Le secteur des médias au Sénégal est une nouvelle fois plongé dans la controverse, à la suite de la publication du décret n°2024-3401 du 11 décembre 2024, nommant les nouveaux membres du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS) a exprimé de vives inquiétudes face à ce décret, soulignant plusieurs manquements graves qui remettent en cause la légalité et l’indépendance de l’institution.
Le CDEPS rappelle que la Constitution sénégalaise stipule que la nomination des membres du CNRA relève exclusivement de la compétence du président de la République, par décret. Or, dans le cas présent, la procédure a été réalisée sur proposition du ministre de la Communication, ce qui constitue une violation claire des textes en vigueur. Cette situation soulève des questions sur le respect des principes constitutionnels dans le processus de nomination.
Autre point soulevé par le CDEPS : les membres du CNRA sont désignés pour un mandat de six ans, non renouvelable et non révocable, conformément à la loi n°2006 portant création de l’institution. La démarche actuelle du ministre semble avoir méconnu cette règle fondamentale, en agissant comme s’il s’agissait d’une simple rotation de membres, ce qui n’est pas le cas selon les textes.
Le CNRA, créé pour garantir la régulation indépendante du secteur audiovisuel, a pour mission principale de veiller à la liberté et à l’indépendance de l’information. Dans ce contexte, le CDEPS rappelle qu’aucun membre du CNRA ne doit être affilié à un parti politique. Pourtant, plusieurs nominations actuelles semblent violer ce principe d’impartialité, ce qui pourrait porter atteinte à la crédibilité de l’institution.
Le CDEPS appelle également à la mise en place urgente de la Haute Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle (HARCA), qui doit remplacer le CNRA, conformément aux réformes prévues par le nouveau Code de la presse. Une telle réforme doit impérativement se faire dans le respect des critères objectifs de nomination afin de garantir une régulation juste et transparente du secteur des médias.
Les agissements du ministre de la Communication s’inscrivent dans un contexte de tensions croissantes avec les médias sénégalais, exacerbées par la gestion du secteur depuis l’avènement de la troisième alternance politique, le 24 mars 2024. Le CDEPS dénonce une série d’initiatives, notamment l’avant-projet de loi sur la publicité, qui exclut les entreprises de presse des discussions cruciales pour la régulation du secteur, ce qui renforce la perception d’un contrôle excessif et arbitraire.
Depuis près de dix mois, les médias sénégalais se trouvent dans une situation de plus en plus tendue, avec des atteintes récurrentes à leur liberté. Ce climat de répression, dénoncé par le CDEPS, met en péril le rôle vital que jouent les médias dans la démocratie et la stabilité politique du Sénégal. L’organisation rappelle que la presse sénégalaise a été un acteur clé dans la réussite des alternances politiques du pays et qu’elle mérite un environnement de travail libre et sécurisé.
Face à ces dérives, le CDEPS plaide pour une réforme urgente du secteur, dans le respect des principes de liberté et d’indépendance, afin que les médias puissent continuer à jouer leur rôle fondamental dans le développement du Sénégal.