À l’occasion de la grand-messe écologique, ils montent en puissance d’année en année. Une présence qui ne fait pas l’unanimité. La preuve : en septembre dernier, un collectif de 180 responsables d’entreprises a lancé un appel. Celui de boycotter l’évènement mondial. Ils estiment que «les lobbyistes des énergies carbonées ont fait main basse sur les COP». Une politique de la chaise vide que ne semble pas partager tous les activistes de l’environnement.
En chiffres ou en lettres, ils ont fini de marquer leur territoire dans les COP (Conférences des Parties). Ils déposent en masse leur valise «remplie d’or noir» dans la ville qui accueille le plus grand rendez-vous climatique au monde. Et à Dubaï, les lobbyistes des énergies fossiles n’ont pas dérogé à la règle. Jetons un regard dans le rétroviseur pour parler du présent des négociations climatiques. En 20 ans, au moins 7200 accréditations «pro énergies fossiles» ont assisté aux négociations sur le climat. Un chiffre récemment exposé par un groupe d’organisations écologiques dénommé «Mettez les gros pollueurs à la porte»). Face à cette donne, pour certains militants de l’environnement, le doute n’est pas permis : y prendre part, c’est cautionner «une mise en scène qui ne prospère que grâce à l’extraction d’énergies fossiles». Une posture radicale diversement appréciée dans le «cercle vert». Le Sénégalais Cheikh Fadel Wade les a souvent croisés dans les couloirs des COP et dans les autres tribunes dites écologiques. «On ne doit pas laisser le champ vide», martèle le Coordinateur de la Plateforme nationale des acteurs pour une justice climatique. D’après lui, «dans ce choc des intérêts, il faut savoir défendre ses positions». «Regardez avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En Europe et aux Etats-Unis, elle est vite devenue un argument pour rallumer la flamme des centrales à charbon à cause de la crise énergétique», explique le militant de la justice climatique. Il pense que «la COP est un rendez-vous crucial pour la société civile africaine afin de peser sur la balance des négociations».
Pour une plus grande place de la société civile africaine
Tout comme Cheikh Fadel Wade, elle aussi milite pour la cause environnementale. Et d’ailleurs, Rim Mathlouthi ne rate jamais l’occasion de le faire. En mi-octobre dernier, la Tunisienne a pris part au rendez-vous de Marrakech. Un contre-sommet de plus de 400 personnes dans la ville marocaine pour décrier les institutions de Brettons Woods (Fmi et Banque mondiale). «Un système de prêt aux allures de dons et qui alimente les guerres, l’appauvrissement, la destruction de la Planète», avait martelé lors de cette mobilisation le membre du comité du réseau nord-africain pour la souveraineté alimentaire. «Se faire attendre dans les coulisses», c’est justement le scénario à reproduire à Dubaï, reste convaincue Rim Mathlouthi. Selon elle, ces industries de l’extractivisme ou d’autres sociétés polluantes ne participent pas directement aux négociations. Mais l’activiste s’empresse de préciser qu’elles «sont présentes pour influencer les négociateurs dans les prises de décision». Le constat, déjà fait. Elle enchaîne avec une interrogation, voire une interpellation : faut-il pour autant boycotter les COP face aux lobbies des industries ?
En réponse, Rim Mathlouthi se positionne sur la ligne des non- boycotteurs. Elle pense que la situation civile africaine se doit d’occuper l’espace pour parler aux pouvoirs publics et informer le public. En même temps, le membre du comité du réseau nord-africain pour la souveraineté alimentaire propose de lancer le compte à rebours de la bataille de l’influence avant, pendant et après les Conférences des Parties. Pour elle, «c’est en amont que les défenseurs du climat doivent mettre les bouchées doubles en sensibilisant les décideurs, les élus par rapport aux mesures en faveur de la protection de la Planète». Un agenda vert qu’exécute depuis des décennies Cheikh Fadel Wade sur sa terre natale. L’homme fait partie des voix qui défendent Bargny. Une commune située à une trentaine de kilomètres de la capitale sénégalaise encerclée par des sites industriels (centrale à charbon, projets d’usine de sidérurgie, d’un port minéralier-vraquier…). Un combat qu’il compte porter à Dubaï pour défendre les communautés vulnérables. Une bataille sans répit face à la puissance des lobbies des énergies fossiles. La preuve : ils ne cessent de gonfler leur rang. Ils étaient plus de 600 en 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte, en terre africaine et plus de 500 à Glasgow en Ecosse en 2021. Reste à savoir leur poids direct ou indirect dans les négociations à Dubaï. Le texte final qui sera adopté nous le dira sans doute.
Par Pape Ibrahima NDIAYE (Envoyé spécial à Dubaï)