Pour prétendre distribuer une note quelconque ou savoir si l’équipe en place a sorti le grand jeu, il faut une distance objective avec les événements. La qualité d’un tel exercice est susceptible d’être faussée par la passion, la subjectivité. Se montrer raisonnable en faisant preuve du plus beau sang-froid permet d’aborder lucidement le sujet du délai de grâce. Le nouveau régime a une ancienneté de 100 jours. Le chiffre est magique mais on ne connait pas de magicien ou de superman qui a été porté au pouvoir le 24 mars. Monts et merveilles ont été promis comme d’habitude par des téméraires qui n’avaient pas de dossiers en mains quand ils promettaient. Une fois aux manettes, les auteurs des promesses mirifiques bottent en touche en découvrant qu’ils n’ont pas de botte secrète. Il suffit seulement de se pencher sur les faits et chiffres distillés par le dernier recensement pour comprendre que même 100 ans ne suffiraient pas pour vaincre nos défis et leurs grandes complexités. Il est aisé de s’appuyer sur l’énergie de la jeunesse et son importance numérique pour conquérir le pouvoir en toute vitesse. Mais arrivé au sommet, on est comme un volcan éteint qui prend conscience que l’âge d’or n’est plus possible. Dans un pays si immensément jeune, toute assise de réflexion doit commencer par parler de la jeunesse plutôt que de justice. On fait des reproches à cette dernière parce qu’on a surtout des choses à se reprocher individuellement. On aurait mieux fait durant ces 100 premiers jours de déclamer un grand discours en disant ce qu’on veut faire de cette jeunesse. Sans tomber dans le jeunisme ni caresser dans le sens du poil mais en lui disant qu’être jeune est d’abord une exigence de discipline, de respect de l’autorité et d’effort. La préconisation ici est d’en faire une cause nationale et de tout lui offrir en termes d’horizons au lieu de cette oraison funèbre des mers démontées sans cesse tapissées des victimes de la mal gouvernance. Car, c’est cela dont il s’agit. Depuis fort longtemps, loin d’avoir fait du pays une belle tapisserie, les politiques délirantes l’ont plutôt mis au tapis. Les leçons de morale qu’on administre après chaque hécatombe tombent dans l’oreille d’un sourd. Une fois qu’on est élu, c’est pour gouverner. On cesse d’être commentateur pour être l’acteur qui prend des décisions sur la base d’une vision, si vision il y a. Le projet dont on parle est pour le moment un objet non identifié en attendant sa réforme sémantique. On vous confie d’habitude les clés pour propulser ceux qui vous ont fait confiance dans une autre galaxie où chacun commence d’abord par balayer devant sa porte. Les crises globales naissent des catastrophes individuelles.
Changement dans la continuité ?
Il faut applaudir les jours de la propreté dont on se demande quel est l’impact sur la catastrophe écologique. Mais si on en est encore là, c’est qu’il manque dans la société de la netteté. Depuis au moins 1984, les actes citoyens de cette nature existent dans le pays sans qu’il soit un modèle de salubrité. Le problème se situe donc ailleurs. Récurer les esprits et les cœurs est aussi une étape à franchir. L’autre équation insoluble est la vie et les transactions chères qui, de toute manière, le seront de plus en plus. Diversement appréciées, les baisses louables appliquées sur certains produits et denrées sont la preuve que les marges de manœuvre sont marginales. On n’a pas fini de manœuvrer de part et d’autre à l’Assemblée nationale angoissée par la marginalisation ou la dissolution. La confusion autour de l’hémicycle est un signe de changement dans la continuité. C’est du pareil au même. Les visages changent, mais les pratiques sont les mêmes. Les députés du peuple ne représentent plus que leur parti quand ils donnent l’impression de se coaliser contre le peuple. Quelle est cette idée folle de faire tomber un gouvernement qui n’a que 100 petits jours. Face au traquenard et au désir de revanche, avoir du trac est aussi le signal qu’on n’est pas prêt. Est- on toujours préparé à l’exercice du pouvoir ? Nulle part, on ne trouve d’institut où on apprend à présider. La fonction suprême a cependant besoin d’une vraie incarnation. De ces 2400 heures, le flegme du président a été un des faits marquants. C’est une qualité exceptionnelle. Mais ça ne suffit pas. En ces temps difficiles, le pragmatisme et l’efficacité font la différence. Être à la tête d’un pays où tout est urgent est presque un cadeau empoisonné. Avoir à parler avec des pouvoirs kaki incommodes et rigides pratiquant l’isolationnisme dans une confédération des Etats du Sahel est quasiment une perte de temps. Au dedans comme au dehors, les dirigeants font plus de la gestion de crises que du développement. Dans ces circonstances, la bienveillance vaut surveillance et vice-versa.
Par Assane GUÈYE