Dans une tribune, l’ancienne ministre de la Microfinance et de l’Économie solidaire, Zahra Iyane Thiam Diop, alerte sur les risques de dérive dans l’usage de la Haute Cour de justice au Sénégal. Alors que le pays vient de réussir une transition politique saluée à l’échelle continentale et internationale, l’ex-ministre appelle à ne pas faire de cette instance une « arme de règlement de comptes politiques ».
« Le Sénégal entre dans un nouveau cycle d’espoir. Il ne faut pas en faire une opportunité de vengeance ou d’instrumentalisation des institutions », écrit-elle. Pour Zahra Iyane Thiam, la Haute Cour de justice, prévue par la Constitution, est une juridiction d’exception qui ne saurait être utilisée à des fins politiciennes. « Ni l’exemplarité ni la rupture ne peuvent se construire sur la base de la revanche », insiste-t-elle.
L’annonce de résolutions visant à mettre en accusation d’anciens ministres devant cette juridiction interpelle. L’ancienne responsable gouvernementale s’interroge sur la solidité juridique de certains dossiers, pointant l’absence de preuves tangibles et des procédures initiées dans un climat de méfiance. Elle rappelle que le Sénégal dispose déjà d’instances de contrôle efficaces, telles que la Cour des comptes, l’Inspection générale d’État (IGE) ou encore l’OFNAC. « Pourquoi les contourner ? », questionne-t-elle.
La multiplication des arrestations, notamment de figures du secteur économique, renforce les inquiétudes. Selon elle, cela pourrait installer une « culture de la peur » dans l’administration, où chaque décision pourrait être instrumentalisée après chaque alternance. « Qui osera encore prendre des responsabilités si chaque acte est susceptible d’être retourné politiquement ? », s’interroge-t-elle.
Loin de rejeter la nécessité de justice, Zahra Iyane Thiam plaide pour une réponse mesurée aux attentes des citoyens : transparence, cohésion sociale, réformes structurelles et amélioration des conditions de vie. « Le pays attend des réformes, pas des spectacles judiciaires téléguidés », prévient-elle.
Enfin, elle lance un appel solennel à la majorité parlementaire de la XVᵉ législature : « Elle doit convaincre qu’elle n’est pas au service de la vengeance, mais du renforcement de la République et de la démocratie ». Pour elle, seule une justice impartiale et respectueuse de l’État de droit permettra d’éviter une « dérive dangereuse de la justice sélective » et de préserver la respiration socioéconomique du pays.
Emedia