Le monde de l’art sénégalais perd l’un de ses plus grands artistes : Abdoulaye Diallo, surnommé avec affection le Berger de l’île de Ngor, s’est éteint. Figure incontournable du patrimoine culturel du Sénégal, il laisse derrière lui une œuvre profonde, un lieu mythique, et une vision artistique empreinte de mémoire, de transmission et de rêve.
Ancien ingénieur, Abdoulaye Diallo découvre l’île de Ngor en 1985, à l’occasion d’une mission liée à la restructuration du réseau téléphonique de la région de Dakar. Ce fut un coup de foudre. Ce bout de terre, cette « fille du volcan » comme il aimait l’appeler, deviendra le cœur battant de sa seconde vie. À 60 ans, il fait un tournant radical et devient peintre, bâtissant une maison rouge sur la plage de Ngor, qui deviendra un atelier, un lieu d’accueil, un espace de pensée et de création ouvert à tous. Une maison-atelier-penc en constante évolution, à l’image de l’homme.
Son art est profondément symbolique. La femme y occupe une place centrale : chaque tableau est composé de neuf couches, en référence aux neuf mois de grossesse, en hommage à la vie et à la création. Ses toiles célèbrent les cultures sénégalaises, les rites traditionnels, les figures de l’histoire africaine, dans une démarche de mémoire active et d’espoir pour les générations futures. En 2018, il participe à la Biennale de Dakar avec une question essentielle : « Quelle humanité pour demain ? », qu’il poursuit lors de l’édition suivante, autour du thème Ĩ Ndaffa# – « forger » en sérère.
Abdoulaye Diallo, c’était aussi l’homme du partage. Il ouvrait sa maison aux visiteurs, aux curieux, aux chercheurs, aux artistes, parfois même en les emmenant faire un tour en bateau autour de son île bien-aimée. Pour beaucoup, il n’était pas seulement un artiste, mais un passeur, un architecte de rêves. Son départ laisse un vide immense dans le paysage artistique sénégalais, mais son œuvre, elle, continue de forger le présent et l’avenir.
Emedia