«Gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur.» Aimé Césaire
Une adresse pour dire non pas une parole absolue mais l’absolu d’une parole ! Le Président de la République, Macky Sall, a décidé de ne pas faire acte de candidature pour l’élection présidentielle du 25 février 2024. Cette décision a été ressentie par nombre de Sénégalais comme un acte de délivrance.
Humilité et respect soutiennent ma plume et j’écris ces lignes dans les meilleures dispositions que puisse connaître un citoyen habité par le souci de son pays et par son devenir.
Dans le tumulte des circonstances dramatiques que nous avons connues récemment, jamais la parole d’un acteur politique n’aura été tant attendue. Au soir du 3 juillet 2023, le long silence s’est fait voix. Une voix pour ouvrir à nouveau les chemins de l’espoir. Pour un Sénégal épris de paix, la valeur symbolique, politique et historique de cette décision fera désormais figure de repère pour nos sociétés habitées par une conflictualité permanente et pour certaines, depuis peu, soumises à des convulsions mortifères sans précédent. Le Président Macky Sall s’est adressé au peuple sénégalais et au monde. Longtemps, le silence d’un homme en responsabilités face à d’autres qui n’ont cessé de le presser à le rompre. Imperturbable, en toute responsabilité, il a choisi son jour et son heure.
Depuis son adresse à la nation, quelques adversaires politiques s’évertuent vainement à non seulement vouloir banaliser son propos mais à dire que c’est eux qui l’ont contraint à aller dans ce sens. Entre politiciens, c’est de bonne guerre m’a-t-on dit. Pour ma part, je pense sincèrement que c’est une bien mauvaise guerre contre un Sénégal outrageusement malmené mais subitement remis à flot et à sa juste place par la sagesse et la hauteur d’une décision. Et que dire de l’irresponsabilité de celui-là qui, sans doute las de jouer les Cassandre, a fini par se convaincre qu’il y a quelque chose de bon dans la grossièreté, l’outrage, l’arrogance et la calomnie ? Y -a-t-il pire sanction que celle d’être fortement et publiquement désavoué par ses propres soutiens ?
Dans les Écritures Saintes, et plus précisément dans «L’Ecclésiaste», une parole de haute portée : Il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour jeter les pierres, il y a un temps pour ramasser les pierres.
En proclamant : LE SÉNÉGAL DÉPASSE MA PERSONNE, le président Sall donne suite à cette idée fondamentale que notre pays a quelque chose de plus grand que chacun d’entre nous, de plus grand que chaque composante ethnique, religieuse, coutumière, politique et sociale de notre grande nation tout en admetant, mieux, tout en cultivant cette diversité constitutive de notre unité et de notre identité nationale ? L’expérience collective du peuple sénégalais fourmille d’exemples de cette capacité à concevoir, admettre et vivre ce qui nous commande à tous d’être un seul peuple et d’avoir un même but commun. En s’appuyant sur la main tendue du président Macky Sall au cours de son adresse à la nation, il me semble possible et urgent de travailler à une «UNION SACRÉE», autre manière de nommer, à dessein avec emphase, le patriotisme, en vue de conjurer les méfaits d’un changement d’échelle aussi important que l’entrée de notre pays dans le cercle restreint et convoité des pays producteurs de pétrole et de gaz. Cette union sacrée, ce regain de patriotisme, permettra au président Sall, de poursuivre son œuvre de bâtisseur, et dans cet ultime virage d’une gouvernance volontariste, de continuer à rassembler les poussins à l’abri des milans, et de prolonger son œuvre réformatrice.
À circonstance exceptionnelle, réalité et mesures exceptionnelles. Ces mesures fortes qu’il aura à prendre en dehors de tout cadre partisan et dépouillé de toute forme de pression, uniquement gouverné par sa conscience de chef de l’État, d’homme surplombant le jeu politique, vont aller dans le sens de la préservation de la forme républicaine de l’État du Sénégal en endiguant toute velléité de lui substituer un régime privatif de libertés, des droits humains, du pluralisme et des espaces publics de débat contradictoire, d’égalité et de réciprocité.
Il est des moments dans la vie d’une nation où un fait, un geste ou une simple parole peut suffire à rétablir un fil rompu, à renouer des fraternités fracassées, à ressouder des logiques interrompues. Autant comme dit Hugo, une minute peut blesser un siècle, autant, comme dit Aimé Césaire, n’y eût-il dans le désert qu’une seule goutte d’eau qui rêve tout bas, dans le désert n’y eût-il qu’une graine volante qui rêve tout haut, c’est assez…
La valeur de la parole donnée, c’est l’argument principal que Macky Sall a invoqué pour expliquer et justifier cette déci- sion attendue par certains, redoutée par d’autres, alors que d’autres encore sont demeurés sceptiques jusqu’au moment où il a prononcé la formule libératrice. C’est un argument qui appartient à la catégorie des valeurs dont se réclament nos sociétés traditionnelles. La sagesse populaire l’a élevée au rang de ce qui est sacré. Sall vient d’un terroir où très tôt on enseigne à l’enfant qui entre dans le monde adulte qu’à l’instar de l’eau versée sur le sol la parole donnée ne peut être ramassée. Force est de reconnaitre cependant que pour ce qui est de l’observance de ces règles, interdits et tabous, en l’occurrence le respect de la parole donnée, on rencontre dans notre quotidien les pratiques les plus diverses et même les plus contraires surtout chez certains grands «donneurs de leçons», chevaliers de l’éthique.
C’est dire que la conduite qui consiste, de la part d’un chef d’État, à invoquer le respect de la parole donnée va, désormais, avoir son pesant d’or dans les affaires de l’État et de l’éthique politique. Éthique politique semblable à celle qui se joue entre justice et équité. Les hommes politiques, au Sénégal du moins, tous ceux qui aspirent à diriger, seront désormais jugés à l’aune de l’exemplarité de leurs comportements et à leur aptitude à observer rigoureusement et la loi et la valeur de la parole donnée.
Le moment est propice depuis ce discours présidentiel.
Il nous faut saisir ce moment pour que surgisse des grandes réserves de foi, ces silos de force où les peuples, dans les moments critiques, puisent le courage de s’assumer eux- mêmes et de forcer l’avenir, c’est encore du Césaire un grand ami du Sénégal !
Mais une percée dans la voie du progrès n’a de réelles chances de succès que si elle est adossée à la volonté et à la mobilisation de tous. Or ma conviction profonde est qu’un pays se construit par une addition, par la mystique d’une chimie qui n’est rien d’autre que la mise en synergie de ce que ce pays a produit de meilleur dans un effort soutenu et souvent dans la douleur.
Nous venons de traverser des moments terribles mais je sais que l’image du génie sénégalais n’a pas été perdu pour autant. Je reste convaincu qu’en dépit des oppositions doctrinales, il y a cette solidarité profonde, ce rapport substantiel qui, sous nos yeux et face aux menaces multiples, permettra le recul nécessaire et réunira, au point de les confondre, des Sénégalais aujourd’hui dressés les uns contre les autres dans une adversité qui ne saurait tenir notre destin dans la seule logique délétère de la violence.
Je reste convaincu que l’acte posé par Macky Sall peut contribuer à faire du Sénégal une vivante leçon pour nous- mêmes et pour les autres. Il va sans dire que nous avons des ressources insoupçonnées dans un formidable terreau de valeurs et de sens pour réécrire à neuf notre histoire et reprend- re notre place de sentinelle avancée dans un monde qui vacille entre apogée et apocalypse. L’urgence nous dicte de chercher dans le consensus un nouveau pacte national pour un sursaut vital. Nous devons à tout prix éviter d’avilir dans de misérables querelles le legs inestimable de nos pionniers et bâtisseurs, ces formidables ouvreurs de chemins qui ont tout donné pour jeter les bases d’un pays à peine sorti de la nuit noire d’un colonialisme abject. Notre pays est à la croisée des chemins et la consolidation de nos acquis nous commande de nous dégager collectivement et définitivement des ferments suicidaires vers lesquels d’aucuns s’acharnent à nous pousser. Les urgences nous somment de réussir une remontée sans précédent avec un nouveau sens sénégalais de la responsabilité, un renouvellement sans fin des valeurs et des sens émancipateurs de notre précieux art de vivre sénégalais.
«Le Sénégal dépasse ma personne» a affirmé Macky Sall avec force et conviction dans son allocution, conscient de la Geste historique dans laquelle il entrait.
Nombreux nous sommes à nous être tus trop longtemps face à cette violence physique qui tue et saccage des biens publics et privés jusqu’à l’ensauvagement sans précédent d’un haut lieu de savoir où soufflait jadis l’esprit quand la lux était sa lex.
Image épouvantable d’une université offerte à la rage destructrice d’un feu allumé par une horde de barbares encagoulés brandissant des armes et dansant sur le rythme de je ne sais quel hymne guerrier. J’ai vu passer des pétitions et des groupes se former pour dire non à une candidature. Mais l’université de Dakar, profanée par les flammes, me semble avoir été laissée à elle-même comme si la compétition politique devait faire fi de toute humanité, comme si le savoir devait se plier à la banalisation de tout ce que notre pays a sacralisé hier. Rien ne devrait au Sénégal pousser au sacca- ge du plus grand haut-lieu de savoir de notre pays, un temple qui a formé des générations d’intellectuels et de cadres africains. Le président Macky Sall l’a exprimé en des termes que chacun devrait méditer : Rien, ni aucune revendication ne saurait justifier qu’on tue, qu’on diffuse des messages de haine et de violence dans les réseaux sociaux, qu’on saccage et brûle des biens publics et privés, y compris des moyens de transport, des commerces, des lieux de culte, des domiciles, des Consulats, des ambulances – même un corbillard – , des universités et des écoles comme pour éteindre la lumière du savoir, réduire au silence notre élite et notre relève scientifiques et intellectuelles et plonger notre pays dans les ténèbres de l’obscurantisme.
En toute liberté, je tiens à saluer solennellement l’acte courageux posé par le Président Macky Sall, soucieux de préserver la paix, condition «sine qua non» pour consolider les bases de nos acquis démocratiques et construire un Sénégal debout dans la tour- mente d’un monde où l’homme s’inquiète encore et s’interroge toujours. Par la main tendue du président de la République et son invitation au dialogue, tou- tes les filles et fils du Sénégal devraient dans un élan unique méditer son appel : C’est seule- ment ainsi que nous pourrons poursuivre, ensemble, épaule contre épaule, notre élan commun vers notre destin commun, fidèles à notre devise nationale : Un Peuple, Un But, Une Foi.
La politique n’est pas le règne de la furie permanente, des animosités pérennes et du bruit sans proposition, elle est plutôt le champ du consensus sur des idées et de la compétition sur des orientations divergentes dans la manière de répondre aux préoccupations des citoyens. Or donc, si tous les acteurs prétendent servir le même Peuple en vue d’améliorer son quotidien et de lui tracer un chemin d’espoir, une convergence sur l’essentiel est nécessaire.
La menace extrémiste dans la région, les contrecoups des guerres lointaines mais si proches, l’hydre populiste et la tentation du chaos nous guettent et compromettent notre précieux art de vivre sénégalais. La nature pernicieuse des dangers qui rôde nous impose de nouvelles responsabilités si nous tenons encore à faire nation unie et plurielle. Une responsabilité, une hauteur et une dignité auxquelles nous invite Macky Sall dans sa prise de parole historique du 3 juillet 2023.
Les républicains soucieux du progrès économique dans la paix doivent bâtir des coalitions d’idées et des majorités nouvelles assises sur le socle du patriotisme, de la sacralité de la République et de l’attachement à la démocratie dont le moteur est une compétition ouverte et saine qui sanctuarise cet essentiel si cher que nous avons en commun : le Sénégal.