Casablanca a accueilli le Forum Afric Links consacré à la diplomatie économique interafricaine, un rendez-vous marqué par de riches échanges autour du rôle du sport, et particulièrement du football, comme levier de développement, de soft power et de géopolitique en Afrique. Experts, universitaires et praticiens ont mis en lumière l’expérience marocaine, souvent citée comme un modèle de réussite à l’échelle continentale et internationale.
Intervenant en tant que spécialiste du développement territorial, Mohamed Marrakchi a souligné que l’organisation de grands événements sportifs, à l’image de la prochaine Coupe d’Afrique des nations au Maroc, relève aujourd’hui d’un véritable investissement stratégique. Selon lui, ces méga-événements s’inscrivent dans une économie mondiale en pleine croissance et reposent sur une vision de long terme. Il a rappelé que la stratégie marocaine dans le sport ne date pas d’hier, évoquant notamment la création de l’Académie Mohammed VI et les réformes engagées depuis plus de quinze ans sous l’impulsion royale. Cette approche structurée, combinant infrastructures, formation et mobilisation institutionnelle, a permis au Maroc de se positionner durablement comme une destination crédible pour l’organisation d’événements sportifs majeurs.
Pour Mohamed Marrakchi, le tournant décisif reste toutefois la Coupe du monde 2022 au Qatar, qui a offert au Maroc une visibilité mondiale sans précédent grâce au parcours historique des Lions de l’Atlas. Cet exploit a eu des retombées directes sur l’attractivité du pays, notamment sur le plan touristique et économique, illustrant la capacité du sport à amplifier l’image et l’influence d’un État bien au-delà des résultats sportifs eux-mêmes.
De son côté, le professeur Cherkaoui Roudani est revenu sur l’utilisation du football comme instrument de soft power depuis plusieurs décennies. Il a rappelé que dès 1970, lors de la première participation du Maroc à une Coupe du monde, feu le roi Hassan II avait compris la portée symbolique et diplomatique du football comme vitrine internationale. Selon lui, une nouvelle dynamique s’est enclenchée à partir de 2014 avec l’arrivée de Fouzi Lekjaa à la tête de la Fédération royale marocaine de football, transformant cette institution en un véritable outil diplomatique à travers des accords de coopération signés avec de nombreuses fédérations africaines. Ces partenariats, axés sur la formation et le transfert de compétences, contribuent à diffuser une expertise marocaine adaptée aux réalités africaines.
Le débat s’est également enrichi de l’analyse du Dr Yassine El Yattioui, enseignant chercheur à l’université de Lyon 2, qui a insisté sur la dimension géostratégique du sport. Selon lui, le football est devenu un instrument de projection de puissance comparable, dans certains aspects, aux outils classiques de dissuasion. Une équipe performante, a-t-il expliqué, renforce la crédibilité institutionnelle, l’attractivité économique et le capital réputationnel d’un pays. Il a illustré ses propos par l’explosion de l’intérêt international pour le Maroc après 2022, citant notamment la hausse spectaculaire des recherches liées au pays sur les plateformes numériques.
Les intervenants se sont accordés sur le fait que le modèle marocain repose sur une vision globale intégrant sport, diplomatie, économie et coopération régionale. La question de la duplication de ce modèle ailleurs en Afrique a été largement débattue, avec l’idée que le succès marocain ne tient pas à une recette unique, mais à la cohérence entre vision politique, investissements durables et partenariats continentaux. À travers cette stratégie, le Maroc ambitionne désormais de partager son expérience et de contribuer à l’émergence d’un écosystème sportif africain plus structuré, capable de faire du sport un véritable moteur de développement et d’influence à l’échelle mondiale.
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