Le débat sur l’éligibilité de Ousmane Sonko se pose, après sa condamnation dans l’affaire Sweet Beauté et même celle en appel qui, si elle est définitive, le priverait également d’une candidature en 2024. Mais, beaucoup pensent que le leader de Pastef pourrait subir le même sort que Khalifa Sall, révoqué de ses fonctions de maire de Dakar, le 31 août 2018 par un décret présidentiel, au lendemain de sa condamnation en appel à cinq ans de prison ferme. Mais des spécialistes, du droit pénal notamment, estiment que Sonko ne peut perdre son mandat de maire de Ziguinchor en ce sens qu’il n’est pas dans l’un des cas qui visent la suspension ou la révocation comme le dispose le Code général des collectivités territoriales (Cgct).
Condamné par contumace pour le délit de corruption de la jeunesse dans l’affaire Sweet Beauté, Ousmane Sonko ne peut être révoqué par le chef de l’Etat. Pr Iba Barry Camara explique : «Monsieur Ousmane Sonko ne saurait être concerné dans les situations où il pourrait faire l’objet de révocation de la part du président de la République. En effet, même s’il est condamné par contumace, ces faits ne relèvent pas de ceux contenus dans la liste prévue par les dispositions du Code général des collectivités territoriales. En tout état de cause, ces faits sont étrangers à ceux prévus par la loi. De ce point de vue, il ne peut être concerné par quelque mesure de révocation par le chef de l’Etat ou de suspension par le ministre des Collectivités territoriales», insiste l’enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop.
Son collègue Ndiack Fall ne dit pas autre chose. Il souligne d’ailleurs le caractère «précaire et révocable» du jugement par contumace. «Il l’est en ce sens que si Ousmane Sonko est arrêté ou bien s’il se constitue prisonnier, l’affaire Sweet Beauté est jugée à nouveau. Partant de ce postulat, il ne peut être révoqué parce que dans la panoplie des délits listés par le Code général des collectivités territoriales ne figure ce délit», a-t-il expliqué.
Sonko dans le même cas que Barth’
Le maire de Ziguinchor est plus dans le cas de Barthélémy Dias qui n’est condamné ni pour crime ni pour les délits qui visaient son mentor, Khalifa Sall. Il a été déclaré coupable pour «coups mortels». En revanche, une voix discordante s’y mêle. Contrairement aux deux spécialistes cités plus haut, un autre, sous couvert de l’anonymat, déclare : «Si le dossier atteint l’autorité de la chose jugée, Ousmane Sonko perd tous ses mandats électifs. Dès lors, qu’il a été condamné par contumace, même s’il se constitue prisonnier ou qu’il est arrêté, il perd son mandat de conseiller municipal et par ricochet celui de maire de la commune de Ziguinchor.»
Les délits et les cas
Dans la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des collectivités territoriales, modifiée, l’article 135 définit les conditions dans lesquelles un maire peut être révoqué. Il dispose : «Lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime (ce qui n’est pas le cas pour la corruption de la jeunesse avec Sonko), sa révocation est de droit. Les maires et adjoints, après avoir été entendus ou invités à fournir des explications écrites sur les faits qui leur sont reprochés, peuvent être suspendus par un arrêté du ministre chargé des Collectivités territoriales pour un temps qui n’excède pas un (01) mois et qui ne peut être porté à trois (03) mois que par décret. Ils ne peuvent être révoqués que par décret. L’arrêté de suspension et le décret de révocation doivent être motivés.»
Par contre, l’article 140 est plus explicite parce qu’il énumère les délits susceptibles d’entrainer la révocation ou la suspension. Il s’agit de : «fait prévu et puni par la loi instituant la Cour des comptes, utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées (délit concernant Khalifa Sall), prêts d’argent effectués sur les recettes de la commune, faux en écriture publique (cas Khalifa Sall) authentique visés au Code pénal, faux commis dans certains documents administratifs, dans les feuilles de route et certificats visés au Code pénal, concussion, spéculation sur l’affectation des terrains publics, les permis de construire ou de lotir et refus de signer ou de transmettre au représentant de l’Etat une délibération du conseil municipal. Dans les sept premiers cas, la sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires.» Et parmi tous ces cas évoqués, le délit de corruption de la jeunesse pour lequel l’édile de la commune de Ziguinchor est condamné n’en fait pas partie. Son souci, c’est plutôt son éligibilité à la présidence de la République qui dépend du Conseil constitutionnel.