Secrétariat national chargé des stratégies et de la prospective du Pastef, Aldiouma Sow reste convaincu que «l’opposition réunie aura moins de 50 députés» pour ces Législatives. Dans cet entretien avec Bès bi, l’un des hommes qui murmurent à l’oreille du Président Diomaye, en tant que ministre conseiller et patron du Pôle politique, société civile et syndicats, est revenu aussi sur ses défis à la Présidence.
Que répondez-vous à l’opposition qui trouve scandaleux le fait que, pour la première fois depuis 1993, des élections sont organisées au Sénégal en excluant les partis d’opposition de toute forme de participation à l’élaboration du processus ?
A ces derniers, nous leur répondons que c’est la première fois qu’on assiste à une élection législative anticipée. Cette dissolution crée une situation inédite et exige donc une démarche inédite et des décisions exceptionnelles. C’est ce que le Conseil constitutionnel a proposé de faire dans sa décision suite à une demande d’avis que lui a adressée le président de la République. Bien plus, c’est la première fois dans l’histoire de notre système électoral qu’il existe un vide juridique si grand entre la Constitution et le Code électoral par rapport à la fixation des délais nécessaires pour la réalisation de certaines opérations électorales jugées essentielles. Ces circonstances exceptionnelles ont poussé le juge constitutionnel à se substituer aux acteurs du processus électoral pour annuler certaines opérations électorales et actualiser des décisions prises dans le cadre de l’organisation de la dernière élection présidentielle. Ainsi, le chef de l’Etat a été obligé de fixer la date de l’élection sans passer par une concertation avec les acteurs précités pour ne pas, d’une part violer la Constitution qui fixe les délais dans lesquels doit être tenue une élection législative anticipée en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, et d’autre part pour ne pas ramer à contre courant de l’avis du Conseil constitutionnel revêtu de l’autorité de la chose jugée.
Ces frictions autour du processus électoral ne représentent-elles pas une tache noire sur la promesse de rupture tant chantée par le Pastef en matière de démocratie ?
Je considère qu’on ne peut pas parler de tache noire au regard de l’objet de la polémique qui est ici le temps observé dans la publication de ladite décision du Conseil constitutionnel et la fixation de la date de l’élection. Il faut rappeler d’emblée que ces deux aspects du processus électoral n’ont jamais constitué de point de frictions et les réformes qu’entend mettre en œuvre le président de la République et son gouvernement ne concernent pas ces deux points. En effet, les points critiques de notre système électoral ont pour noms la gouvernance transparente du fichier électoral et de la carte électorale, la rationalisation et le financement des partis politiques ainsi que l’indépendance des organes de gestion des élections. Sur tous ces aspects, le chef de l’Etat a prévu d’appeler à de larges concertations pour construire des consensus forts, progressistes et rénovateurs.
En termes de stratégies et de prospective que vous avez en charge d’ailleurs au sein du Pastef, comment comprendre le fait que la coalition ayant porté Diomaye au pouvoir soit mise de côté au profit de la bannière Pastef ?
La coalition Diomaye Président n’est pas mise à l’écart. D’ailleurs, c’est sa présidente qui a signé un communiqué dans lequel elle informe que ladite coalition a décidé de rejoindre le nouveau cadre mis en place après échanges avec le leader de notre parti. Il ne s’agit pas d’une échappée solitaire de parti mais plutôt de trouver une bannière, un nom mobilisateur et une plateforme politique la plus représentative possible du besoin de changement en vogue dans le pays depuis 2019, confirmée par les Sénégalais dans les urnes le 24 mars dernier. Mais également compte tenu du lourd tribut qu’il a payé en termes d’emprisonnements et d’assassinats de ses membres. Le parti Pastef semble parmi tous les alliés, celui qui était capable de remplir cet idéal. Cela ne signifie nullement que nous irons seuls aux Législatives.
Avez-vous mesuré les risques d’une cohabitation à l’Assemblée avec les deux grandes coalitions électorales qui se forment à l’image de celle réunissant l’Apr, le Pds et le Rewmi sans compter celle autour de Amadou Bâ, arrivé 2e à la Présidentielle ?
Il ne peut pas y avoir de cohabitation car l’opposition, quels que soient les types d’alliances et les arrangements qu’elle va trouver, ne peut pas obtenir la majorité parlementaire au lendemain de cette élection. Je ne suis pas en train de faire de la météo politique, mais je me base sur deux évidences. La première c’est que l’électorat sénégalais est volatile mais pas à ce rythme, surtout qu’après six mois d’exercice du pouvoir exécutif, il n’y a aucun facteur qui ferait que les Sénégalais changent l’opinion qu’ils ont eue sur le gouvernement. Aujourd’hui, dans tous les secteurs, on assiste à un début d’exécution des promesses de changement systémique faites aux électeurs lors de la campagne électorale passée. Il n’y a rien qui présage aujourd’hui que les Sénégalais opteront pour l’instabilité institutionnelle et l’aventure en lieu et place de la stabilité et du développement harmonieux et intégré de notre pays qui promeut l’intérêt national et la justice sociale.
Deuxièmement, l’analyse que nous avons faite des résultats de la dernière élection présidentielle nous dit que l’opposition réunie ne peut pas avoir plus de 50 députés alors que la coalition présidentielle dirigée par Pastef pourra obtenir plus de 110 députés. Et c’est ma conviction.
En tant que chargé des élections au Pastef à l’époque, vous aviez toujours estimé que «le fichier électoral, tel qu’il est constitué, ne garantit pas une élection transparente». C’est le même non ?
Permettez-moi de préciser que depuis 2022, je ne suis plus secrétaire national aux opérations électorales de Pastef. A présent, je dirige le secrétariat national en charge des stratégies et de la prospective de Pastef. En effet, nous n’avons pas formulé une critique sur l’actuel fichier électoral qui sert de base à l’organisation de la dernière élection présidentielle du 24 mars passé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de choses à améliorer sur l’actuel fichier. Evidemment, il traîne certaines tares de ses prédécesseurs et sa gouvernance mérite d’être reformée. Mais comme je l’ai précisé tantôt, c’est un sujet sur lequel nous pourrons revenir lorsque nous disposerons de plus temps après cette élection législative pour doter notre pays d’un fichier électoral conforme aux standards des pays démocratiques.
Quels sont les principaux défis qu’il urge de relever à travers le Pôle politique, société civile et syndicats que vous dirigez à la Présidence ?
Permettez-moi de remercier le chef de l’Etat pour la confiance qu’il a portée sur ma modeste personne pour coordonner ce pôle. Notre principal objectif, c’est d’œuvrer pour que les réformes promises par le président de la République sur le système partisan sénégalais soient une réalité dans les mois à venir. Il en est de même sur l’implication de la société civile dans l’élaboration, l’évaluation et le contrôle des politiques publiques mais surtout sur les réformes attendues du cadre réglementaire et institutionnel qui régit les interventions de celle-ci auprès des communautés de base et dans le débat public. Enfin, nous allons œuvrer pour que la disponibilité et l’écoute nécessaire qu’il faut avoir à l’endroit du mouvement syndical de notre pays soient renforcées et rénovées.
Falilou MBALLO