Des moisissures, des plafonds qui risquent de s’effondrer, des toilettes délabrées… Les images du lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque sont accablantes. Pourtant, ce lycée a été classé monument historique en 2003. Bâti en 1938, il hébergea jusqu’en 1958 l’Ecole Normale des jeunes filles de Rufisque et accueillit des jeunes femmes venues de tous les territoires d’Afrique Occidentale. L’institution avait pour vocation de « former les premières enseignantes africaines et (..) d’éduquer les futures épouses des auxiliaires masculins diplômés des écoles supérieures existantes » dans l’unique but de « leur inculquer des valeurs et des comportements susceptibles d’ancrer davantage la présence française dans les colonies. » En 1972, l’institution, emblème et vecteur de l’idéologie colonialiste, fut rebaptisée du nom d’un de ses plus farouches combattants : Abdoulaye Sadji. D’illustres sénégalais y furent formés, notamment Mariama Ba, qui y fit ses classes dès 1943.
Aujourd’hui, le bâtiment a perdu sa superbe d’antan et, au gré des tergiversations qui ralentissent sa réhabilitation, ce temple du savoir, symbole de l’émancipation gagnée de haute lutte, sombre peu à peu dans l’oubli… et en ruine… C’est sur ces entrefaites que des bonnes volontés et l’association And Défar Rufisque se sont mobilisés contre le fait d’enseigner dans cette insalubrité.
Directeur marketing, commercial et production du groupe Emedia Invest, Animateur Radio et Présentateur TV – Voix Off – Présentateur spectacle, Boubacar Diallo alias Dj Boubs, ancien élève dudit lycée a le cœur meurtri en voyant l’état de délabrement de cet établissement. « Après avoir visité je peux vous dire que je suis triste. Je suis habité par la tristesse de l’état du lycée. Là monsieur laissez moi vous dire qu’il y a énormément de cadres qui sont sortis du lycée Abdoulaye Sadji aujourd’hui tous bien placés capable de faire un geste pour ce lycée. A tous ceux qui sont dans la diaspora, aux Etats-Unis, en Europe, un peu partout en Afrique et même ici au Sénégal, le lycée Abdoulaye Sadji vous appelle à son secours. C’est un SOS que je lance. Un SOS parce que la salle informatique n’a pas d’ordinateur. C’est triste, à l’ère du numérique un lycée avec une salle d’informatique zéro ordinateur. Nous pouvons faire quelque chose et je suis sûr que vous aussi vous pouvez faire quelque chose », a-t-il déclaré. Avant de poursuivre : « je ne sais pas si on va faire un Téléthon, je ne sais pas si on va écrire à la Fondation Sococim , je ne sais pas si on va écrire à Latfallah Layousse qui habitait ici à Rufisque, aux cimenteries du Sahel. Je sais que si on leur adresse des correspondances, ils vont faire quelque chose pour le lycée. J’en suis convaincu. On doit également écrire aux fondations Sococim, Sonatel, Port autonome de Dakar parce que je suis sûr que vous pouvez faire quelque chose. Si on a par exemple 10 millions dans chaque fondation, nous pouvons refaire ensemble le lycée Abdoulaye Sadji. J’ai le cœur meurtri en voyant ces images. Il faut refaire les toilettes. Je prendrai même sur moi de ne pas vous montrer l’état des toilettes pour vous dire un peu l’ampleur de la dégradation du lycée ».
Iba de l’AG80, également membre du comité de réflexion du lycée Abdoulaye Sadji a pris la balle au rebond pour dire que la vieille bâtisse connaît présentement beaucoup de problèmes. « Donc l’établissement est dans un état de dégradation un peu avancé et les rufisquois ont pensé en attendant l’Etat quand même de faire une action. Une action de restauration de quelques locaux pour permettre aux élèves qui sont là et qui sont dans de sérieux problèmes quand même de pouvoir accéder à ces classes là. Vous le voyez c’est à l’image de beaucoup d’établissement du sénégal l’état de vétusté est tel qu’il n’est plus possible quand même de laisser des élèves y faire cours. L’administration a réfléchi dans ce sens là et a décidé en tout cas de faire appel en tout cas à la communauté et cette communauté est venue aujourd’hui pour voir en réalité ce qu’elle peut faire pour aider l’administration de cette école là à régler les problèmes là et nous avons pensé à faire un appel communautaire à tous les rufisquois à essayer de réunir des sous, réunir en tout cas des moyens pour pouvoir restaurer ce qui peut l’être. C’est vrai que c’est un très grand chantier, mais quand même, je pense que si les rufisquois se donnent la main, ils pourront peut-être régler le problème-là. C’est juste un problème communautaire. On sait tous maintenant que l’école est à la communauté. C’est la raison pour laquelle nous lançons un appel à tous les rufisquois, à tous les anciens de Sadji, à tous les Sénégalais, de venir nous rejoindre dans cette lutte-là et nous aider vraiment à régler ce problème-là », indique-t-il.
Et d’ajouter : « nous sommes là dans le lycée mère, mais il y a une autre bâtisse qui est à côté, qui est l’annexe. Parce que comme vous le savez, les élèves ne peuvent pas être dans cette école-là. Ce n’est pas possible. Tout est presque en ruine et donc il est nécessaire quand même qu’on puisse les aider. A côté, je le disais tantôt, il y a l’annexe qui est dans un état beaucoup plus pitoyable. Des élèves ont été obligés d’être déployés ailleurs et chercher des établissements. Ça a été un problème parce qu’en fait toutes les écoles sont pleines. Il a fallu aller vers une école primaire pour y avoir quelques classes. Cette année, on sait qu’il y a plus d’élèves, donc il est nécessaire de récupérer les locaux qui sont dans l’annexe. C’est 10 ou 15 classes qu’il faut récupérer. Mais pour récupérer ces classes-là, il faut nécessairement une restauration. C’est pourquoi nous allons commencer donc par cette annexe là, la restaurer et maintenant voir ce que nous pouvons faire ».
Au regard de ceux qui l’ont précédé, Moussa Cissé, un Sénégalais vivant en Italie et ancien élève du lycée Abdoulaye Sadji se rappelle beaucoup de choses. « Parce que moi, comme Boubacar Diallo, on a étudié dans ce lycée-là, un lycée d’excellence et je pense que jusqu’à présent est un lycée d’excellence. Mais on est là aujourd’hui parce que le lycée est dans un état de délabrement avancé, dans un état de dégradation et que nous, conscients de cela, on ne peut pas rester les bras croisés. C’est pour cela que je lance un appel solennel à tous les rufisquois et à tous les rufisquois de la diaspora, que tout un chacun y mette de son sien pour qu’on puisse réhabiliter ce lycée-là. Vraiment, on ne peut pas laisser le lycée dans l’état où il est. C’est pour cela, encore une fois, nous tendons la main avec l’APE, l’Association des parents d’élèves, le proviseur et toutes les bonnes volontés pour que cet établissement retrouve son éclat d’antan », affirme M. Cissé.
Cheikh Moussa SARR
Gorgui D. Thiam (Photos)