Élu président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye va devoir composer avec une Assemblée nationale contrôlée par la nouvelle opposition. Alors que Taxawu Sénégal a pris ses distances, la nouvelle alliance avec le PDS ne suffit pas. Une dissolution avant les deux ans de législature serait inconstitutionnelle. Prendra-t-il tout de même le risque ?
Bassirou Diomaye Faye est le président élu à l’issue du scrutin du 24 mars. Il est l’homme du pouvoir, mais qui ne le sera effectivement que s’il a les pouvoirs nécessaires pour gouverner. Et il se trouve que c’est un chef d’Etat qui devra négocier, concéder, pour dérouler son «projet». De facto, c’est un Président qui va vivre une «cohabitation» avec la majorité, même précaire, de Benno bokk yaakaar. En principe, il devra faire avec jusqu’en 2027. Mais, Diomaye Faye dispose d’une arme constitutionnelle pour s’en sortir : la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais il devra, là encore, patienter pour quelques mois. «Le président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier ministre et celui du président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale », prévoit l’article 87 de la Constitution. Ce serait donc en septembre prochain. Mais pourra- t-il attendre 5 mois ? Sauf surprise, le président élu ne peut risquer une première violation de la loi en passant outre le délai de deux ans.
L’arme Pds, le problème Taxawu, la majorité de Benno
C’est incroyable ce que la politique peut faire et être. Il y a quelques jours, les députés du Pds se liguaient avec ceux de Benno pour faire passer leurs initiatives comme lettre à la poste. Il ya eu la commission d’enquête parlementaire, le projet portant report de l’élection ou encore l’amnistie. La nouvelle alliance entre le parti de Wade et la coalition Diomaye, rebat les cartes jusque dans l’hémicycle ; elle est comme cette inter-coalition qui ne s’est pas traduite à l’Assemblée. Mais cela ne suffit pas. Puisque le groupe Yewwi askan wi, privé des élus de Taxawu Sénégal, ne peut résister au groupe Benno. À moins que Diomaye décide de recoller les morceaux avec Khalifa Sall et ainsi tenter de retrouver l’équilibre qui avait prévalu depuis le 12 septembre 2022. Et puis, accrocher les autres non alignés et quelques députés de Bby. Les alliances contre nature à l’Assemblée sont loin d’être terminées. C’est dire que le président élu a déjà du pain sur la planche.
La tentative ratée de Macky Sall
C’est peut-être aussi pour éviter à son candidat ou son successeur ce blocage éventuel que le président Macky Sall avait voulu tenter une dissolution de l’Assemblée nationale, en juillet 2023. En 2022, la coalition Yewwi askan wi avait mis en ballotage la coalition Benno Bokk Yakar qui n’a pu sauver une majorité qu’avec le ralliement d’un député de Bokk Gis Gis. Le président Macky Sall a voulu, un an après, dissoudre l’assemblée et organiser de nouvelles élections législatives. Peut-être même couplées à la Présidentielle. Il propose à la suite de l’examen de plusieurs projets de loi issus du dialogue politique, la modification de l’article 87 de la Constitution pour dissoudre l’Assemblée nationale. Ce qui avait créé une
polémique et le texte qui aurait permis au chef de l’État – en cas d’adoption – de dissoudre l’Assemblée nationale par décret donc à tout moment. Or, il s’est heurté à un verrou qui dispose que le président ne peut dissoudre l’Assemblée avant un délai de deux ans, après les législatives. Mais aussi parce qu’une bonne partie de l’opposition parlementaire s’y était opposée. Macky Sall avait voulu surfer dans la dynamique du dialogue sur fond de la réhabilitation de Khalifa Sall et Karim Wade. Une initiative impopulaire qui a failli mobiliser les forces à la Place Soweto. Devant cette forte pression, le président Macky Sall a donné instruction de «retirer l’article 87 de la réforme constitutionnelle» qui devait consacrer le nouveau code électoral. D’ailleurs, Abdoulaye Wilane disait : «Le président de notre coalition, le chef de l’Etat, a pensé qu’il était plus serein, plus conforme à la volonté populaire, de retirer purement et simplement la réforme. Parce que la probabilité de la dissolution et les agitations politico-médiatiques que l’on a vues sur les intentions infondées qu’on lui prête lui recommandent de rester au-dessus de tout soupçon.» Son collègue Guy Marius Sagna du parti Pastef dénonçait un «tripatouillage constitutionnel» pour pouvoir coupler la Présidentielle avec des Législatives. Une dissolution avant les délais requis semble peu probable. C’est parti pour un premier sujet de haute politique pour Diomaye Faye.
Malick SY