Alioune Mbaye Nder vient de boucler ses 30 années dans la musique avec des hauts et des bas. Pour marquer cela, le leader de Setsima Groupe a mis sur le marché une nouvelle production de 6 titres intitulée «30 ans déjà». Mais mardi, à l’occasion d’une séance d’écoute de cet album, avec la participation des artistes de la jeune génération, le chanteur et danseur préfère ajouter «30 ans, ensemble». Dans cet entretien qu’il a accordé lors de la présentation à Thiossane, il a fait un plaidoyer pour le rayonnement des artistes, le problème de migration, entre autres.
Pouvez-vous nous décortiquer le contenu de cet album «30 ans déjà» ?
30 ans, c’est une vie, je rends grâce à Dieu. C’est vraiment beau, mais j’aimerais ajouter «30 ans ensemble», puisque cela fait plus de 30 ans je suis avec les Sénégalais. C’est un album inédit de 5 nouveaux titres plus un medley intitulé «30 ans déjà» où je suis accompagné de jeunes artistes très talentueux qui sont mes enfants : Wally Seck, Sidi Diop, Dieyla, Ngaka Blindé, Momo Dieng, avec mon grand frère aussi, Fallou Dieng. Et nous avons revisité les chansons phares qui étaient des hits et qui ont marqué la carrière de Nder, mais aussi les mélomanes. Il y a des titres comme «Yamal» qui parle d’humilité. Dans «Sey yi», je traite la question du mariage car nous avons constaté qu’il y a beaucoup de divorces au Sénégal. Dans la chanson «Positiver», j’invite au dépassement. Par contre, il y a le titre «Africa» car on a une richesse en Afrique qu’on doit exploiter. Nos enfants affrontent la mer alors que nous avons d’énormes potentialités. Et enfin le morceau «Marième» (la voix tremblote) un hommage à ma défunte épouse.
Justement, vous avez versé des larmes en écoutant le morceau dédié à votre défunte épouse, est-ce que c’était difficile d’enregistrer ce titre en studio ?
Effectivement, j’avais d’énormes difficultés pour interpréter le titre Marième. Je suis entré deux, voire trois fois en studio, pour pouvoir chanter ce morceau. Nous avons fait plus de 30 ans de vie de couple, une brave dame. Paix à son âme ! C’était très difficile, (il le répète) ses yeux baissés larmoyants, noyés dans ses lunettes correctrices.
Revenons sur le choix des jeunes artistes qui vous ont accompagnés. Est-ce votre choix ou celui du label ?
Le choix a été tellement facile et beau, et surtout naturel, avec leurs feelings. Chacun a chanté comme il le souhaite, ils l’ont fait avec générosité et avec le cœur. Ils sont de très bons chanteurs qui aiment et adulent Nder, il faut l’accepter.
Pourquoi pas un duo avec Youssou Ndour et pourquoi le choix des titres ?
C’est juste un choix. Dans la vie, il y a deux choses qui sont fondamentales en l’homme, c’est le choix et le comportement. Tout comme vous avez choisi votre métier de journaliste qu’on doit respecter. Ce n’est pas la première fois que je fais des duos de ce genre. Vous vous souvenez de l’hommage à feue Awa Mbaye (Ndlr : animatrice à Rfm décédée). J’ai eu à la chance d’en faire avec tous les chanteurs de ce pays, y compris mes grands frères, Ismaël Lo, Oumar Pene, Youssou Ndour, Ouza Diallo, Fallou Dieng, Mapenda Seck, Titi, Frères Guissé, Mada Ba, Viviane, Abdou Guitté Seck, Fatou Laobé, Fatou Gueweul, Ami Mbengue, etc., parce qu’il fallait partager. Pour ces 30 ans, j’ai choisi une jeune génération qui adore Mbaye Nder sans complexe. Les Sénégalais portent Nder dans leur cœur. Car il y avait des artistes qui rêvaient de chanter avec Nder. Pour Fallou Dieng, c’est pour symboliser le Lemzo Diamono, car on ne parle pas de notre album, on parle de l’album de Nder, ceux sont les 30 ans de Nder. C’était difficile de faire un choix sur les morceaux, il y a des personnes qui m’ont interpellé pour me dire pourquoi je n’ai pas mis tel ou tel autre titre. Mais on prie Dieu de fêter les 40 ans, comme ça on pourra satisfaire les uns et les uns.
Je vous assure que j’ai de très bonnes relations avec tous mes ainés. Nous nous vouons un respect mutuel. Pourtant on a dit beaucoup de mal entre Youssou Ndour et moi mais «dara meussoul niaw», sinon aujourd’hui je ne serai pas à Princes Arts. Cet album ne serait pas non plus possible. Un ami m’a dit : «Nder, tu es un bien commun.» J’ai ajouté : «A ne pas jeter.» (Fou rire). C’est pourquoi je demande à la jeune génération de faire très attention, de savoir distinguer la part des choses. Que les gens le veuillent ou pas, je suis un artiste, ce n’est pas pour me vanter, je chante bien, j’aime les belles choses. J’accorde également beaucoup d’importance à ma mise, à la tenue, quoi qu’il en coûte. Je peux avoir une chaussure, la garder pendant 2 ans parce que je n’ai pas encore trouvé une tenue adéquate. «Dama beug sama bop».
Vous êtes resté autant d’années pour sortir un nouveau produit. Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est vrai qu’on est resté un petit peu longtemps sans faire quelque chose. C’est parce qu’il y a des choses qu’on ne peut pas dire pour le moment. Mais je vais faire certainement une émission pour partager, les raisons avec le Sénégal et les fans, ce que j’ai vécu entre-temps. Je vais aussi expliquer dans les détails. Je suis un artiste qui respecte beaucoup son public, les Sénégalais en général. Je ne veux pas sortir n’importe quoi. Pour cet album, il y a un titre qu’on a eu à mixer 24 fois. Parce que nous avons un public de connaisseurs, pas méchant, mais trop exigeant. C’est le lieu de remercier Ndiaga Ndour qui m’a compris. Je suis pour une musique de qualité, travailler, retravailler chaque morceau. Et aujourd’hui, le résultat est là, tous les Sénégalais ont adopté l’album, c’est une marque de considération.
Vous avez prévu aussi une tournée internationale pour promouvoir l’album. Est-une manière de reconquérir cette scène-là ?
C’est très important. On a eu la chance de sillonner le monde, de jouer dans de grands festivals. Imaginez une scène que doivent partager Youssou Ndour, Wally Seck, Alioune Mbaye Nder, entre autres. Les gens sont stressés. Ce qui fait qu’en Occident, ce budget est prévu chaque année. Des gens viennent de partout pour suivre ces festivals. Il y a tellement de scènes. Ce genre de rendez-vous doit se tenir au moins une fois dans l’année, ici. Il faut le faire. Cela n’a rien à voir avec les soirées. On ne peut pas parler du Sénégal sans se rappeler Léopold Sédar Senghor. C’est un pays de culture. Cela doit s’accompagner d’une volonté politique culturelle. J’insiste. Je demande solennellement aux autorités, surtout aux collectivités, d’accompagner les artistes. Les festivités doivent reprendre au Sénégal. Cela participe à apaiser les tensions. Il faut utiliser les chanteurs contre le phénomène de l’émigration irrégulière pour sensibiliser la jeunesse. Les artistes jouent un rôle important au sein de la société. On ne doit pas minimiser cet aspect.
Par Adama Aïdara KANTÉ, Dié BA et Abdoulaye SYLLA (Photo)