport routier.
Quels sont les principaux problèmes que vous estimez ignorés par les autorités ?
Lors de ce CRD spécial, plusieurs problèmes vitaux pour les acteurs de la filière n’ont pas été abordés. De nombreux acteurs ont investi dans la construction d’entrepôts sur des terrains aux titres précaires. La délivrance de titres fonciers permettrait de sécuriser leurs investissements et d’accéder à de meilleurs financements, ce qui est essentiel pour la stabilité de leurs opérations. Secundo, les transporteurs se heurtent à des difficultés lors de la livraison de l’anacarde en raison des tracasseries routières. Il nous est réclamé une taxe de 5000 FCFA par tonne, sous prétexte que le produit seraitoriginaire et importé de Guinée-Bissau, ce qui complique encore davantage le processus logistique et augmente les coûts pour les transporteurs. Enfin, l’absence de service de délivrance des certificats d’origine à Ziguinchor est un autre problème majeur. Nous sommes obligés d’envoyer tous nos documents à Dakar pour obtenir ce certificat nécessaire à l’exportation, ce qui complique et ralentit toutes nos opérations, ajoutant des délais et des coûts supplémentaires à un processus déjà complexe.
Vous avez mentionné que vous comptez sur les nouvelles autorités pour résoudre cette situation. Que leur demandez-vous concrètement ?
J’appelle les nouvelles autorités, qui prônent une nouvelle gouvernance sous les principes de Jub, Jubal, Jubanti, à intervenir rapidement. Nous avons besoin d’un retour à la normale avec une liberté de choix dans le mode de transport pour nos exportations. Nous espérons que ces autorités feront preuve de compréhension et d’une véritable volonté de bonne gouvernance pour débloquer cette situation et éviter de graves répercussions économiques pour la région et le pays. Il est important de rappeler que l’actuel Premier Ministre a été le maire de Ziguinchor avant sa nomination, ce qui devrait le sensibiliser davantage aux problèmes de notre région.
En conclusion, quel message souhaitez-vous transmettre aux autorités et au public ?
Aux autorités, je demande de considérer sérieusement les impacts de leurs décisions sur l’économie locale et nationale. Aux acteurs du secteur et au public, je dis que nous devons rester unis et vigilants. Nous ne devons pas permettre que des intérêts privés mettent en péril notre gagne-pain et notre développement. Il est crucial que nous fassions entendre nos voix pour que la transparence et la justice prévalent.
Merci beaucoup, M. Sonko, pour cet échange. Nous espérons que votre appel sera entendu et que la situation se résoudra rapidement.
Merci à vous pour cette opportunité de m’exprimer. J’espère également que les autorités agiront rapidement pour notre bien à tous.