Un nouveau scandale financier éclabousse la Guinée. Une enquête exclusive menée par Confidentiel Afrique, révèle un système sophistiqué de détournement de devises orchestré au sein même de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG). Au cœur de l’affaire : près de 90 millions de dollars américains, évaporés en quelques jours vers Dubaï via un circuit bancaire aussi opaque que bien huilé.
Tout commence par une série d’offres de vente d’or brut adressées à la BCRG par deux sociétés minières locales, Siramamba Mining et Hypro Mining. Ces offres, identiques jusque dans la ponctuation, portent sur la livraison de 4 tonnes d’or, avec un paiement en francs guinéens. L’objectif officiel ? Renforcer les réserves en devises du pays.
Mais selon les documents confidentiels consultés, la réalité est toute autre. Au lieu de faire entrer des devises en Guinée, la Banque centrale a autorisé le transfert de dizaines de millions de dollars vers Dubaï, au bénéfice d’acteurs privés proches du milieu de l’orpaillage.
Le 3 avril 2025, Coris Bank International Guinée procède à un premier transfert de 7,8 millions de dollars, suivi d’un second de 4,4 millions, tous deux en faveur de la société ETS SOSIM. Le lendemain, la Banque populaire maroco-guinéenne et NSIA Banque Guinée envoient respectivement 18,1 millions et 29,9 millions de dollars à Dubaï, toujours pour le compte de structures liées à Tidiane Koita, président de l’Union nationale des orpailleurs de Guinée.
En 48 heures, c’est un total de près de 90 millions de dollars qui quitte la Guinée sans contrepartie visible pour les caisses de l’État.
L’enquête révèle que M. Koita bénéficierait d’un accès privilégié au marché des devises, lui permettant d’acheter des dollars à un taux officiel avantageux de 8 615 GNF, avant de les revendre sur le marché parallèle à près de 9 300 GNF. Un bénéfice net de plus de 700 GNF par dollar, multiplié à l’échelle des sommes transférées, représente une perte colossale pour l’économie guinéenne, déjà confrontée à une inflation élevée et à une pénurie de devises pour les entreprises locales.
Les soupçons de complicité s’étendent jusqu’au sommet de l’appareil d’État. Le gouverneur de la BCRG, Karamo Kaba, est personnellement cité dans plusieurs ordres de transfert. Selon nos sources, la présidence guinéenne aurait convoqué une réunion de crise pour ce mardi, en présence du ministre des Finances et des responsables de la BCRG.
Plusieurs questions restent sans réponse :
L’or annoncé a-t-il réellement été livré à la Banque centrale ?
Les procédures d’autorisation de change ont-elles été respectées ?
Qui, au sein de l’appareil étatique, valide de telles opérations ?
Une affaire aux ramifications régionales ?
Alors que la Guinée cherche à restaurer sa stabilité économique sous la junte du Colonel Mamadi Doumbouya, ce scandale financier retentissant vient fragiliser davantage les institutions du pays. Pour les observateurs régionaux, notamment au Sénégal, ce type de dérive soulève une préoccupation plus large sur la gouvernance monétaire en Afrique de l’Ouest, et l’urgente nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle et de transparence dans la gestion des ressources stratégiques.
Emedia