La Cour des Comptes vient de publier un rapport accablant sur la situation des finances publiques entre 2019 et 2024. Le document révèle des écarts préoccupants entre les chiffres officiels et la réalité de l’endettement, ainsi que des pratiques de gestion opaques qui fragilisent la soutenabilité de la dette du pays.
Une dette en forte hausse
Au 31 mars 2024, la dette publique sénégalaise atteint 15 691,05 milliards FCFA, dont 90 % sont portés par l’administration centrale. La dette extérieure domine largement avec 9 189,2 milliards FCFA, tandis que la dette intérieure s’élève à 4 984,6 milliards FCFA.
Mais au-delà des chiffres officiels, la Cour des Comptes pointe du doigt une sous-évaluation systématique de l’endettement. En 2023, l’encours de la dette de l’administration centrale était en réalité supérieur de 81 milliards FCFA aux montants déclarés par les autorités. Pire encore, 696,7 milliards FCFA de dépenses financées par des prêts n’auraient pas été comptabilisés, réduisant artificiellement le déficit budgétaire.
Des emprunts hors contrôle et une gestion opaque
Le rapport met également en lumière une dette bancaire hors circuit budgétaire, évaluée à 2 517 milliards FCFA au 31 mars 2024, dont une grande partie en crédits directs. Contractés sans autorisation parlementaire, ces emprunts échappent au suivi de la Direction de la Dette publique, une situation qui pose un sérieux problème de transparence.
Autre point critique : l’existence de comptes bancaires gérés par des ministres pour financer des dépenses extrabudgétaires, une pratique qui remet en question la rigueur de la gestion des fonds publics.
La dette garantie, quant à elle, semble également sous-estimée. Alors que les autorités avancent un montant de 535 milliards FCFA, la Cour des Comptes révèle qu’elle atteindrait en réalité 2 265,45 milliards FCFA, notamment en raison de garanties accordées à des entreprises publiques comme SENELEC.
Un déficit budgétaire plus élevé que prévu
Ces anomalies ont des conséquences directes sur les finances publiques. En 2023, le déficit budgétaire officiel était annoncé à 4,9 % du PIB, mais la Cour des Comptes estime qu’il atteindrait en réalité 12,3 %. De même, l’encours total de la dette, en intégrant les engagements non déclarés, représenterait 99,67 % du PIB, contre 74,41 % selon les chiffres officiels.
Face à ces dérives, la Cour des Comptes recommande une meilleure transparence dans la publication des rapports financiers, une rationalisation des dépenses pour mettre fin aux transferts irréguliers et un renforcement des contrôles sur les emprunts contractés en dehors du cadre légal.
Ce rapport met en évidence une situation préoccupante pour les finances publiques du Sénégal, avec un endettement massif et une gestion jugée trop opaque. Des réformes urgentes semblent nécessaires pour éviter une crise de la dette.
Emedia