Le village de Ngano donne l’air d’une cité avec la structure de son habitat (maisons à étage, terrasses…) malgré son accès difficile qui sera un mauvais souvenir d’ici quelques mois avec la fin des travaux de construction de la route du Dandé Maayo. Situé sur la rive gauche du fleuve Sénégal dans la commune rurale de Ndendory (département de Kanel), Ngano est un village dont l’histoire est liée plus d’une fois à la République du Sénégal. Pour lui avoir donné le collier porté par le président de la République lors de son investiture par le Conseil constitutionnel, mais aussi les deux lionceaux représentés en sculpture au palais de la République. Bès bi Le jour débarque débarque dans cette cité plus que cetenaire.
C’est au 13ème siècle (entre 1276 et 1279) que Samba Wargoum a fondé le village de Ngano. L’homme s’est installé au milieu d’une forêt et cohabitait avec des lions, des boas et d’autres animaux sauvages. Un aventurier surpris de trouver une case au milieu d’une forêt s’écria «o ko gando, ko gando hoddi do» (c’est un savant, c’est un savant qui ose habiter au milieu des animaux sauvages en Pulaar). Gando signifiant savant en Pulaar deviendra au fil des ans, Ngano. Une localité d’agriculteurs, d’éleveurs et de pêcheurs, mais aussi d’émigrés qui ont transformé le village en une cité avec un habitat qui n’a rien à envier à celui des grandes villes. Et un de ses émigrés en France a donné naissance à un homme qui fait la fierté de tout Ngano, Kalidou Koulibaly, le capitaine des Lions. À la différence de nombreuses localités du Fouta, la chefferie du village est passée entre les mains de familles différentes avant d’être confiée définitivement à la famille Dia. L’actuel chef de village de Ngano, Kalidou Dia, ajoute : «C’est le même cas pour l’imamat car la mosquée a été dirigée par un Sy, puis un Wane, un Dia et depuis quelques années par un Ly».
L’hostilité de la périphérie de Ngano avec une forte présence d’animaux sauvages a demeuré jusqu’à une période récente. «À la tombée de la nuit, mon père m’a raconté que personne ne sortait de sa maison et jusqu’à une période récente et étant jeune on l’a vécu, tous ceux s’attardaient dans la zone faisaient tout pour regagner Ngano pour y passer la nuit pour repartir le lendemain», raconte Idy Sow. Les populations sont perçues dans le département de Kanel comme des gens courageux pour avoir cohabité avec des animaux sauvages des siècles durant. Connu pour être une zone de lions, le chef de canton de Kanel, Abdou Salam Kane instruit les populations de Ngano de lui offrir comme cadeau, un lion.
Deux lionceaux en cadeau pour la République
La légende raconte que, informées que leur village doit donner en cadeau un lion à Abdou Salam Kane, chef de cercle de Kanel (1879-1955), les populations se réunissent pour désigner les braves hommes qui doivent aller à la recherche d’un lion. Les commis de Ngano finissent par tomber sur une lionne et ses deux lionceaux et avec leurs flèches, ils tuent la lionne et récupèrent les lionceaux pour les offrir au chef de cercle. Mamadou Moussa Diagne ajoute : «Nos grands-parents et nos parents racontaient fièrement cet exploit de Ngano et nos voisins (les populations des villages environnants) nous admirent pour ça». L’homme de 66 ans, habillé tout en blanc, poursuit : «Les deux lionceaux ont été gardés quelques mois à Kanel avant d’être transportés à Dakar. C’était avant notre indépendance et nos parents nous ont expliqué que l’un des lionceaux a été emmené en France». Plusieurs interlocuteurs affirment que le lionceau qui est resté à Dakar a été gardé au parc de Hann où ils ont eu à visiter sa cage sur laquelle il était inscrit Ngano. Les populations de Ngano ne s’arrêtent pas là car, pour eux, les deux lions en marbre au palais de la République représentent les deux lionceaux attrapés à Ngano durant la colonisation et donnés en cadeau au chef de cercle de Kanel.
Le collier présidentiel
Ainsi, le village de Ngano, toujours enclavé, a participé à l’édification de la nation sénégalaise, et l’élection du 5ème président de la République de surcroît un Sérère, a révélé un coin de son his- toire. La date du 28 mars 2024 et celle du 2 avril ont une signification pour les populations de Ngano. En recevant le tout nouveau président de la République au palais pré- sidentiel, Macky Sall s’est arrêté avec son succes- seur sur une sculpture de deux lionceaux. Et selon les populations de Ngano, ce sont ceux-là, qu’ils avaient offerts au commis de l’Etat durant la coloni- sation qui sont représen- tés. Et le collier que le Président Bassirou Diomaye Faye a porté après sa prestation de ser- ment devant le Conseil constitutionnel a été aussi confectionné à Ngano.
Demba NIANG (Envoyé spécial à Ngano)