La lecture des premiers décrets portant attribution des ministres met en évidence un fait nouveau. En effet, à l’article premier de ces décrets, il est fait mention ce qui suit : « Sous l’autorité du Premier Ministre, le Ministre (…) prépare et met en œuvre la politique définie par le Chef de l’Etat. »
Une analyse comparée des précédents décrets publiés au journal officiel sous Macky Sall montre que la pratique en vigueur était autre. En effet, l’expression consacrée était plutôt : « Article premier. – Sous l’autorité du Président de la République qui détermine la politique de la Nation, le Ministre (…) prépare et met en oeuvre ladite politique.
Sous Macky, le décret met le ministre sous l’autorité du président de la République. Car étant celui qui détermine la politique de la nation.
Sous Diomaye Faye, le décret met le ministre sous l’autorité du Premier ministre.
Or, entre les deux présidents, le régime (de type présidentiel), n’a pas encore subi de modifications substantielles pour en justifier le glissement.
D’autant que la lecture de la constitution en son article 53 mentionne que « Le Gouvernement comprend le Premier ministre, chef du Gouvernement, et les Ministres. Le Gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre. »
La notion de « direction » est-elle synonyme d’autorité? Si le ministre est sous l’autorité du Premier ministre, cela voudrait-il dire que le président de la République ne peut donner des instructions à un ministre de la République ni changer ce ministre?
Par ailleurs, le même article 53 précise que Il ( le gouvernement – donc le Premier ministre et les ministres) est responsable devant le Président de la République et devant l’Assemblée nationale.
Donc la constitution considère la notion de gouvernement comme entité solidaire et collégiale qui comprend un premier et des ministres. S’ils sont tous responsables devant le Président, il est donc concevable que les ministres restent sous l’autorité du Président et non du Premier ministre.
Le Premier ministre ne jouant tout au plus que le rôle de « directeur » de la coordination et de la conduite de la politique de la nation. La coordination et la conduite de la politique de la nation relevant du gouvernement et non du Premier ministre. Et la nuance est d’une importance capitale. Ce n’est donc pas le Premier ministre qui conduit ni qui coordonne la politique de la nation, mais le gouvernement. Or, comme le stipule clairement l’article 56 de la constitution, « Le Gouvernement est une institution collégiale et solidaire ». Or, un membre d’une institution collégiale et solidaire ( un ministre), peut-il être sous l’autorité d’un autre membre de cette même institution collégiale et solidaire ( le Premier ministre)?
Étant le premier des ministres, le PM dirige la coordination mais les membres du gouvernement donc les ministres et le Premier ministre relèvent en principe de l’autorité du Président de la République.
D’où l’inquiétude quant à la conformité à la loi et la constitution des récents décrets pourtant attribution des ministres. Décrets dont l’article premier place les ministres sous l’autorité du Premier ministre et non, comme cela était de coutume, sous l’autorité du Président de la République.
Guidés par l’intérêt général et le patriotisme, après en avoir avisé nos avocats pour une éventuelle saisine de la Cour suprême, j’invite les constitutionnalistes, les spécialistes du droit administratif, les juristes de manière générale et les hauts commis de l’État en service ou admis à faire valoir leur droits à la retraite, à se pencher sur cet situation et d’éclairer l’opinion sur cet état de fait. D’autant que cette pratique pourrait durablement générer de réels difficultés dans la conduite des politiques publiques.
Mamadou Thiam,
Expert en management par la qualité totale et en communication, spécialiste suivi évaluation des politiques publiques
Ancien coordinateur de la communication de La Présidence de la République
Président du Mouvement Agir pour l’émergence