Ils se sont fréquentés. Ils se sont connus. Ils ont construit une confiance… presqu’aveugle. Une fidélité sans faille de l’homme. Un soldat. Un exécutant. Point barre ! Macky Sall et Boun Dionne, c’est (ou c’était ?) comme «une paire de ciseaux» à la Wade-Idy. Et quand c’est Thierno Alassane Sall qui en témoigne…
Dans son brûlot Le protocole de l’Elysée : les confidences d’un ancien ministre du pétrole, en 2020, TAS rapporte des propos du Pm Dionne devant Macky Sall, le jour même du clash à l’origine de son départ du gouvernement. «‘’Tu dois faire ce que le Président t’ordonne de faire !’’, me répétait-il comme tout argument. Un moment, excédé, je lui dis, inspiré par un bouton (qui servait à quérir l’huissier) que le Président manipulait de temps à autre : ‘’je ne suis pas un bouton moi’’. Il ne dut pas comprendre l’allusion, à moins qu’il trouvât là l’occasion de plaire encore plus à son Président. Toujours est-il qu’il me confirma : ‘’je suis un double bouton. J’exécute à la lettre ce que le Président me dit de faire’’», écrit Thierno Alassane Sall. C’est dire…
On le voyait comme un Plan B comme Boun
En politique, les destins sont parfois liés. Mais les séparations peuvent être aussi douloureuses. Et ici, c’est presque deux siamois. De Premier ministre, qui a accepté de scier la branche sur laquelle il était assis, avec la suppression du poste, Mahammed est catapulté Secrétaire général de la présidence de la République avec les honneurs de Pm sans la dénomination. Preuve d’humilité. Un temps, l’on a justifié son éloignement par un état de santé fragile. Ce qui était vrai, puisque des rumeurs ont même annoncé sa mort en 2019 alors qu’il était secrétaire général de la présidence. Plus tard, le fils de Marie et Ibra tentera lui-même de rassurer : «J’ai connu des moments difficiles de santé. J’étais absent pendant un mois dix jours (ce) qui m’a paru dix années. Nous sommes des humains, parfois il arrive qu’on tombe malade. Nous ne sommes pas des robots», avait-il admis en marge d’un panel organisé par le Cercle de réflexion républicain. Puis, pour certains, c’était une volonté savamment orchestrée de l’écarter de la liste des dauphins. Ou protéger un dauphin ! Ce qui est constant, en revanche, c’est que Dionne avait déjà rangé sa casquette publique pour ne rester que dans l’ombre.
Mais il faut dire qu’avant même de devenir Pca de la Bicis, racheté par le Groupe Sunu, le successeur de Mimi Touré à la Primature était plus présent sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Se reconnecter au monde… public ? La suite, c’est son livre Le lion, le papillon et l’abeille. Il a bien fait parler de lui. Pas seulement au Sénégal. Mais avec une dédicace à l’internationale. A décrypter.
Quand Macky présentait Boun Abdallah
A-t-on été aussi naïf pour ne pas croire à un retour de Boun Abdallah dans le jeu ? S’il est là, sans doute, c’est parce que ce n’est point par sa (seule) volonté. Il y a aussi celle du Président. Les profondes divergences entre les quatre candidats déclarés (Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye et Abdoulaye Diouf Sarr), au début, ont créé les conditions justement, pour Macky Sall, de miser sur un larron. Et ça ne pouvait être que lui. Certains de ses proches jurent que c’est le Président Sall qui lui a demandé d’aller voir Niasse dans le cadre de ses auditions. Et il a eu le privilège d’être le premier à être reçu.
Le portrait-robot que Macky Sall a fait était visible comme ces photos vendues à la sauvette sur les trottoirs. Préfacier du livre de Boun Dionne, le Président Sall témoigne : «(…) Je vous avais présenté Mahammed Boun Abdallah Dionne. J’ai eu à lui confier pendant cinq années sans discontinuité la coordination du Gouvernement du Sénégal en qualité de Premier ministre. J’ai eu également à lui confier le poste de ministre d’État secrétaire général de la présidence de la République. En le nommant à ces hautes fonctions, j’avais fait le pari sur un compatriote dévoué aux causes nationales, un collaborateur loyal mais également un homme généreux dans l’effort et le travail. En homme de défis, il avait su donner le meilleur de lui-même en faisant porter à mon projet politique, le Plan Sénégal émergent (Pse), la marque d’une cohérence quotidienne ancrée dans le culte du résultat».
Voilà qui pouvait relativiser le choix (évident) de Amadou Ba. Un autre «Monsieur Pse», ce programme qui a été l’un des critères qui ont prévalu dans le choix porté sur Ba. «Personne dans l’entourage du président de la République ne connait comme moi sa vision. Je fais partie des rares proches du chef de l’Etat à avoir contribué, comme je l’ai fait à la matérialisation de cette vision», a dit Amadou Ba qui était L’Invité de MNF sur 7Tv, il y a quelques semaines. Certains soufflent qu’il a été envoyé «se sonder» auprès de l’opinion. Dans ce moment crucial de la succession, la place de la confiance est importante.
Si Macky Sall souligne que cela ne devrait pas être quelqu’un qui doit se faire connaitre en 7 mois, ce n’est pas lui, le Pm qui a le plus duré à ce poste (2014-2019). Tout un quinquennat avec trois élections au moins. C’est vrai, c’est un homme calme, austère aussi, et un produit qui requiert un marketing politique pour édulcorer ce sérieux et faire passer son message. Ce qu’il avait compris et tenté lors des Législatives de 2017, en surprenant, à l’étape d’Oussouye, avec des pas de danse très… denses. En réalité, il a tout d’un Macky Sall, Pm de Wade. Moins captivant. Même s’il ne manque pas parfois de piquant. «Fi mokk na ba paré», lançait-il lors de la campagne de 2019. Ou encore quelques piques : «Nous voulons gagner à 95%, et les 5% qui restent, nous les donnons en aumône aux 4 candidats aventuriers».
Le lion, le papillon et l’abeille
Dionne est réputé un homme cultivé. Son livre, comme le définit Macky Sall, s’appuie sur «une observation approfondie du comportement des sociétés animales» pour «penser le futur des économies africaines». Le lion, le papillon et l’abeille, titre de l’ouvrage, est paru le 6 juillet dernier aux éditions Débats publics en France. «Flotter comme un papillon, piquer comme une abeille. C’était son style sur le ring. Mais dans la vie, il était un lion», reprend Mahammed Dionne de son homonyme Mohamed Ali. La citation serait d’ailleurs de Drew Bundini Brown, l’un de ses entraîneurs : «Vole comme le papillon, pique comme l’abeille, et vas-y cogne mon gars, cogne».
Boun Dionne est sur le ring. Même s’il assimile «le roi lion à l’Etat développeur», «l’activisme du papillon à l’Etat activateur» et le «productivisme des abeilles au secteur privé transformateur». S’il décrète qu’il n’est plus question désormais de nourrir l’image archaïque de l’Homme noir qualifié de «moitié démon et moitié enfant» par Rudyard Kipling, c’est qu’il a dû lire aussi «Le livre de la jungle» du même auteur parlant d’autres animaux comme le loup, le panthère, le tigre…. Un homme à fables… «Affable» aussi, signent des proches. Mais cette fois-ci, Dionne a perdu son don de «saltigué» pour n’avoir pas pu prédire le nombre de candidats déclarés de Benno. Comme il l’avait fait avec le 5 majeur de la Présidentielle, puis les 58% de la réélection. Boun n’a pas l’air d’un papillon pour voler de ses propres ailes. Il n’a pas non plus cette sévérité de l’abeille pour piquer son «ami» ou son candidat. Mais on ne sait jamais !