La Journée mondiale de lutte contre le sida 2025 a mis en évidence une réalité inquiétante : l’Afrique reste largement dépendante des financements extérieurs, en particulier de l’aide américaine, pour assurer la survie de ses programmes de prévention et de traitement. Avec la suspension des subventions du PEPFAR et une baisse globale de 22 % de l’aide internationale à la santé, c’est tout un continent qui se retrouve fragilisé, exposé à une crise sanitaire annoncée. Le Fonds mondial, qui finance 26 % des programmes internationaux, affiche déjà un déficit de 17 % en 2024 par rapport aux besoins, tandis que la mobilisation pour la huitième reconstitution des ressources peine à atteindre les 18 milliards de dollars nécessaires pour la période 2027-2029.
Cette situation révèle un problème structurel profond : la riposte africaine au VIH repose depuis deux décennies sur des financements extérieurs fluctuants, souvent conditionnés par des décisions politiques étrangères. Les chutes spectaculaires observées dans certains pays, comme la baisse de 64 % des traitements préventifs au Burundi ou de 38 % en Ouganda, montrent à quel point la dépendance peut devenir dangereuse. Quand Washington tousse, l’Afrique s’enrhume. Et les conséquences sont directes : baisse de la prévention, rupture potentielle de traitements, recul des acquis et augmentation du risque de nouvelles infections.
Pourtant, cette crise agit aussi comme un révélateur. Elle montre que l’Afrique n’a pas suffisamment investi dans ses propres systèmes de santé, malgré vingt années d’appui massif venu de l’étranger. La plupart des pays restent loin des 15 % de budget national consacrés à la santé, engagement pris dans la Déclaration d’Abuja. La production locale de médicaments demeure limitée, les mécanismes nationaux de financement restent fragiles et la gouvernance sanitaire souffre de déficits de transparence.
Cette crise doit être comprise non comme une catastrophe irrémédiable mais comme un tournant historique. Elle oblige l’Afrique à repenser son modèle sanitaire, à renforcer ses investissements nationaux, à développer une industrie pharmaceutique continentale, à intégrer la lutte contre le VIH dans les soins primaires et à diversifier ses partenaires. Continuer à confier son destin sanitaire à un seul pays revient à accepter la vulnérabilité permanente.
Le retrait américain montre que les fondations étaient fragiles. Aux États africains, désormais, de transformer cette alerte en sursaut. Car aucune lutte durable contre le VIH, ni contre aucune autre maladie, ne pourra reposer sur un modèle de dépendance totale. Le sida ne s’arrête jamais ; l’Afrique non plus ne doit plus s’arrêter d’investir dans sa propre santé.
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