Un dénuement affligeant sévit à Tambacounda, région richement dotée de ressources qui pourraient pourtant la propulser au devant de l’opulence ! A cette pauvreté résiduelle viennent s’y ajouter des ferments de désordre visibles à l’œil nu.
Les dernières pluies tombées ont littéralement envahi la capitale régionale et d’autres villes secondaires, coupant des routes et isolant des populations très peu outillées pour se sortir de ce déluge qui n’en est qu’à ses débuts.
Un malheur ne venant jamais seul, voilà qu’une flopée de motocyclistes – venus de nulle part ! – investissent la cité de Bakel, obligeant ainsi le préfet du département à décider avec autorité, l’interdiction de circulation des motos la nuit pour d’évidentes raisons de sécurité. Innombrables, allure anodine et air badin, ils circulent et déambulent dans les moindres recoins de ce département atypique de la région de Tambacounda.
Dans la même foulée le Médiateur de la République, Demba Kandji, en visite dans la région, a fortement insisté sur l’impérative nécessité de doter la zone d’infrastructures de confort, modernes et utiles.
Qu’il s’agisse de l’assainissement, du plateau médical ou de la securité aux frontières, le célèbre magistrat a mis le doigt sur la plaie. Sans doute relayait-il les doléances des populations, mais son propos a rehaussé les préoccupations.
Si bien que, coïncidence ou pas, sa présence dans cette localité et la forte mesure prise par le représentant de l’Etat à Bakel donnent une certaine envergure à l’équation securitaire. Des témoignages concordants affirment que des personnes arrivent par vagues en provenance de la région de Kayes au Mali.
Elles chercheraient refuge dans des lieux sûrs qui ne seraient à leurs yeux que les « paisibles terroirs » de l’est du Sénégal. En clair un tel afflux de populations constitue à la fois une alerte et un indice tangibles des dispositions à prendre pour « ne pas être surpris ! »
Gageons que les forces de défense et de sécurité veillent et filtrent les entrées en répérant au mieux les « profils sensibles », les « visages délicats » et les « figures de radicalité » censées réveiller les « cellules dormantes » en cas de nécessité ou si les affrontements se déplacent vers d’autres théâtres d’opération.
Tout est à craindre à titre d’hypothèses ou d’éventualités. Chaque jour apporte son « sac de nœuds » difficiles à démêler.
En revanche, la maîtrise des paramètres de sécurité crédite nos forces de réelles aptitudes doublées de compétences avérées pour juguler les progressions soupçonnées, endiguer les assauts, anéantir les opérations de nuisance envisagées.
Qu’est-ce qui rassure les populations sans exposer les forces de défenses ? Leur visibilité dissuade. Elle peut même inciter les esprits retors ou bellicistes à renoncer au « mortal kombat » au regard de la disproportion des moyens déployés. Néanmoins, leur discrétion est également gage d’efficacité pour désarçonner les fauteurs de troubles ou les groupes qui favorisent les tensions.
Moins habituées que les soldats à vivre des crises aiguës, les populations méritent d’être associées aux enjeux sécuritaires, à adopter les comportements adéquats et à se conformer aux consignes éprouvées.
Or le Sénégalais, réputé d’humeur « grognon », vit mal les périodes de restriction au demeurant utiles pour garantir la vie ou la survie. Cette séquence n’est qu’une brève parenthèse quand s’impose l’ordre dicté par la situation qui prévaut.
La région de Tambacounda partage une frontière avec le Mali, la Mauritanie, la Guinée, la Gambie, tandis que la Guinée-Bissau est à quelques encablures… Sur divers axes qui la relient à ces pays, les échanges s’intensifient à mesure que s’accroissent les commodités et les progrès. Cela est perceptible dans les marchés hebdomadaires ou affluent les ressortissants des pays riverains, la relative prospérité ambiante découlant des transactions financières et des produits mis en vente.
De telles affluences sont par ailleurs propices à l’immersion de personnes peu recommandables, lugubres voire taciturne qui se faufilent entre bonnes gens à l’affût des renseignements ou des « coups » ou encore nettement portés vers la détections de failles sécuritaires souvent notées dans les regroupements humains.
Le silence affiché par les autorités centrales au sujet des remous à l’est du pays laisse perplexe plus d’un ! Quelle signification revêt ce « black out » voulu et entretenu à dessein ?
Les renseignements inondent les services dédiés, de même que les cercles restreints de decision. Mais l’information,elle circule très peu. Cherche-t-on à museler la presse aux fins de gerer cette crise sans pression ?
Or une telle asymétrie est de nature à embrouiller les messages en direction des masses en proie aux rumeurs, faciles à manipuler pour semer la panique ou susciter le désarroi.
Le poids des mots prend tout sens dans de tels contextes où fleurissent les fanatismes de tous acabits.
Face à la multplication des foyers de tension au Mali, il urge d’accroître l’attention sur ce voisin avec qui nous partageons l’histoire, la géographie, la culture, l’économie et même le climat !
Entre nous qu’est-ce qui peut le mieux cheminer si ce n’est la bonne entente et la commune intelligence de situation, notamment entre Bamako et Dakar !
Un locataire peut changer de quartier ou de voisin en déménageant autant de fois que ça lui plaira. Mais pas un pays ! Lequel est justement obligé de mener la politique et la diplomatie de proximité en tenant compte de son environnement immédiat. Si bien que le réalisme prime sur toute autre considération.
Naturellement des divergences peuvent surgir dans l’appréciation des phénomènes sociopolitiques. Des discussions approfondies basées sur de solides connaissances peuvent surmonter les difficultés liées aux perceptions.
Qui plus est, les pouvoirs, tant à Koulouba qu’au Palais de l’avenue Senghor, peuvent, s’appuyant sur des rationalités politiques et économiques forger des instruments d’entente cordiales qui transcendent les clivages pour tutoyer l’avenir et surmonter les turbulences politiques du moment.
De part et d’autre, la politique ne lâche pas les dirigeants, même si Bamako utilise le méthode forte pour effacer d’un trait la remuante classe politique en s’arrogeant des mandats illimités. Autrement dit des pouvoirs excessifs !
Dakar ne dit mot à ce propos. Est-il dès lors consentant ou s’abstient-il de se prononcer sur les « affaires intérieures » d’un pays ami ? En arrière-plan, des événements douloureux jalonnent les trajectoires des deux pays.
Par Mamadou NDIAYE
