Signataires
M. Amama Mbabazi, ancien Premier ministre de la République d’Ouganda ,
M. Moctar ouane ancien Premier ministre de la République du mal ,
Mme Fiona Hill CBE, ancienne cheffe de cabinet de la Première ministre britannique Mme Theresa May
M. Jean-Yves Ollivier, Président-Fondateur de la Fondation Brazzaville.
Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, de conflits violents, de persistance du terrorisme et d’expansion inédite des migrations illégales, il devient urgent de réformer l’ordre international pour permettre l’émergence de l’Afrique et garantir une sécurité partagée, fondée sur une collaboration Nord-Sud repensée.
La sécurité de l’Afrique est une condition indispensable à la stabilité mondiale. Investir dans la coopération sécuritaire entre l’Afrique et ses partenaires internationaux, en particulier ceux du Nord, s’avère crucial. C’est aussi un moyen efficace qui, à moindre coût, peut prévenir des crises majeures qui touchent les deux hémisphères. Nous devons bâtir une nouvelle coopération fondée sur le respect mutuel et des solutions adaptées aux réalités africaines et globales.
Une réponse sécuritaire interafricaine, un impératif global
Aujourd’hui, l’Afrique fait face à une insécurité multidimensionnelle, de l’instabilité institutionnelle au terrorisme rampant, notamment dans le Sahel et la Corne de l’Afrique. Les interventions militaires occidentales traditionnelles ont trop souvent échoué à restaurer durablement la paix. L’insécurité dans les pays du Sahel est aggravée par le manque de ressources et de coordination entre les pays. Ce constat impose de revoir les approches sécuritaires.
La création d’une initiative interafricaine, soutenue par des partenaires internationaux, représente une solution concrète et durable pour répondre à ces enjeux. Cette dernière aurait pour objectif de renforcer la souveraineté des États africains, en respectant leur intégrité et en les aidant à sécuriser leurs propres territoires. En soutenant une alliance de cette envergure, les pays du Nord peuvent contribuer à créer un environnement plus sûr sans alourdir leur propre engagement militaire. Cela représenterait un outil performant pour optimiser l’utilisation des ressources et renforçant un dialogue Nord-Sud basé sur la confiance.
Un nouvel ordre économique et un accès plus équitable aux ressources
La sécurité est indissociable du développement économique. Une partie des investissements échappe à l’Afrique en raison d’une perception exagérée des risques, qui entraîne l’exigence de rendements plus élevés, ce qui freine les investissements indispensables au développement. Il est impératif de repenser cette approche et de favoriser des investissements plus équitables, en réduisant cette perception du risque. Cela permettra à l’Afrique de libérer son potentiel, en attirant davantage de capitaux pour renforcer ses infrastructures et son développement.
Mais la transformation économique de l’Afrique doit s’accompagner d’une coopération plus juste avec les grandes puissances économiques. Les interdictions climatiques unilatérales pénalisent le continent dans sa transition énergétique, alors qu’elle devrait bénéficier de solutions adaptées à ses réalités. Diversifier les partenariats et faciliter l’accès au crédit pour le développement devient ainsi un enjeu majeur. Les pays du Nord doivent assumer leur part de responsabilité en facilitant des mécanismes de financement plus souples et moins contraignants.
Un multilatéralisme à la hauteur des enjeux actuels
Le multilatéralisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est devenu inadéquat pour répondre aux défis contemporains. L’ONU, en particulier, est critiquée pour son incapacité à intégrer l’Afrique de manière significative dans les prises de décisions globales. Le continent, qui représente plus d’un milliard de personnes, mérite un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, et sa participation doit être élargie au sein des forums internationaux comme le G20, qui l’a récemment intégré dans le G21. Ce changement, bien que positif, ne peut être qu’un premier pas vers une réforme plus profonde du système multilatéral.
L’érosion du multilatéralisme est notamment accentuée par les crises au Sahel, la compétition entre puissances et l’exode massif des jeunes Africains. Seule une gouvernance internationale plus inclusive, reflétant les réalités du 21e siècle, permettra de prévenir la fragmentation du système mondial et d’assurer une paix durable pour tous.
Vers une coopération Nord-Sud renforcée et respectueuse
Il est temps de réinventer la coopération Nord-Sud, non pas comme une relation de dépendance, mais comme un dialogue entre égaux, fondé sur le respect mutuel. La sécurité de l’Afrique n’est pas un problème qui lui est propre. En investissant dans une coopération sécuritaire adaptée aux réalités du continent, les pays du Nord œuvrent non seulement pour une Afrique plus stable, mais aussi pour un monde plus sûr.
L’émergence de l’Afrique dans un nouvel ordre international, par une meilleure représentation et un soutien sécuritaire accru, est une nécessité stratégique pour garantir un avenir commun. À l’heure où les crises se mondialisent, le continent doit être reconnue non pas comme un simple récipiendaire d’aide, mais comme un partenaire stratégique incontournable. Le temps est venu de bâtir, ensemble, un futur où la sécurité, le développement et la coopération définiront les relations entre le Nord et le Sud.