Le Sénégal traverse une zone de turbulences économiques majeures. Les marchés internationaux ont réagi violemment ces derniers jours, faisant chuter les obligations du pays à des niveaux jamais enregistrés. La prime de risque souveraine s’est envolée à 1 077 points de base au-dessus des bons du Trésor américain, un seuil qui traduit une perte de confiance profonde des investisseurs et place le Sénégal parmi les pays africains en grande difficulté financière, rapporte Bloomberg.
Cette situation intervient alors que la mission du Fonds monétaire international s’est achevée à Dakar sans accord sur un nouveau programme de financement. Le FMI a indiqué avoir discuté de plusieurs options avec les autorités, mais c’est désormais au gouvernement de décider comment faire face à ce que l’institution qualifie de « vulnérabilités importantes liées à la dette ».
Le précédent programme du FMI, d’un montant de 1,8 milliard de dollars, avait été suspendu en 2023 après la révélation d’une dette non déclarée évaluée à environ 7 milliards de dollars. Depuis, la confiance des marchés s’est effritée, et les investisseurs redoutent désormais un scénario de restructuration forcée de la dette publique.
Le Premier ministre Ousmane Sonko, fidèle à sa ligne souverainiste, a affirmé ce week-end qu’il n’était pas question de restructurer la dette pour couvrir des « emprunts cachés hérités du passé ». Cette déclaration, bien que saluée par certains partisans comme un acte d’indépendance économique, a aussitôt déclenché une vague de ventes d’obligations sénégalaises. Le rendement des titres à échéance 2031 a bondi à 16,87 %, un niveau intenable pour un pays dont la dette publique dépasse déjà 75 % du PIB.
Pour les analystes, la situation est critique. Mark Bohlund, de REDD Intelligence, estime qu’une restructuration est désormais « largement anticipée par le marché ». Même son de cloche chez Bloomberg Economics : selon l’économiste Yvonne Mhango, le Sénégal devra dégager un excédent primaire d’au moins 2 % du PIB pour stabiliser sa dette, tout en négociant avec ses créanciers des allègements significatifs.
Sur la scène régionale, le Sénégal rejoint ainsi le Gabon et le Mozambique dans le groupe des pays africains jugés à haut risque de défaut. Pourtant, les observateurs rappellent que la situation du pays reste loin d’un effondrement total. « Le Sénégal ne représente pas un risque systémique pour le continent », souligne Anthony Simond, responsable des investissements en dette africaine chez Abrdn Investments à Londres. « La majorité des économies africaines conservent des fondamentaux solides et des perspectives de croissance encourageantes. »
Dakar tente désormais de rassurer ses partenaires et ses citoyens. Entre la volonté d’affirmer une souveraineté économique et la nécessité urgente de restaurer la confiance des bailleurs, le gouvernement fait face à un choix délicat : préserver son discours politique ou garantir la stabilité financière du pays.
Alors que les discussions avec le FMI restent ouvertes, une chose est sûre : le Sénégal joue une partie serrée dont l’issue pourrait redéfinir sa trajectoire économique pour les années à venir.
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