Le Programme de Déminage Humanitaire de la Casamance, mis en œuvre par le Centre National d’Action Antimines du Sénégal (CNAMS), traverse une crise majeure qui ralentit dangereusement les opérations sur le terrain. Plus d’un million deux cent mille mètres carrés restent à déminer, une situation qui met directement en péril la sécurité des populations récemment retournées dans leurs localités.
Pourtant, les équipes du CNAMS rappellent qu’une volonté politique forte a été affichée ces derniers mois. La mise en œuvre du Plan Diomaye pour la Casamance, dans lequel le déminage figure parmi les priorités, ainsi que l’augmentation de 50 % du budget du Projet d’Assistance à la Lutte Antimines en Casamance, avaient suscité un véritable espoir au sein du personnel. Ces mesures témoignaient d’un engagement clair de l’État en faveur de la sécurité et de la relance socio-économique de la région.
Mais ces avancées restent aujourd’hui compromises. Selon les travailleurs, la dynamique est fragilisée par une gestion défaillante au sein du CNAMS, notamment l’incapacité du directeur à mobiliser le budget 2025 pourtant disponible depuis février. « Certains collègues pensent même que c’est un refus », déclare Diogoye Sène, chef de bureau de l’assistance aux victimes et porte-parole du personnel. Pendant que les employés font face à des mois de salaires impayés, « lui n’a pas de souci de salaire », ajoute-t-il.
Sur le terrain, les conséquences sont lourdes : coupures d’eau et d’électricité, absence d’internet, ruptures de fournitures essentielles. Dans les services, ce sont parfois les voisins qui partagent leur connexion Wi-Fi pour permettre aux agents de poursuivre tant bien que mal leur mission. « Ce n’est pas normal », s’indigne le porte-parole.
Le personnel évoque également de graves dysfonctionnements administratifs : absence du directeur depuis cinq mois, activités organisées sans consulter les équipes, recours systématique à des retraités et anciens stagiaires au détriment des techniciens en poste, gestion du carburant confiée à un prestataire retraité alors qu’un chef de bureau logistique existe déjà. À cela s’ajoutent le blocage du traitement de dossiers urgents, dont la planification des activités de 2026, une opacité totale dans l’exécution du budget et une communication interne quasi inexistante.
Les défaillances opérationnelles deviennent préoccupantes. Des mines ont été récemment découvertes dans le Sindian et le Djibanar, sans réaction du CNAMS. Le 26 octobre, un accident tragique s’est produit dans le Niangha : un jeune homme de 24 ans, marié, a été amputé d’une jambe. Pris en charge à l’hôpital de Kolda, il n’a reçu aucune assistance du Centre, selon le personnel. Cette situation détériore également les relations avec les partenaires techniques et financiers, malgré les multiples alertes envoyées aux autorités administratives et gouvernementales.
Après sept mois sans salaire, les employés se retrouvent dans une situation critique, certains faisant face à des saisies d’huissiers. Ils s’interrogent désormais : le déminage humanitaire reste-t-il une priorité du Plan Diomaye pour la Casamance ?
Le personnel lance un appel solennel au président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, et au Premier ministre Ousmane Sonko. Il demande le paiement urgent des salaires, un audit complet du CNAMS, un redressement de la gouvernance et la restauration d’un climat de travail serein. Pour eux, assurer la continuité du déminage est un impératif de paix, de sécurité et de développement durable pour toute la Casamance.
Emedia









