Ours d’Or à la dernière Berlinale, le film «Dahomey» de la réalisatrice franco-sénégalaise a été projeté en avant-première à Dakar, vendredi dernier. Mati Diop retrace l’histoire des trésors pillés de l’Afrique.
Le Seanema du Sea plaza, à Dakar, a déroulé le tapis rouge à Mati Diop, vendredi dernier. Pour l’avant-première de son film «Dahomey», la réalisatrice franco-sénégalaise en a profité pour présenter son Ours d’or qu’elle a décroché lors de la dernière Berlinale. Ce documentaire de plus d’une heure suit le parcours d’objets volés, 26 trésors royaux du Dahomey rapatriés depuis Paris (France) vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. C’est également l’histoire de plusieurs autres objets d’art revenus sur le continent à l’instar d’objets en or et en argent pillés cette fois-ci à l’époque où l’empire colonial britannique régnait, et restitués au Ghana dans le cadre d’un accord de prêt à long terme. Les lumières s’éteignent dans la salle archi-comble, les téléphones en mode vibreur, silence, ça tourne. La camera projette une image noire avec des voix off en langue locale du Bénin, où la réalisatrice fait parler des statues qui sont les principaux personnages d’ailleurs. Mais il y a le numéro 26 qui défile presque à chaque séquence, des numéros, à l’image du roi Ghézo avec ce chiffre qui se plaint de sa vie en exil, loin de la terre natale à laquelle il a été arraché. Avant de mettre en lumière la question de la restitution de ces «trésors volés» qui étaient en exil au musée Quai Branly. Le processus de rapatriement des œuvres composées de statues, de colliers et autres. Le retour de ces objets sacrés était très attendu par la population béninoise, d’où une cérémonie solennelle et une atmosphère de requiem. C’était le défilé des personnalités, des badauds, des universitaires parés de leur boubou traditionnel… personne ne voulait manquer le retour de ces «trésors» rapatriés au Bénin.
La controverse sur le rapatriement des objets
Cependant, le rapatriement de ces objets n’a pas fait l’unanimité dans ce pays. Parce qu’un grand débat sur l’appropriation de cet héritage postcolonial et du patrimoine culturel a été posé par des étudiants dans un amphithéâtre archicomble. C’était un des temps forts du film avec beaucoup d’interrogations sur les relations entre les Africains et leur patrimoine, la place des langues nationales, les politiques de sauvegarde de ces œuvres d’art, et surtout, le discours à développer pour reconnecter ce patrimoine à ses héritiers. D’autres, plus critiques, parlent de manque de respect car sur les 7000 objets pillés, seuls 26 œuvres d’art sont rendues. Pour certains en renvoyant ces trésors, l’Europe veut «polir son image». «Au moins, nous avons reçu 26 œuvres, battons-nous, ou mettons-nous des mécanismes pour faire rapatrier tout le trésor restant dans ces pays», tempèrent d’autres. (…). A la fin de la projection, la salle a réservé une standing ovation à Mati Diop et à son équipe pour la qualité de ce travail historique.
Adama Aïdara KANTÉ