Les organisations de défense de la cause palestinienne réclament son expulsion. Et même par le Premier ministre veut un durcissement du ton de Dakar par rapport aux «exactions» à Gaza. L’ambassadeur de l’Etat d’Israël au Sénégal réagit. Dans cet entretien avec Bés bi, M. Ben Bourgel souligne qu’il sera «toujours ouvert à la discussion avec toutes les forces vives de la société civile, dès lors que ce dialogue est honnête et vise à la compréhension mutuelle». Il a rappelé les relations historiques entre les deux pays.
Des organisations de défense des droits humains et de soutien à la cause palestinienne ont écrit au Président Bassirou Diomaye Faye pour réclamer «l’expulsion immédiate» de l’ambassadeur d’Israël à Dakar et la rupture diplomatique. Quelle est votre réaction ?
Au Sénégal, tout comme en Israël et dans les autres démocraties à travers le monde, les organisations de la société civile sont en droit d’exercer pleinement leur liberté d’expression. Les attaques meurtrières perpétrées le 7 octobre 2023 sont sans précèdent de par leur ampleur et la nature des atrocités commises. Plus de 3 500 roquettes ont été tirées sur les populations d’Israël. Des hordes de terroristes menées par le Hamas se sont infiltrées en territoire israélien et ont ciblé les localités frontalières qui se préparaient paisiblement à célébrer la fête de Simhat Torah, un des jours les plus sacrés du calendrier hébraïque. Sur leur chemin, ils n’ont semé que mort et désolation.
Les images insoutenables – filmées par les terroristes eux-mêmes – nous montrent comment ont été massacrés, sans hésitation aucune et de manière systématique, plus de 1 200 femmes, hommes, enfants et personnes âgées – sans distinction de nationalités ou de religions. Parmi les victimes on compte des Israéliens mais aussi des ressortissants étrangers (dont des ressortissants africains), des juifs, des musulmans, des chrétiens et des druzes. Des centaines de jeunes gens furent massacrés lors d’un festival de musique dédié à la paix. Des crimes sexuels ont été perpétrés de manière systématique par les terroristes du Hamas contre les femmes qui ont eu le malheur de croiser leur chemin. Aucune cause, aucune émotion ne sauraient justifier pareille abomination.
A ce jour, des 240 otages enlevés par le Hamas, 120 sont maintenus en captivité à Gaza et soumis à chaque instant aux tortures et sévices les plus abjectes. Près de 100 000 personnes sont encore déplacées à l’intérieur de nos frontières incapables de pouvoir regagner leurs foyers, et plus de 15 000 blessés sont à déplorer. Il n’y a pas une famille en Israël qui n’ait pas été affectée directement ou indirectement.
Face à ces atrocités, Israël mène une guerre contre les terroristes du Hamas qui, depuis le retrait unilatéral de Gaza par Israël en 2005, ont pris en otage les populations israéliennes bien sûr, mais aussi les populations palestiniennes de la bande de Gaza qu’ils utilisent comme bouclier humain. Leur priorité absolue est l’extermination d’Israël au moyen d’un usage cynique des habitants de Gaza. C’est leur stratégie, et loin de s’en cacher, ils s’en enorgueillissent. Des lors, le but de cette guerre est de mettre un terme à la menace posée par le Hamas et libérer nos otages. Cette guerre que nous n’avons ni voulue ni initiée, nous la menons uniquement contre les terroristes et dans l’application scrupuleuse du droit international, là où le Hamas commet un double crime de guerre en visant délibérément les populations civiles israéliennes tout en se cachant derrière la population de Gaza. Plus de 250 jours après ces attaques, il apparait aux yeux de tous que le but ultime de cette folie meurtrière était avant tout d’empêcher tout rapprochement et toute réconciliation, alors que les perspectives de coexistence pacifique entre les peuples se dessinaient clairement dans une région affligée par la guerre et les conflits depuis si longtemps. Rappelons que jusqu’au 7 octobre, 20 000 Gazaouis traversaient la frontière quotidiennement pour travailler en Israël et que les patients de Gaza étaient traités dans les hôpitaux d’Israël.
Notre ambassade sera toujours ouverte à la discussion avec toutes les forces vives de la société civile, dès lors que ce dialogue est honnête et vise à la compréhension mutuelle. A cet égard, nous remercions tous nos amis au Sénégal et à travers le monde qui continuent de nous marquer leur soutien indéfectible en ces temps si difficiles et défendent la cause de la paix et de la coexistence véritable.
Le Premier ministre aussi a demandé au chef de l’Etat de durcir le ton en s’alignant sur la position sud-africaine pour qualifier les attaques sur Gaza de «génocide». Qu’en dites-vous ?
Le Sénégal et Israël entretiennent des relations amicales dont la genèse remonte à l’époque précédant les indépendances. Ces relations ont toujours été basées sur un socle de valeurs communes au premier rang desquelles le dialogue. C’est sur ce socle que nous inscrivons notre disposition constante à approfondir avec nos partenaires sénégalais les domaines dans lesquels nos vues convergent et à discuter des points sur lesquels elles peuvent diverger. Cette disponibilité à dialoguer est réaffirmée lorsqu’il s’agit des questions liées aux massacres du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie.
Quels sont les domaines de coopération entre le Sénégal et Israël ?
Notre coopération s’est construite sur la base des relations amicales entre deux nations émergentes. Aujourd’hui, nos deux pays sont confrontés à des défis communs, au premier rang desquels la lutte contre les changements climatiques, la sécurité alimentaire, la lutte contre l’insécurité, la gestion de l’eau, la santé, et l’éducation pour tous. De par son histoire, Israël a développé une expertise singulière dans ces domaines et la met à la disposition du Sénégal dans le cadre de nos partenariats. A titre d’illustration, on peut citer les initiatives en cours dans les domaines de l’entrepreneuriat agricole et la gestion de l’eau, la participation d’experts sénégalais aux formations offertes par Mashav, l’Agence de développement international d’Israël, la mise en place de classes informatiques dans des écoles sénégalaises, les actions au profit de la formation à l’entreprenariat des jeunes et des groupements de femmes, les dons de matériel scolaire, la participation aux dialogues inter-religieux sur la base de nos origines Abrahamiques, et le soutien aux communautés nécessiteuses à l’occasion de la fête de la Tabaski. Nous assistons aussi les pèlerins de toutes les confessions, désireux de se rendre sur les Lieux Saints que notre pays abrite. Nous constatons aussi un intérêt mutuel grandissant de la part des opérateurs économiques de nos deux pays, dont nous nous félicitons et que nous encourageons. Les thématiques telles que la maîtrise de l’eau en zones rurale et urbaine, les modèles d’organisation de coopératives agricoles et l’insertion de technologies en vue de l’amélioration des rendements en situation de stress hydrique sont au cœur de cet intérêt mutuel. Cette recrudescence d’intérêt se manifeste aussi dans les échanges académiques et culturels. Pour notre part, nous continuerons à œuvrer au renforcement des liens entre les peuples qui facilitent la compréhension mutuelle et la coexistence pacifique.
Israël est souvent accusé d’être derrière le système des écoutes téléphoniques dans certains pays dont le Sénégal. Est-ce vrai ?
Israël est un leader mondial de la technologie de pointe et dispose d’un système de contrôle des exportations très robuste. Dans le processus décisionnel qui définit la politique d’exportation d’Israël, nous prenons en compte notre engagement en faveur des droits de l’Homme. Au besoin, nous sommes disposés à modifier nos règlementations, lorsque nous voyons que cela est nécessaire.
Hamath KANE